Une amie très chère

Anton Disclafani

Trad. de l’américain par Pierre Ménard

Éditions Denoël, avril 2017, 440 p.

Mes lectures Denoël

Texas, années 50. Les frasques innombrables de Joan Fortier, grande, blonde et riche, défraient la chronique. Tous les hommes la désirent et toutes les femmes rêvent de lui ressembler. Mais derrière le vernis du physique parfait et de la vie idéale se cache en réalité une personnalité complexe et tourmentée. La seule personne à avoir compris cela est Cece Buchanan, sa meilleure amie. Dévouée à Joan depuis leur plus tendre enfance, liée à elle par un inavouable secret, Cece lui tient lieu autant de chaperon que de complice, acceptant de couvrir toutes ses excentricités. Au point de mettre en danger son propre mariage.

Mon Billet :

J’ai lu ce roman avec une curiosité grandissante. Où allait nous mener cette histoire ? Quel était le propos de ce roman ?  J’ai même cru qu’on allait vers un roman noir, voire un fait divers tant une ambiance devenait délétère… Au moment d’écrire ma chronique, je ne sais pas vraiment répondre à mes interrogations d’où ce petit laps de réflexion …

Ce roman se base au Texas à Houston 1950-1958, on y croise même des personnalités réelles. On est dans un quartier huppé « River Oak » où vivent des magnats du pétrole et des dirigeants d’entreprise.

Ce microcosme de gens aisés ou richissimes vit en vase clos avec des règles et ses valeurs. Ce roman traite surtout du côté féminin. L’homme est lié à l’argent, au travail, à la vie sociale et aux mondanités. Sa place en tant que père est assez réduite.

La sexualité est liée au monde de la nuit… l’alcool, le tabac, la violence sont aussi régis par des codes.

Tout  est codifié. Le mari travaille, la femme est  à la maison et les employés de maison s’occupent du quotidien et des enfants. De ses employés de maison on ne connaîtra que très peu de chose de leur vie privée.

Les filles vont à l’école pour se préparer à assurer leur rôle public. A la fin de leurs études, le bal des débutantes va les conduire vers leur rôle de parfaites épouses, de parfaites mères qui garantirons que les traditions se perpétuent. Tout est écrit à l’avance. Fini les frasques de cette « jet set » de l’époque. Il faut rentrer dans le rang.

Les amies ne viennent pas d’ailleurs. Celles qui font un mariage hors de ce cercle  sont presque considérées comme des bannies. C’est presque un soulagement de les voir revenir après un divorce, mais elles auront droit à une certaine condescendance en fonction de la fortune familiale !

Dans ce groupe d’amies, il y a une richissime héritière qui n’en fait qu’à sa tête. Elle dérange l’ordre établi même si en secret on lui envie cette liberté de corps et d’esprit. Mais dans les années 50 la femme libérée dans un tel milieu c’est impensable. Les frasques de la jeunesse on leurs limites et on les cache grâce à l’argent et au pouvoir familial.

Joan est un être lumineux qui va se brûler les ailes, on nous le dit d’entrée.

Cecilia son âme sœur est tout le contraire elle veut se sentir protéger par ce giron social. Elle vit dans le sillage de Joan tout en ayant son caractère et sa vision de la vie qu’elle veut mener. Cécilia est plus forte qu’il n’y paraît et s’interroge en permanence sur cette relation qu’elle a avec Joan.

Cecilia la narratrice, nous parle avec sincérité de ce qu’elle a vécu avec Joan. Cette amitié avec ses secrets et ses mystères.

 Ce n’est pas une biographie chronologique, cependant les périodes mises en avant sont bien précisées.

Cécilia est riche, belle et intelligente, elle a des amies,  elle à un mari qui l’aime. Elle est une mère aimante et attentive. Elle a vingt-six ans au moment où elle raconte cette histoire. Elle a tout pour être heureuse, cependant il y une part d’ombre qui la lie à Joan. Une amitié toxique ?

Le mari de Cécilia n’a pas un rôle facile. Il aime sa femme. Il lui concède des choses mais la pression sociale et la morale de l’époque sont ce quelles sont. Il a ses limites et il va lui poser un ultimatum et la pousser dans ses ultimes retranchements.

On sent les angoisses de Cecilia tout au long de sa jeune vie. La souffrance de sa mère, son garçon qui ne parle pas, âme sœur qui qu’elle voit s’autodétruire…

La fin nous dévoile quelques mystères de la vie de Joan, c’est très émouvant. Et du coup, Cecilia va « relire» sa vie avec un autre filtre. C’est comme si elle était passé à côté de quelque chose… Qu’aurait été sa vie si elle avait su cela bien avant ?

Cecilia  va devoir vivre sans son alter ego, le fil invisible qui les liait a été coupé. C’est un peu comme si des jumelles devaient vivre séparées. Cette idée de gémellité apparaît dès leur entrée à la maternelle, puisqu’elles avaient le même prénom et qu’on a imposé à Cecilia d’utiliser son deuxième prénom… Ce n’est pas anodin !

L’aspect psychologique est très intéressant, mais comme la narratrice est partie prenante, elle n’a pas les réponses. Elle va devoir continuer à se construire avec les séquelles du passé.

En guise de conclusion : c’est un roman qui m’a beaucoup plu car il décrit un milieu et une époque, qui se lit facilement mais qui intrigue…

je remercie les Éditions Denoël pour leur confiance.

NB : Depuis que j’ai lu ce roman je continue à m’interroger sur ce qui m’a un peu dérangé… Je crois après réflexion que c’est le fait que nous avons un texte qui nous remet dans le présent de l’action et lorsqu’on arrive à la fin on a des éléments qui donnent un éclairage à certains mystères et comportements. C’est comme si la narratrice nous racontait ce qu’elle avait vécu à l’époque alors qu’aujourd’hui elle sait d’autres choses. Vous me direz c’est logique sauf que le livre début par « Ce sont les femmes qui me demandent encore de leur parler de Joan »…. je ne sais pas si je suis claire…

Qui en parle ?

Felina

Lea Touch

Article précédemment publié sur Canalblog

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