L’étrange disparition d’Esme Lennox

Maggie O’ Farell

Trad. Michèle Valencia

10/18, 2009, 240 p., 8,10€

Existe chez Belfond

Le mois irlandais avec Maeve

Le club de lecture Auf

4e de couv.

Depuis soixante ans, le monde l’a oubliée et sa famille ne prononce plus son nom. Esme Lennox n’existe plus. Mais quand ferme l’asile où elle vivait recluse, la vieille femme réapparaît brusquement. Au bras de sa petite nièce, Esme découvre une Écosse moderne peuplée de fantômes… qui réveille, sous le silence des années, les secrets inavouables d’une vie volée.

Mes impressions de lecture :

J’avais ce roman dans ma Pal depuis 2012 car je voulais le lire pour mon club de lecture, de fil en aiguille il aura fallu que Maeve organise « Le mois irlandais » pour que je le dépoussière.

On a beau ne pas vouloir prêter d’importance à la couverture, j’avoue que celle de mon édition ne m’encourageait pas.  Ce visage aux yeux fermés, le teint pastel, associé au titre … mon imagination s’est un peut emballée ! sur la couverture de la version poche le visage est masqué. En fait ce visage avec cette coiffure correspond à la description.

En lisant certains passages j’ai pensé à : « le bal des folles » de Victoria Mas. Encore une histoire révoltante autour des jeunes filles qui ne rentraient pas dans le rang.

Je venais de lire « Le chant du perroquet » qui n’a rien à voir à première vu avec ce roman et pourtant dans les deux cas il est question d’identité. Et de jeux entre deux temps.

Que de digressions !

L’histoire débute en Inde, se poursuit et se termine en Écosse. Entre les années 30 et les années 90. On a donc des changements de lieu et d’époque qui ont leur importance. Un drame à lieu en Inde, Esme subit un premier choc suivi par le bouleversement du changement de vie et de culture. Et puis un autre coup du sort. Tout cela on va l’apprendre à travers des monologues intérieurs d’Esme ou des divagations Kitty/Kathleen. Le lecteur va en apprendre plus qu’Iris puisque les deux narratrices ne s’adressent pas à elle.

Il manque une génération, celle du père d’Iris qui est décédé. Ce chaînon manquant est important car cela crée une distance entre ce qui s’est passé soixante ans auparavant et les découvertes d’Iris.

En plus de cette thématique de la mémoire brisée, entre Kathleen qui a Alzheimer et Esme qu’on a fait taire en la coupant du monde, on la thématique des normes sociales.

Iris a une vie amoureuse compliquée et on se dit qu’en d’autres temps elle aurait subit le même sort qu’Esme ou d’autres jeunes filles.

La thématique de la maternité est en contrepoint. La grand-mère de Kathleen et Esme, leur mère, la mère d’Iris et celle qui va devenir mère et la femme de Luke… on a presque l’image de la malédiction de la « mère », cela peut donner un certain pouvoir à la femme ou devenir une damnation.

Roman bouleversant avec une fin dramatique et terrible. C’est l’image de la boucle qui se referme. Est-ce que cela clora cette malédiction qui semble peser sur cette famille ?

Quel sera l’avenir d’Iris ?

J’ai bien aimé l’écriture de Maggie O’Farrell et je pense que j’en lirai d’autres.

La neuvième heure

Alice McDermott

Trad. Cécile Arnaud

Éditions de la Table Ronde, 23 août 2018, 283 p., 22,50 €

Mes lectures de La Table Ronde

neuvième heure

4e de couv. :

Jim agite doucement la main en refermant la porte derrière sa femme Annie qu’il a envoyée faire des courses. Il enroule alors soigneusement son pardessus dans le sens de la longueur et le pose au pied de cette même porte. À son retour, c’est un miracle si Annie ne fait pas sauter la maison entière en craquant une allumette dans l’appartement rempli de gaz.
Les chevilles enflées après une journée à faire l’aumône, sœur Saint-Sauveur prend la relève des pompiers auprès de la jeune femme enceinte et des voisins sinistrés de ce petit immeuble de Brooklyn…

Mon Billet :

Mes copines du club de lecture m’incitent depuis longtemps à lire les romans d’Alice McDermott, alors je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’on m’a proposé de lire ce roman pour la rentrée. Quel beau moment de lecture.

Je ne sais pas pourquoi, j’ai cru qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles. Lorsque j’ai terminé ce que je croyais être la première nouvelle je suis restée « scotchée ». Il y avait un événement, un instant T et une chute. Bien sûr je restais aussi avec que c’est-il passé après… et c’est là que j’ai compris qu’il s’agissait d’un roman, donc je me suis crée une belle surprise !

Les chapitres portent un titre et forment pour la plupart une partie de l’histoire complète. J’ai beaucoup aimé le rythme et la narration. On fini chaque chapitre avec et maintenant que va-t-il arriver ?

Le chapitre un est le moment fondateur de là vont découler les événements qui en sont les conséquences.  On va découvrir  les vies dans certaines maisons,  les vies dans le couvent, et par extension la vie dans ce quartier.

On va suivre d’une part la vie d’Annie qui va se retrouver liée à celle des « petites sœurs soignantes des pauvres », qui elle-même sont liée à la vie de Brooklyn. Ces trois fils vont se tisser et donner une image d’ensemble de ce début de XXe siècle.

J’ai beaucoup aimé le narrateur qu’ Alice McDermott a choisi pour nous raconter ces vies. Par moment cela donne un point de vue très décalé mais je n’en dis pas plus pour que vous découvriez cette petite originalité.

Pour ceux qui auraient peur des « bondieuseries » il n’y en a pas tant que cela. Bien sûr les « petites sœurs » étant un élément primordial on a une certaine morale chrétienne et catholique qui est là. Mais elles vivent dans le siècle, elles côtoient des plus démunis, elles font office des premiers services sociaux. On est au début du XX siècle les femmes sont dans des situations assez difficiles. C’est d’ailleurs un des sujets les plus développés. Avec d’une part la vie de celles qui choisissent le mariage et celles qui choisissent la vie religieuse.

Il y a dans ce roman des parallèles qui se font. Un exemple : un personnage féminin va faire un voyage en train qui sera formateur, un véritable chemin initiatique qui décidera de son avenir. Dans un autre chapitre on va découvrir un autre voyage vécu par un jeune homme, il n’aura pas la même portée et pour lui il y aura un « renforcement » dans sa position de fils de famille. Ces deux aventures sont très significatives des différences d’éducation.

La famille est un sujet aussi très important car c’est elle qui détermine l’avenir. Il faut se détacher du  poids du passé pour avancer dans la vie. On va découvrir les effets des non-dits..

Il y a beaucoup de rebondissements qui jouent sur différents types d’émotions des larmes au rire, de la résignation à la révolte… Ce n’est pas un roman triste même si la mort et la souffrance sont le quotidien des ces personnages. Il y a les rires et l’envie de vivre qui prennent le dessus.

Je ne voudrais pas trop en dire pour vous laisser découvrir ce passé qu’on voudrait révolu et qui par certains côtés existe encore.  Je n’ai pu m’empêcher de penser à un autre roman de la rentrée « Monsieur Viannet » de Véronique Le Goaziou, un autre pays, une autre époque et encore la misère…

Je remercie les Éditions de La Table Ronde pour leur confiance.

1% rentrée 18


Article précédemment publié sur Canalblog

Les grands écrivains publiés dans « Le Figaro », 1836-1941

Les grands écrivains publiés dans « Le Figaro », 1836-1941

Bertrand de Saint Vincent

4e de couv. :
Une anthologie littéraire et historique exceptionnelle issue des archives du quotidien Le Figaro, cent textes d’écrivains inédits ou méconnus.
« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse de rire de tout… de peur d’être obligé d’en pleurer ». Né sous le signe de Beaumarchais en 1826, le plus ancien quotidien français n’a cessé au fil de sa très longue histoire de faire appel dans ses colonnes aux plus belles plumes de son temps, en leur laissant toute liberté pour exprimer les sujets et les opinions de leur choix.
Qui se souvient que Jules Vallès, Rimbaud ou Marcel Proust firent leurs débuts dans les colonnes du Figaro, à qui ils doivent pour certains la subsistance et le début de notoriété, qui leur permit ensuite de se consacrer à leur œuvre ?
La plume de l’écrivain et l’encre de la presse furent intimement mêlées pendant au moins un siècle. Ce vent de liberté fut ainsi propice à la littérature…Et si ces archives recelaient des chefs-d’œuvre ?

Mon avis :

Ce livre offre une vue panoramique de ce qui pouvait être publié dans le Figaro, on a de l’histoire, de la politique, de la littérature, de la critique littéraire, on a des références théâtrales, musicales ou cinématographique et une image sociale. Nous avons onze auteurs du XIX e siècle et onze du XX e. Comme toute anthologie le choix des auteurs et des textes est subjectif. 

Avant de retranscrire les articles Bertrand de Saint Vincent présente l’auteur, il le remet dans leur contexte et aussi parfois dans quelle circonstance il est entré dans l’équipe du Figaro. Il y a un grand travail de recherche puisque certains articles ne sont pas signés ou avec des pseudos. Il y a aussi un travail pour donner une certaine cohérence à l’ensemble. Les portraits qui illustrent chaque auteur sont inédits et subtils.

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé Théophile Gautier (lu « Zigzags en France » en 2010 où étaient compilés des articles sur des voyages en France. Lors de cette lecture je m’étais déjà interrogée sur les destinataires de tels textes. Ce sont des récits très littéraires, avec des références culturelles ou des subtilités dont je ne possède pas toutes les clés. parfois on a des indices dans l’introduction.

Pour qui écrire ce type d’anthologie ? Peut-être pour les curieux qui comme moi aiment découvrir autre choses que les grandes œuvres de ses grands auteurs qui peuvent impressionner. Cela peut être un tremplin pour découvrir ses auteurs. En tout cas on y voit la passion de Bertrand de Saint Vincent pour ces auteurs. J’ai apprécié le fait que les dates de vie et mort de l’auteur ainsi que la date de parution soit en entête, c’est un repère temporel non négligeable, car on a parfois des surprises.

L’image et la place de la femme sont très intéressant, vision peu flatteuse en général. Sans parler du fait qu’une seule auteur féminine soit présente : « Colette ».

Certains articles font penser à des tableaux représentant une époque, comme par exemple « le dimanche d’un jeune homme pauvre ou le septième jour d’un condamné… » de Jules Vallès.

J’ai été surprise par la modernité voire de sujets encore d’actualité. Tels que les problèmes de relation parents-enfants. Les parents voulant être les amis de leurs enfants et ayant des difficultés à assumer leur autorité parentale, avec Barbey d’Aurevilly. Octave Mirbeau et son article sur le comédien n’est pas sans rappeler les réflexions faites autour de la tv réalité par exemple (mutatis mutandis) .

Pierre Loti défendant les peuples envahis par les européens chrétiens avec leurs armes sophistiqués contre des armes rudimentaires. Les réflexions sur les armes destructrices à distance. Sa lutte pour la préservation de la forêt et sont côté « écologiste » avant l’heure. 

J’ai aimé l’article de Jules Vallès sur les victimes du livre. qui m’a fait penser à des réflexion actuelles sur les effets des jeux vidéos sur certains adolescents (mutatis mutandis).

J’ai apprécié dans le choix de Bertand de Saint Vincent les articles qui font penser à des effets de miroir, par exemple : nous avons d’un côté Barbey d’Aurevilly qui écrit puis plus tard être l’objet d’un article par Octave Mirbeau. Zola journaliste et Zola sujet d’Octave Mirbeau… ainsi que Marcel Proust auteur et Proust critiqué par André Gide. 

L’article de Zola (1881) sur la présentation de la loi pour le divorce et l’article de Maupassant (1884) sur cette même loi approuvée, s’interrogeant tous les deux sur les conséquences en littérature.

Bertrand de Saint Vincent a choisi des auteurs passionnés. Dans l’ensemble le terme « virulence » peut qualifier de nombreux articles.

Les auteurs pour la plupart font parti de notre culture générale et pourtant on les redécouvre et on redécouvre un passé pas si lointain.

Je n’ai pas été séduite par certains articles et certains auteurs mais c’est une question de goût.

Ce n’est pas un livre à lire d’une traite il faut se ménager des pauses car on passe d’un auteur à l’autre, d’un univers à un autre à 22 reprises.

C’est un ouvrage que j’aurais mis quelques semaines à lire et qui m’a fortement marqué et ont donné lieux à des extrapolations.

Je remercie les éditions  Acropole et Livraddict  pour ce partenariat passionnant.

Article précédemment publié sur Canalblog