Tracy Chevalier
Trad. Anouk Neuhoff
Éditions de la Table Ronde, quai Voltaire, 350 p., 23,50€
Mes lectures de La Table Ronde

4e de couv :
Winchester, 1932. Violet Speedwell, dactylo de trente-huit ans, fait partie de ces millions de femmes restées célibataires depuis que la guerre a décimé toute une génération de fiancés potentiels. «Femme excédentaire», voilà l’étiquette qu’elle ne se résigne pas à porter, à une époque où la vie des femmes est strictement régentée. En quittant une mère acariâtre, Violet espérait prendre son envol, mais son maigre salaire lui permet peu de plaisirs et son célibat lui attire plus de mépris que d’amis. Le jour où elle assiste à un curieux office à la cathédrale, elle est loin de se douter que c’est au sein d’un cercle de brodeuses en apparence austère – fondé par la véritable Louisa Pesel – qu’elle trouvera le soutien et la créativité qui lui manquent. En se liant d’amitié avec l’audacieuse Gilda, Violet découvre aussi que la cathédrale abrite un tout autre cercle, masculin cette fois, dont Arthur, sonneur de cloches, semble disposé à lui dévoiler les coulisses. À la radio, on annonce l’arrivée d’un certain Hitler à la tête de l’Allemagne.
Ma chronique : Coup de cœur
En écrivant cette chronique je viens de prendre conscience que le titre de ce roman est « La brodeuse de Winchester » et non « les brodeuses » au pluriel.
Ce roman met en scène Violet et à travers elle nous raconte la condition féminine en 1933 en Angleterre ou du moins certains aspects.
Violet fait partie de ses « veuves blanches » qui ont perdu leur fiancé lors de la première guerre mondiale et n’ont pu se marier après.
Elle a 38 ans, c’est donc une vieille fille, une charge pour son jeune frère depuis la mort du frère ainé à la guerre puis celle du père deux ans avant le début de cette histoire. Mais elle rejette l’idée de victime collatérale et ne veut pas se marier à tout prix. Elle veut vivre et non juste survivre émotionnellement…
Violet ne veut pas se résigner non plus à être l’éternel souffre douleur de sa mère et part en ville travailler comme dactylo. On découvre que l’Angleterre de ces années là subit la crise économique et beaucoup survivent plus qu’ils ne vivent. Cette fois-ci il s’agit de survivre financièrement.
Lorsqu’elle découvre les brodeuses de la Cathédrale et qu’elle arrive à intégrer le groupe, elle aura fait un grand pas en avant, et on va découvrir d’autres facettes de la condition féminine. Des rebondissements qui alternent bonheurs et malheurs vont jalonner les mois qui vont suivre.
On va donc la suivre dans ses rencontres, dans ses émois amoureux et ses déboires. Le sujet de la sexualité sera évoqué de différentes façons. Elle va découvrir l’amitié… Loin du giron familial, elle va grandir et s’émanciper un peu plus. Ce qui lui permettra aussi de mieux vivre avec sa mère, elles vont sortir de cette relation devenue dysfonctionnelle et toxique pour diverses raisons. On va donc voir toutes sortes d’interactions féminines tantôt négatives avec les rivalités et les préjugés mais aussi la solidarité et l’union.
Parallèlement ou plutôt en effet miroir on à la gent masculine et ses propres problèmes et interrogations. Les traumatismes de la guerre et les conséquences sur les familles. Le sens du devoir etc… Et chacun ayant avec Violet un rôle différent donc des interactions différentes.
L’éveil des consciences politiques est un sujet qui est abordé sans aller vers du militantisme. Le fossé entre les hommes est les femmes est énorme alors que Violet est consciente que le droit de vote des femmes en Angleterre date de 1918, elle réalise que la majorité des femmes ne se tiennent pas au courant de l’actualité. Tout semble limité à des petits cercles. Elle fait partie de celles qui ouvrent les yeux grâce à des rencontres et à une certaine volonté.
On va découvrir de nombreux personnages qui gravitent autour de Violet. Mais il y a un personnage non humain qui va prendre une grande place : « La cathédrale de Winchester ». Véritable ruche en pleine activité. L’aspect religieux passe en arrière plan. Elle peut être sombre, fraîche et silencieuse ou bourdonner du ballet de ceux et celles qui l’entretienne. C’est comme si elle changeait d’humeur, de couleurs.
Cette cathédrale fait vivre beaucoup de gens, des groupes distincts qui se frôlent sans vraiment se mêler, tantôt masculin tantôt féminin peut de mixité. Il y a celles qui s’occupent des fleurs, des livres de prière, des broderies et des coussins, et les sonneurs de cloches et des offices, et par extension les tailleurs de pierre dont on admire le travail au quotidien … Au dessus de ces petites mains il y a ceux qui gèrent les finances et les programmes… Une certaine hiérarchie sociale est maintenue.
L’aspect social qui rythme l’année, une vie tiens une place importante. La vie, la mort et tous les évènements entre les deux.
La temporalité touche aussi le passé, présent et futur…
Le passé avec les traces laissées par les artisans, les tailleurs de pierre etc, le présent avec les brodeuses et les sonneurs de cloche… tous œuvrent pour laisser une trace pour le futur. Les projets des brodeuses qui tout en s’inspirant du passé et du présent sont un fil conducteur pour le futur. Donner un but pour aller de l’avant, donner du courage et des forces pour ces petites mains…
Le temps c’est aussi voir la femme à différents stades de la vie…
La mémoire est une thématique aussi très importante à la veille des grands bouleversements mondiaux dont on voit les prémices.
Un roman qu’on n’a pas envie de lâcher car on voit le personnage franchir des d’étapes et s’affranchir.
Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance.
NB : Je lis d’autres romans qui se passent à la même période notamment la série « Son espionne royale » de Rhys Bowen et cela donne une vue d’ensemble.
Je vous conseille aussi de lire qui traite aussi de cette période mais dans d’autres milieux :