Sheppard Lee, écrit par lui-même

Robert Montgomery  Bird

Trad. (USA) Antoine Traisnel

Éditions Aux Forges de Vulcain, 2017, 435 p., 22 €

Mes lectures Aux Forges de Vulcain

4e de couv. :

Qui n’a jamais rêvé d’être quelqu’un d’autre ? D’échanger sa place avec un autre ? Debut du XIXe siècle, Philadelphie : un jeune américain, Sheppard Lee, se découvre capable de migrer de corps en corps : il sera un riche, un pauvre, un fou, un esclave. et ses multiples réincarnations vont peu à peu dessiner le portrait de la société américaine, une société folle et cruelle.

Mon Billet :

Ce roman américain du XIX e  siècle (1836) qui vient d’être traduit pour les Éditions Aux Forges de Vulcain est une perle. D’entrée je vous le dis c’est un coup de cœur.

J’ai beaucoup rit car c’est un vrai roman picaresque où notre héros va faire des expériences extraordinaires, allant d’une catastrophe à l’autre, l’enseignement par la chair. Il n’a pas de maître, il doit apprendre par lui-même. Heureusement il trouvera un appui à chaque fois. Maltraitance mentale et physique jusqu’à ce qu’il soit près à rompre ce cycle infernal.

Il a l’art de se mettre dans des situations inextricables. Le côté fantastique et gothique emporte le lecteur dans un imaginaire sombre avec de nombreux rebondissements.

Notre héros va découvrir dans un moment critique que son esprit/âme peut intégrer le corps d’un homme qui vient de mourir. Le premier passage est inattendu, une fois la surprise passée il accepte ce fait ne sachant pas si cela est définitif. Il cherche un peu à comprendre le comment du pourquoi, mais très vite, il se laisse emporter par les événements…

Le récit est fait par l’auteur/héros comme l’indique le titre. Nous allons donc le vivre de l’intérieur. Avec toutes les réflexions et interrogations. J’ai bien aimé les raccourcis qu’il prend pour dire au lecteur que lui-même n’a pas tout compris pour ne pas donner d’explications. Ou pour dire bon ceci ou cela n’est pas important alors on ne va pas s’étendre sur le sujet. C’était aussi très intéressants ses questionnements intérieurs, certains au moment des faits d’autres à posteriori au moment de la retranscription.

Il y a dans tout cela le thème de la mélancolie et de la quête du bonheur. Des thèmes dans l’air du temps de cette époque là. Tantôt jeune et pauvre, tantôt vieux et riche, tantôt bien portant et pauvre, tantôt malade et riche… Jamais la bonne combinaison.

Aucune situation ne trouve grâce à ses yeux !

Toutes les considérations sur le corps, l’esprit, l’âme… sont  abordées sans prétention, car Sheppard Lee du départ est un jeune homme instruit mais sans plus. On retrouve le reflet des idées en cours à cette époque. On entrevoit aussi certaines pratiques médicales plutôt contestables aujourd’hui.

On découvre aussi diverses facettes de la société américaine.

Ce que je trouve significatif, c’est le fait qu’il va changer 7 fois de corps, ce qui n’est pas un chiffre anodin. Il va se former comme une boucle et la fin est une vraie fin. Un mélange de logique et de fantaisie comme on s’attend à trouver dans un roman de cette époque là.

On se demande parfois ce qu’il a retenu de son expérience précédente car il se laisse très vite déborder et suivre une pente naturelle vers le laisser aller, cependant on se rend compte à la fin qu’il en a retenu certaines choses.

J’ai adoré ce personnage gaffeur, avec son côté fanfaron dû à sa jeunesse et sa position sociale, avec cette façon d’être lucide sur son laisser aller.

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain qui me font découvrir des auteurs que je ne connais pas.

vulcain
kokeshi coup de coeur

Article Précédemment publié sur Canalblog

Les détectives du Yorkshire 1. Rendez-vous avec le crime

Julia Chapman

Trad Dominique Hass

Robert laffont, La bête noire, 2018, 384 p., 14,90 €

Babelio/ La bête noire

4e de couv. :

Quand Samson O’Brien débarque sur sa moto rouge à Bruncliffe, dans le Yorkshire, pour y ouvrir son agence de détective privé, la plupart des habitants voient son arrivée d’un très mauvais oeil. De son côté, Delilah Metcalfe, génie de l’informatique au caractère bien trempé, tente de sauver de la faillite son site de rencontres amoureuses. Pour cela, elle décide de louer le rez-de-chaussée de ses locaux. Quelle n’est pas sa surprise quand son nouveau locataire se révèle être Samson – et qu’elle découvre que son entreprise porte les mêmes initiales que la sienne !
Les choses prennent un tour inattendu lorsque Samson met au jour une série de morts suspectes dont la piste le mène tout droit… à l’agence de rencontres de Delilah !

Mon Billet :

J’ai été attirée par le synopsis et par le fait qu’il s’agisse d’une enquête en duo. J’aime les personnages récurrents dans les romans policiers. De plus les prénoms des protagonistes Samson et Delilah laisse présager une dose d’humour avec ce jeu d’homophonie avec les personnages bibliques. Dalila qui coupa les cheveux de Samson pour lui retirer sa force. Tiens tiens notre détective aussi a les cheveux un peu longs !  Dans ce duo, on retrouve la dualité pulsion-répulsion. Je t’aime moi non plus et inversement.

Nous avons une trame policière avec une enquête et en contrepoint la trame personnelle. Samson revient dans son village natal qu’il a quitté assez abruptement. Quatorze ans ont passé mais on lui en tient rigueur. De son côté lui aussi à de sérieux contentieux avec les gens de sa jeunesse. Pourquoi revenir alors ? Cela fait partie de ses petits mystères et sous entendus qui ne dévoileront pas complètement ce secret. … il faudra continuer la série. D’où l’intérêt de commencer dès maintenant puisque c’est le premier épisode.

Delilah se retrouve malgré elle embarquée dans une relation « professionnelle » avec son ancien  binôme de course en montagne. Ils sont fauchés l’un  comme l’autre mais aucun des deux l’admettra.

On est dans un village, on va donc ce retrouver avec des personnages haut en couleur qui forment une communauté, avec ses clans, ses familles et ses institutions. Cela donne une galerie de portrait savoureuse. Le caractère de chacun ou place dans la société va jouer un rôle dans l’intrigue.

Samson arrive et il dérange certaines personnes, il est comme un chien dans un jeu de quille. Il n’est pas le seul à avoir des secrets. On lui prête des intentions qu’il n’a pas  (pour l’instant) suite dans le prochain épisode. Il y a des indices qui laissent entrevoir certaines choses.

L’intrigue policière se met en place en parallèle. Le lecteur va assister à certaines scènes et donc en savoir plus que les enquêteurs.

Le problème dans ses huis clos villageois, c’est que soupçonner son voisin, c’est souvent soupçonner un ami ou un membre de la famille. C’est délicat voire compliqué.

Nos deux personnages se débattent avec leurs problèmes personnels qui  font diversion et retarderont parfois les conclusions qui s’imposent. Leur défiance permet de créer encore plus de suspens et fera réagir le lecteur (il ou elle va lui dire ?).

Nous sommes dans un premier tome d’une série, je savais donc qu’il y aurait une certaine lenteur dans la mise en place. Mais ces scènes d’exposition sont accompagnées d’humour alors j’ai bien rit et cela ne m’a pas gêné. Comme je disais en débutant ma chronique j’aime les personnages récurrents et j’aime cet arrière plan qui n’est pas vraiment en parallèle puisqu’il joue un rôle dans l’enquête.

Je me suis prise au jeu et j’ai eu du mal à poser le roman sur le dernier quart où le rythme c’est accéléré. J’ai failli oublier de parler du rythme de la narration. Il y a des variations avec des accélérations qui m’ont fait penser à Delilah lorsqu’elle s’entraine en montagne. Tantôt en petite foulée, tantôt plus rapidement avec des montées qui vous coupent le souffle.

J’ai adoré la fine équipe de la résidence, le côté famille recomposée. On croit qu’ils vivent coupés du monde dans leur bulle et en fait ils ont beaucoup d’atouts dans les mains. Ils m’ont bien fait rire.

Il y a  des personnages qui semblent anodins et qui pourtant on leur importance car ils sont des liens entre divers groupes. J’ai adoré  Ida  qui vaut sont pesant de cacahouète (son langage, sa logique et sa loyauté) !

Bon j’arrête là vous l’aurez compris j’ai bien accroché.

Je remercie Babelio et les éditions Robert Laffont/ « la bête noire » pour cette découverte. J’espère pouvoir continuer à suivre les aventures de « Samson et Delilah ».

Petite parenthèse de lectrice :

Je lisais juste avant un roman où la place du feu était important (« le septième guerrier-mage » de Paul  Beorn) et bien figurez-vous que dans « rendez-vous avec le crime » le feu aussi va jouer un rôle, mais je vous laisse découvrir. Quand au personnage masculin malmené ici aussi c’est le cas. On ne va pas comparer deux romans, mais c’est drôle de voir des similitudes entre deux lectures. Dans les deux cas le rôle féminin principal est tenu par une jeune femme de poigne qui n’hésite pas à taper du poing (et pas que sur la table !)

Article précédemment publié sur Canalblog