La vérité sur la petite graine

Claire Ubac
Ill. Zelda Zonk

Éditions Syros, 3 sept 2020, 111 p., 10 €
9-12 ans.

Mes Lectures Syros

Chronique du mercredi (Ok on est vendredi !!)
Rentrée Littéraire 2020

vérité sur la petite graine

4e de couv :

Un roman drôle et tendre, qui déconstruit les stéréotypes les plus tenaces !

Grande nouvelle ! La maîtresse est enceinte. À propos, d’où viennent les bébés ? Lena, Luc et Sakina ont chacun leur idée. Anis, lui, en est certain : les spermatos de l’homme font la course, c’est le plus fort qui gagne ! La maîtresse devra rectifier de fausses croyances et leur donner les dernières infos de la science… Pour former le futur être humain, tous les spermatos doivent coopérer. Mais au fait, et si c’était l’ovule, la vraie vedette de cette histoire ?

Ma Chronique :

Cette histoire est racontée par une gamine, Léna, elle est en primaire. Elle est passionnée par les insectes et la nature. Elle est très observatrice et aime connaître le pourquoi du comment. Son esprit plutôt « scientifique » ne peut se contenter d’approximations. Ses parents sont présents et très ouverts et elle a un grand frère en CM2.

Elle est à un âge où on peut parler de tout, alors que son frère lui est déjà dans la phase « il y a des sujets tabous ». On va avoir droit à un renversement de situation ou la petite va apprendre des choses au grand frère malgré ses « chut ne parle pas si fort, des adultes pourraient t’entendre ».

Alors que personne ne s’intéressait à cette question existentielle, ils apprennent que la maîtresse est enceinte et cela va déclencher une avalanche de questions. Dans un premier temps on va avoir la discussion entre enfants du même âge, puis avec les adultes. C’est là qu’on va découvrir que parler « reproduction » chez les être humains peut poser des problèmes avec certains parents qui font un blocage avec le « sexe » en tant que pratique sexuelle.

A quel âge en parler ? Comment en parler ? La maîtresse va développer le sujet en se basant notamment sur un travail pédagogique, en faisant parler les enfants et en visionnant un documentaire. Puis par ses propres recherches.

A nouveau réaction négative d’un parent. Ce roman montre différentes réactions.

Là, les enfants vont se questionner sur les conséquences pour la maîtresse et sur l’enfant dont le parent est bloqué. Puis la réaction d’un enfant sur le sujet qui va apporter de nouveaux éléments.

Et c’est seulement après tout cela qu’on aura la vision dans une partie du monde animal avec la naissance d’un bébé requin…

Attention  !!! Il s’agit bien d’un roman alors il y a une trame narrative qui aborde d’autres sujets que « la vérité sur la petite graine », il y a les familles et l’amitié et les chamailleries qui le sel de l’enfance.

J’ai bien aimé ce roman par sa liberté de ton sur un sujet délicat à aborder. Pour la maîtresse c’est un sujet comme un autre, en parler d’une manière décomplexée casse les barrières autour d’un sujet « tabou ». On nous montre aussi que l’école à évolué et que c’est bon de voir une équipe pédagogique soudée.

Les illustrations de Zelda Zonk sont tendres et humoristiques pour accompagner les différentes discussions. Pour certains enfants ce petit «complément » vient  « détendre » l’atmosphère, car tous ne sont pas à l’aise avec le sujet.

Ce qui m’a plu dans ce roman c’est la clarté des explications de l’adulte et sur le travail d’écoute. A l’heure des infos sur le net c’est bon de se rappeler l’importance de l’accompagnement. Mais Claire Ubac ne fait pas l’impasse sur les à priori et sur les blocages culturels.

La curiosité n’est pas un vilain défaut si c’est pour ouvrir les esprits et aider à grandir.

Je remercie les éditions Syros de leur confiance.

syros

Chinatown, intérieur

Charles Yu

Trad. Aurélie Thiria-Meulemans
Éditions aux Forges de Vulcain, 28 Août 2020,  277 p., 20 €

Mes Lectures Aux Forges de Vulcain

chinatown

4e de couv :

C’est l’histoire d’un Américain d’origine asiatique qui essaie de trouver sa place dans la société américaine. Et, comme on est dans la patrie d’Hollywood, Yu raconte cette épopée sous la forme d’une quête du rôle idéal. Car le rêve de toujours du héros c’est de devenir Mister Kung Ku : il a vu la série à la télé quand il était petit, et c’est son but dans la vie. Sauf que plus il monte les échelons, plus il comprend que Mister Kung Fu n’est qu’un autre rôle qu’on veut lui coller parce qu’il est asiatique. C’est un roman high-concept écrit sous la forme d’un scénario : le héros n’est ni « je » ni « il » mais il est désigné par un « tu ». Le héros suit le script qui peint sa vie comme une série télé en mélangeant les genres : la bonne vieille série policière, avec un flic noir et une flic blanche et une grande tension amoureuse entre les deux, des scènes de kung fu, et on finit sur une superbe scène de court drama où l’Amérique se retrouve jugée pour son traitement de la communauté asiatique. Un roman virtuose, drôle et attachant : un Lala Land sauce aigre-douce.

Ma chronique : Coup de cœur

Le premier qui me dit que tous les romans de la rentrée se ressemblent je l’envoie lire celui-ci !

La couverture de « Chinatown, intérieur » donne déjà des indices sur certains aspects de l’histoire. La mise en lumière d’un masque, de type asiatique, dans le monde du cinéma. Le monde des apparences, de ce qu’on veut voir ou de ce qu’on veut nous faire voir. Les jeux de lumière vont jouer un rôle, tantôt l’un sera mis sous les projecteurs tantôt c’est autre, tout le monde court après  la « poursuite» (projecteur qui forme un rond de lumière)  alors que c’est elle qui fait sortir de l’ombre. (note à moi-même : thématique de la lumière à creuser)

Lorsque vous ouvrez le livre vous marquez un temps d’arrêt devant la typographie qui rappelle les textes écrits à la machine à écrire. Puis vient la structure, on lit « Acte I Asiat’ de service » et on se dit que c’est une pièce de théâtre… En fait c’est un roman polymorphe, protéiforme. A la limite avec un OLNI (objet littéraire non identifié ».  On a des citations, des listes, des textes succincts avant d’entrer dans la narration et les dialogues. J’ai bien aimé ses commentaires sur d’autres « séries » Tv… De nombreuses mise en abîmes, une histoire dans l’histoire (sortes de poupées russes).

Puis vient la narration à la deuxième personne du singulier. « Tu » ne s’adresse pas au lecteur, c’est plutôt un dialogue intérieur du narrateur avec lui-même, de celui qui écrit à celui qui  a vécu dans sa chair (et vice versa). C’est un roman viscéral, j’entends par là qu’il fait souvent référence au corps. Le corps en tant qu’enveloppe avec sa couleur et ce que cela implique mais aussi le corps qui a faim, le corps qu’on martyrise, qui vit et qui meurt, un corps de qui on exige beaucoup. Il y a des moments très touchants que le narrateur balaie d’un geste comme pour ne pas s’attarder sur le sujet, pas de pathos.

Le texte fait penser à un document pour un film, dans la quatrième de couverture parle de scénario, il me semble que c’est bien plus que cela car il y a des commentaires, des notes pour rejouer son film intérieur, personnel, sa vie revue avec un autre regard qui créent une sorte de mise à distance.

Lorsque je lisais les différents types de rôles cinématographiques qui incombent aux acteurs asiatiques de Chinatown. Ils font partie de la mémoire collective (de ma génération ?). Je l’ai ai visualisés car je suis revue en train de regarder ces films qui ont bercé mon enfance et adolescence. A la Tv on avait droit régulièrement à tous les épisodes de « Kung fu » avec David Carradine. Tous les étés j’allais dans le même village, dans le même cinéma de village espagnol et on nous repassait les Bruce Lee et autres films du même genre. Et moi aussi petite fille blanche gringalette, souple comme un verre de lampe,  j’étais le petit scarabée,  je voulais devenir moine Shaolin.

La narration va nous raconter la vie du narrateur, de sa famille mais aussi de tous ceux qui l’entourent dans son immeuble et forment une micro société. On a des zooms arrière et des zooms avant, des travelings… La thématique de la famille est omniprésente.

On retrouve dans ce roman ce côté « work in progress »  qui est une des caractéristiques de l’œuvre de Charles Yu (si je m’écoutais mes chroniques auraient plus de digressions, c’est peut-être pour ça que je me retrouve dans les romans et nouvelles de Charles Yu !). J’aime cette façon d’écrire qui demande au lecteur d’être actif. On n’est pas dans la linéarité on a les petites cellules grises qui entrent en action, et font appel à la pensée en arborescence. Une idée en appelant une autre tout en gardant la ligne directrice pour atteindre la canopée.

Charles Yu tisse une grande toile. C’est un roman très visuel mais qui fait réfléchir sur la condition humaine. On finit par chercher comment positionner sa caméra intérieure.

Par moment je transposais l’histoire à d’autres communautés, d’autres histoires… mutatis mutandis!

« Chinatown, intérieur » est un roman avec différents niveaux de lecture. Chaque lecteur s’attachera à une façon de raconter une histoire. Vous n’avez rien compris à ce que je vous ai raconté ? Le mieux c’est de lire le roman !!!

Ce roman est un coup de cœur pour tout ce que j’ai dit et ce que je n’ai pas dit…

Je remercie Les Éditions Aux Forges de Vulcain de leur confiance.

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