Tous tes amis sont là

Alain Dulot

Éditions de la Table Ronde, Collection Vermillon, 13 janv. 2022, 175 p., 16 €

Mes lectures de la Table Ronde

Le 8 janvier 1896, au 39 de la rue Descartes, Paul Verlaine s’éteint, à l’âge de cinquante et un ans. Le 10 janvier au matin, la foule est dense dans le quartier Mouffetard : proches et curieux, rosettes de la Légion d’honneur et guenilles trouées, vieilles barbes et jeunes moustaches, gens de peu et hauts de forme s’écartent pour laisser passer le corbillard. Alain Dulot se joint au cortège pour suivre la dépouille jusqu’au cimetière des Batignolles en s’adressant au prince des poètes. Il évoque sa mère Élisa, ses amis, la société littéraire qui l’entoure, ses amours tumultueuses – avec Mathilde Mauté, Arthur Rimbaud, Philomène Boudin et Eugénie Krantz – teintées de sa faiblesse pour l’absinthe. Et sa passion sans faille pour la poésie, des tavernes à l’hospice, de la prison aux cabarets, jusque sur son lit de mort.

Mes impressions de lecture :

Depuis quelques temps j’ai l’impression que je suis attirée par des romans qui font parler les poètes. Le dernier en date était «La muse ténébreuse de Baudelaire » de  Raphaël Confiant, qui retrace la vie de la muse de Baudelaire et où l’on suit le poète en filigrane.

Je découvre l’écriture d’ Alain Dulot. Dans ce roman il utilise  la deuxième personne du singulier, comme s’il s’adressait à Verlaine lui-même. Par ce procédé il le convoque, il le prend à témoin pour nous raconter la vie du poète. C’est comme s’il était là au moment de l’enterrement et qu’il évoque son passé. Cela donne au récit une vivacité avec des dialogues lorsqu’on est dans l’évocation d’une scène. Les extraits de poèmes avec leur contexte cela donne  vie aux textes, c’est vraiment une autre façon d’aborder une œuvre poétique.

J’ai beaucoup aimé découvrir le poète étudié à l’école dans sa vie d’homme. Je connaissais les grandes lignes mais ici on est vraiment dans la sphère de l’intime, le simple mortel.

On visualise  aussi très bien cette époque à travers les célébrités qui l’entourent. Les funérailles seront l’occasion de rassembler ses plus fidèles amis, comme le dit le titre, mais aussi d’avoir un contexte social et politique. L’épilogue fait même références aux autres titres de la presse.

Les amoureux de Paris auront plaisir à voir évoluer ses ombres du passé au cœur de Paris.

Je m’étonne à chaque fois que je lis des choses sur cette époque de voir comment le chemin de fer reliait les grandes villes. On le voit aller à Bruxelles, dans les Ardennes, à Londres alors qu’à l’époque beaucoup de gens n’étaient pas sortis de leur canton.

C’est un roman à l’image de la vie tumultueuse du poète, avec ses amours multiples, ses problèmes de santé et ses tourments. J’ai pris plaisir à être comme une petite souris qui regarde ce qui se passait autour de Verlaine.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance et l’auteur pour son roman et sa dédicace.

La muse ténébreuse de Charles Baudelaire

Raphaël Confiant

Éditions Mercure de France, 2 sept 2021, 266 p.

Mes lectures Mercure de France

4e de couv. :

Pour la postérité, le nom de Jeanne Duval reste lié à celui de Charles Baudelaire. Apprentie comédienne ou fille de joie, muse ou diablesse, qui était vraiment celle qui traversa la brève existence du poète, enchanta sa plume et le plongea dans les tourments de l’amour et de la passion ? Qui était Jeanne Duval, venue des îles d’Amérique ou de l’océan Indien, ou peut-être du pays des Maures, et qui fit découvrir à Baudelaire un monde insoupçonné de sensualité et d’exotisme ? Un monde encore plus singulier que celui offert par le chanvre indien et l’opium dont l’auteur des Fleurs du mal faisait une consommation déraisonnable…

Mes impressions de lecture :

Raphaël confiant est un auteur que je suis plus ou moins depuis longtemps. On ne sait jamais ce qu’il va nous faire découvrir. Il joue avec les registres de langue et les genres littéraires cependant une chose est sûre il sait raconter et accrocher son lecteur.

Lorsque j’ai vu que ce roman sortait à la rentrée j’ai eu envie de le lire pour plusieurs la première parce que j’aime ce qu’écrit Confiant, la seconde parce que je ne connaissais rien de Jeanne Duval. Je n’ai aucun souvenirs d’avoir appris cela lors que j’ai passé mon bac au siècle dernier (j’ai eu Baudelaire « petits poèmes en prose : Le joujou du pauvre » à l’oral et ça je m’en souviens !). Et pourtant, il semble qu’elle ai inspiré bien des artistes. Et elle ne passait pas inaperçu, car elle n’était pas très discrète, elle était très grande et métis, elle avait la langue bien pendue et ne s’en laissait pas compter.

Jeanne Duval est en couverture photographiée par Nadar en 1858, et il se  dégage de ce regard quelque chose d’étrange. Elle est là sans être là.

Raphaël Confiant a su transcrire dans ce roman la vie chaotique de Jeanne Duval, Charles Baudelaire et l’entourage artistique.

La temporalité est assez destructurée tantôt on a des souvenirs racontés, tantôt le passé et le présent qui semblent s’entremêler. Le livre est divisé en 5 cercles et cette idée de boucle on la ressent aussi dans la façon de raconter les choses.

Il donne la parle à Jeanne et à Charles. Ils semblent réinventer leur passé, leur vie. On dirait qu’à force de se raconter ils finissent par y croire eux-mêmes à leur version de leurs vies. C’est parfois déroutant à lire.

Il est beaucoup question d’identité, elle change plusieurs fois de nom au cours de sa vie mais c’est aussi sur « qui elle est » que l’accent est mis jusqu’à la fin.

Ce roman nous replonge dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec toute l’effervescence qui régnait à Paris.

Raphaël Confiant donne la parole à Jeanne et Charles et ces voix différentes donnent des images différentes.

Je ne connaissais pas l’importance de Nadar dans la vie de Jeanne et Charles et leur petit groupe très bohème. On se rend compte de la grande variété d’artistes qui se côtoyaient peintres, poètes, écrivains et photographes… le théâtre et la musique aussi jouent un rôle dans cette mouvance.

Raphaël Confiant montre aussi le côté sombre de cette époque entre les conséquences de l’esclavage, la prostitution, l’état sanitaire, la politique et le fossé entre le Paris Haussmannien et le Paris des faubourgs.

Un texte très intéressant pour toutes ces facettes et bien d’autres que je vous laisse découvrir.

Je remercie les Éditions Mercure de France de leur confiance.