La nuit je vole

Michèle Astrud

Éditions Aux Forges de Vulcain, janv. 2018,229 p. 19€

Mes lectures aux Forges de Vulcain

4e de couv. :

Michèle se réveille au sommet d’une montagne. Elle est atteinte d’une forme rare de somnambulisme ; quand elle dort, elle s’envole. Son talent ne passe pas inaperçu et tout le monde veut l’approcher. D’où vient ce don ? Pourquoi apparaît-il là, brusquement va-t-il rester ? Va-t-elle parvenir à le contrôler ? Comme les plus beaux romans de réalisme magique, qui examinent les conséquences naturelles de faits surnaturels, ce conte part d’un postulat fantastique pour parler du poids de la famille, de la folie médiatique et de ce désir intime d’être libre et de voler loin de ces contraintes.

Mon Billet :

C’est le troisième roman de Michèle Astrud  publié chez Aux Forges de Vulcain et que je lis. On ne sait jamais vers quels horizons, elle va nous entrainer. Elle explore les genres littéraires en y mettant sa touche personnelle. Elle traite des relations entre les humains dans des situations singulières avec une richesse d’écriture. On sent que le texte est travaillé et peaufiné. Le côté onirique est encore plus présent dans ce roman.

« La nuit je vole » est un roman très intéressant dont le sujet principal (c’est du moins ce que j’ai ressenti) est la mise sous le boisseau de notre véritable personnalité. On nous demande d’entrer dans le moule  et de suivre les conventions sociales. Une thématique chère aux Forges de Vulcain, qui prône plutôt l’ouverture d’esprit et de laisser libre cours à la créativité et à la réflexion.

On a beau essayer de se contrôler et formater son esprit, il arrive un moment où la soupape de sécurité explose. Michèle (la narratrice) était somnambule petite, elle a cessé de l’être le jour où elle s’est mise en couple et où elle a commencé à travailler. La routine  joue un rôle de rempart et de modèle social conventionnel.

Mais voilà qu’elle se met à voler la nuit, elle se met aussi à rêver. Première réaction de l’entourage, nier et  plaider la folie… plutôt que de l’accompagner dans cette nouvelle étape dans son développement psychique.

Est-ce une rupture avec la société ? Non, elle n’est pas une révoltée. Est-ce un miracle ? Non, c’est bien clair qu’il n’y a rien de mystique.

Vive les paillettes et la société du spectacle, le dieu argent est plus fort ! C’est la seule issue qu’elle trouve pour se protéger.

Et son mari dans tout ça ? Il n’y comprend rien, ne l’accepte pas, il se sent trahi, perdu car elle s’éloigne de leur vie tranquille. Lui aussi va devoir évoluer malgré lui, il va devoir faire des choix et prendre des décisions… Il est si terre à terre, alors qu’elle si est aérienne.

Michèle (la narratrice) va changer. Elle va répondre à cet appel impérieux et chercher les racines de ce don. C’est là que les rêves et la mémoire vont jouer un grand rôle. Les souvenirs refoulés, enfouis vont refaire surface. Elle va comprendre des choses de son passé familial.

Que va-t-elle découvrir sur elle et sa famille ?

Que va-t-elle décider pour son futur ?

Que va devenir son couple ?

Va-t-elle s’épanouir ? être vraiment elle-même ?

Va-t-elle survivre ?

J’ai beaucoup aimé malgré quelques passages un peu déroutants et  certaines ellipses. J’ai l’impression que certaines choses m’ont échappé dans la construction narrative. C’était très intéressant ses réminiscences du passé.  J’aurais cru qu’elle serait allée se ressourcer sur les terres familiales dès les premiers symptômes.

Je garde de ce roman une impression assez étrange,  des images d’enfance et de famille qui sont fondatrices pour la narratrice et qui ont forgé sa personnalité.

La difficulté à communiquer avec les autres lorsqu’on vit quelque chose qu’on ne s’explique pas soi même m’a fait pensé à ces gens qui sont victimes de maladies orphelines et qui sont des êtres incompris tant qu’un diagnostique n’est pas posé.

Il m’a manqué certaines explications sur le déclencheur, sur le pourquoi explorer cette part mystérieuse. A part devenir elle-même… J’ai  la sensation d’être passée à côté de  quelques indices. Cela restera un roman un peu mystérieux pour moi. Mais quelle imagination fertile !

Je ne vous parlerai pas de la fin et pourtant elle est très importante et laisse une porte ouverte vers des interprétations personnelles…

C’est un roman que j’ai aimé pour sa part de mystère qu’il me laisse après avoir fermé le livre. Je n’ai pas fini de cogiter… merci Michèle Astrud ! Je me demande de quoi parlera son prochain roman !

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain de leur confiance.

Article précédemment publié sur Canalblog

Nous entrerons dans la lumière

Michèle Astrud

Éditions Aux Forges de Vulcain, 7 janv. 2016,

Mes lectures Aux Forges de Vulcain

4e de couv.

 » Je suis le guetteur de la nuit, le gardien des hautes cimes. Je surveille l’arrivée du désert, l’avancée des tempêtes, bientôt la maison sera ensevelie sous le sable. Seuls ceux qui habitent les étages les plus hauts arriveront à survivre.  » Dans un monde en déliquescence, la sécheresse et la canicule font des ravages, l’égoïsme et l’anarchie règnent, et chacun lutte férocement pour sa survie. Antoine, un ancien professeur, rend quotidiennement visite à sa fille Chloé qui, suite à un événement traumatique dont il se sent coupable, souffre de graves troubles de la mémoire et réside depuis des années dans une maison pour enfants malades. Antoine se bat contre l’oubli et la destruction, en photographiant son environnement en train de disparaître, et en reconstruisant sa relation douloureuse avec Chloé. C’est alors que réapparaît Sonia, son amour de jeunesse, devenue documentariste de renom, mais elle meurt avant qu’ils ne puissent tourner la suite du film qu’ils avaient jadis commencé ensemble. Antoine décide de partir sur les routes avec Chloé, dans l’espoir que ce voyage lui permette de sauvegarder les archives de Sonia, et de les sauver eux-mêmes. Dans une atmosphère des derniers jours où l’obscurité gagne, dans une errance où l’oubli croît, Antoine réussira-t-il à assumer son rôle de père ? Chloé arrivera-t-elle à grandir ? Parviendront-ils, ensemble, à retrouver la lumière ?

Ma chronique :

J’ai eu très envie de lire ce roman car j’avais beaucoup aimé l’écriture de « Le jour de l’affrontement ». C’est un roman post-apo, mais si près de nous que cela s’en est effrayant. On pourrait se dire que si on continue comme ça on verra se produire les catastrophes annoncées. Mais ce n’est pas un roman moralisateur, Michèle Astrud pose juste son histoire dans un contexte dévasté.

Le réchauffement climatique est tel que des infrastructures sont détruites, le sirocco et les tempêtes viennent balayer les villes. Les gens sont contraints à partir. De nos jour l’immigration climatique existe mais elle est loin de chez nous, on ne réalise pas. Mais dans cette histoire c’est ici à notre porte que commence le désastre.

Nous sommes dans un environnement hostile où les gens ont dû partir laissant derrière eux leurs biens matériels. Mais quelques uns restent dans ce chaos. Pour aller où ? Pour faire quoi ?

Dans cette ambiance, on va suivre un personnage qui se débat avec ses propres démons et sa fille de 17 ans qui va devoir affronter l’extérieur et une nouvelle vie.

On a des effets miroirs dans la narration on a des reflets du passé dans le présent et inversement. On a aussi cette relation père/fille, mémoire/ oubli, intérieur/extérieur, culpabilité/rédemption.

Le futur reste obscur, on est dans la survie dans le présent. L’avenir du narrateur est assombri depuis longtemps.

On est à la croisée des  chemins. Le narrateur vit avec les conséquences des choix passés mais maintenant que sa fille, une adolescente, doit prendre sa vie en main, la vie de son père va être bouleversée. Elle va le forcer à faire tomber la carapace derrière laquelle il se voilait la face.

C’est Chloé, la fille, qui va le mettre au pied du mur et le forcer à ouvrir les yeux et à bouger pour sortir des ténèbres. Mais tout ne va pas aller de soi avec le passif de Chloé.

Le fait qu’Antoine le protagoniste soit un vidéaste/photographe amateur incite le lecteur à regarder au-delà de l’apparence. Reconstruire une réalité. Sa fille lui demande de la regarder directement mais il lui répond qu’il ne peut pas qu’il a besoin du filtre de l’appareil pour vraiment la voir avec le cadre modifié. Le lecteur lui aussi mets les personnages dans ce théâtre de marionnette. Je suis incapable de dire si les personnages sont sympathiques où pas. Ils sont trop dans leur bulle.

C’est un roman sur l’absence, absence de repères, de l’épouse/mère, de l’eau, de moyens, de relations avec les autres, d’informations.

Ce roman me fait penser à une poupée Russe on va de l’infiniment intime – au fond de l’âme du narrateur- à l’infiniment général.

Le côté onirique contribue à comprendre les mécanismes mentaux du narrateur.

Je ne vous parle pas des autres personnages qui vont venir influer dans leur trajet afin de vous laisser des surprises.

J’ai beaucoup aimé aussi l’idée d’immobilité et mobilité … physique ou mentale.

Un roman très riche, qui aborde trop de sujets pour les résumer ici en quelques mots. Michèle Astrud a une belle écriture que j’ai eu plaisir à retrouver. On y retrouve bien l’esprit des Forges de Vulcain et leur niveau d’exigences.

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain de leur confiance.

Qui en parle ?

MarieJuliet

Cornwall

Article précédemment publié sur Canalblog

Le jour de l’effondrement

Michèle Astrud

Aux Forges de Vulcain, Août 2014, 184 p., 15 €

Mes lectures chez Aux Forges de Vulcain

4 e de couv :

« Là où il est tombé, s’est creusé un gouffre. Un trou d’eau noire qui absorbe toute la lumière. Le centre de ma mémoire. Les eaux bouillonnent, saccagent les berges sablonneuses. Demain, je reviendrai, je plongerai là, exactement. Demain… quand il fera jour. »
Un jeune homme revient chez lui, au bord du fleuve où, cinq ans plus tôt, il a tué son meilleur ami. Fasciné, il redécouvre la ville de son enfance, étrangère et familière, et se remémore cette amitié tourmentée jusqu’à l’événement fatal.
Récit entre ombre et lumière, roman intense et fervent où la nature reflète les passions, Le Jour de l’effondrement emporte son lecteur jusqu’à la résolution – et l’apaisement.

Chronique :

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain de m’avoir permis de lire en avant première les deux romans de la rentrée.

C’est avec plaisir que je découvre le nouveau design des couvertures des éditions Aux Forges de Vulcain. Cette rentrée littéraire s’annonce prometteuse avec ces couvertures très colorées et ce V de Vulcain qui vient barrer la couverture en diagonale qui attire l’attention. Pour nous immerger dans ce roman le graphiste Geoffrey Dorne a joué avec des dégradés de vert et des formes qui rappellent les herbes aquatiques du fleuve qui est omniprésent dans ce roman de Michèle Astrud (1).

Chaque lecteur a un prisme qui lui fait entrevoir un aspect d’une œuvre littéraire. C’est certainement cela qui a m’a rendu ce texte si émouvant. J’y ai vu la prédominance de l’eau qui ne pouvait que ma captiver car je suis très sensible aux thèmes des quatre éléments.

Un fleuve, des noyades, des baignades, des régates, la piscine, l’alcool etc. tout rappelle l’élément liquide.

Cela induit une horizontalité dans le paysage la surface du fleuve est plutôt plate. Des parallélismes se font jour entre l’autoroute avec la circulation automobile et le fleuve avec les avirons. Le parking et les berges du fleuve. La verticalité est représentée par les tours et les piliers du pont. Les tours qui doivent être détruites (présent) et les piliers qui plongent dans le fleuve et peuvent détruire (passé et présent).

La tour est vide comme un squelette sans âme, elle  fait écho à l’absent dont l’âme semble encore présente. La tour est comparée à une stèle et le narrateur est hanté par le passé. Parler de son ami c’est parler des enfants qu’ils étaient  alors le narrateur se replonge dans les souvenirs de son enfance qui l’on conduit vers son alter ego.

Le narrateur a une vingtaine d’année. Il a fuit pour vivre mais il a juste survécu. Il se retrouve plongé dans ce passé qui l’a conduit à commettre un acte irréparable.

Les derniers chapitres semblent plus chaotiques comme le combat intérieur auquel se livre le narrateur. Les émotions refont surface au cours de la narration pour atteindre l’apogée sur les derniers instants. Il est venu avec inconsciemment l’envie de tout mettre à jour pour se libérer mais il réalise que les principaux protagonistes ne veulent pas en entendre parler soit parce qu’ils sont dans le déni soit parce qu’ils ont pardonné. Va-t-il sombrer ou va-t-il trouver la rédemption dans les remous du fleuve. Le narrateur a fuit sa ville natale et le fleuve pour aller vers l’océan qui ne lui a pas permis l’apaisement de sa conscience.

A la fin de ce roman je suis incapable de dire si les deux garçons ont un nom, comme s’ils formaient un tout… Seule Sonia a un prénom qui revient à de nombreuses reprises est mis en évidence. Sonia qui signifie la sagesse.

Voyage immobile dans le passé qui forme un contraste avec le fleuve qui coule.

Cet adolescent dans l’eau m’a fait penser à Ophélie par sa jeunesse et sa folie.

Mais le fleuve peut faire penser à la purification et à la rédemption, miroir de Narcisse on attend le moment où le narrateur va rejoindre son frère spirituel.

Michèle Astrud dans ce roman s’intéresse à certains aspects de l’adolescence. (2)

Le mal être de la jeunesse qui ne se reconnaît pas dans les valeurs de la famille et de la société. D’autre part, il y l’amitié à la vie à la mort, avec l’identification à l’autre, recherche de son identité sexuelle, pulsions qui peuvent engendrer une certaine violence surtout associé à l’abus d’alcool. L’alcool dans lequel ils cherchent à anesthésier leur malaise où atteindre un état second et dépasser les limites, pertes des inhibitions, aller plus loin dans tous les sens du terme. L’absence du grand frère et l’attente que cela engendre crée une ambiance d’angoisse.

Le fleuve qui coule et le temps qui passe avec des tourbillons, la pluie qui arrive avec l’orage, tourmente ou apaisement lorsque le calme revient

 *****

(1) «Les filaments des laminaires s’écoulent entre mes doigts écartés, s’enroulent autour de mes hanches.

Mon vert paradis est là, il m’entoure, enfin proche. » p.175

« Sous les frondaisons, l’eau verte du fleuve a la netteté d’un miroir poli, cuivré. » p. 157

(2) Ces éléments m’ont rappelé d’autres lectures chez Aux Forges de Vulcain :

« et je me suis caché » Geoffrey Lachassagne

« Les majorettes, elles, savent parler d’amour » François Szabowski

Les œuvres de William Morris que j’ai lu aussi  ont pour héros des jeunes gens.

Les éditions Aux Forges de Vulcain ont aussi publié « Le grand Meaulnes » d’Alain-Fournier, « Dictionnaire Pittoresque  du collège»  et « L’histoire de ma vie » Henry de Darger » (enfance et adolescence).  « Le grand Meaulnes »  (les premiers émois et drames de l’adolescence) mais je ne m’attendrais pas sur toutes leurs publications que je n’ai pas lu… je vous laisse découvrir leur catalogue !

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100 livres 2014

75/100

Article précédemment publié sur Canalblog