Ni seuls, ni ensemble

Marie-Fleur Albecker

Éditions Aux Forges de Vulcain, 11 mars 2021, 243 p., 18 €

Mes Lectures Aux Forges de Vulcain

4e de couv. :

Louise et Karim sont deux jeunes gens de notre temps, que bien des choses opposent et qui, malgré leurs différences, se rencontrent, s’aiment, et se mettent en couple. Mais peu à peu, une troisième voix entre avec eux dans leur nouveau foyer : la société. La société qui a des idées bien arrêtées sur ce que devrait être une femme, ce que devrait faire un homme, sur ce que l’on doit manger, porter, acheter, accepter, refuser, encourager, détester, aimer. Est-ce une si bonne idée, de faire couple, quand tout conspire contre vous ?

Mes impressions de lecture :

Attention ! Chers lecteurs ceci n’est pas une romance comme pourrait vous le suggérer cette pièce montée et cette couleur rose bonbon… point de guimauve ! Mais il y a bien une histoire d’amour d’aujourd’hui.

Je m’en doutais d’un parce que je commence à bien connaître les éditions aux Forges de Vulcain et aussi parce l’autrice à beau avoir un nom romantique ces écrits n’en n’ont que faire… Elle nous avait déjà montré dans « j’abattrai l’arrogance  des tyrans » qu’elle préfère l’action aux discours politiques.

Dès le début je me suis dit c’est l’autopsie d’un couple ou celle d’idéaux politiques de jeunes parisiens issus de deux mondes diamétralement opposés. Quand je pense à autopsie c’est l’aspect clinique de la dissection. On se demande quand vont-ils se prendre le pied dans le tapis et dégringoler. Et puis on les voit gravier les escaliers de la vie privée et publique. Étape après étape on se surprend à les voir avancer, évoluer…

On découvre les personnages à travers eux ou à travers un narrateur. Tantôt on est dans la tête de Karim, tantôt dans celle de Louise, tantôt « ensemble » on passe dont du je à elle et il. C ‘est parfois pour montrer les angles de vue du même sujet soit pour voir leur évolution personnelle.

J’avoue avoir été surprise au début de la naïveté de Karim et de Louise sur des sujets différents. Par moment ils le sont moins mais forcément où on pourrait le penser. Chacun symbolise quelque chose dans la France d’aujourd’hui. Heureusement, (bien que je n’en doutais pas), elle évite l’écueil des stéréotypes, elle en joue.

J’étais étonnée par le rôle donné à  Louise. J’avais imaginé un autre parcours pour elle que celui choisi par Marie-Fleur Albecker.

Dans quelle mesure les personnages vont-ils vivre leurs désillusions ? Étaient-ils aussi naïf que je le croyais au début ? A chaque nouvelle étape ils vont devoir revoir leurs positions morales vis-à-vis eux-mêmes de l’autre et de la société. C’est presque un roman de formation.

J’ai bien aimé l’humour caustique et les interactions entre les personnages et le narrateur (le témoin). Quand aux noms donnés à certains personnages ils sont assez croustillants… On ne peut éviter de penser à des personnalités connues… Qui va faire les petites fiches à glisser entre les mains de certains ?

NB :  pour les fan des Forges : j’ai croisé une histoire de muse, de fractale, de Cthulhu, un être griffu (Pendragon ? ou Cochrane ?), Un peu du « Christ Président », les références à une certaine époque sombre de la France (une bouche?), j’ai aussi pensé à Jolene…ainsi qu’un petit coin de Brie et certainement un peu de  quelques autres références aux autres auteurs des Forges et encore je ne les ai pas toutes notée !

Je vous conseille de lire  » Et j’abattrai l’arrogance des Tyrans » qui se déroule à une autre époque.

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain de leur confiance.

Et j’abattrai l’arrogance des tyrans

Marie-Fleur  Albecker

Éditions Aux Forges de Vulcain, 2018, 199 p., 18 €

Mes lectures aux Forges de Vulcain

tyrans

4e de couv. :

En 1381, la grande peste et la Guerre de Cent ans ont ruiné le royaume d’Angleterre. Quand le roi décide d’augmenter les impôts, les paysans se rebellent. Parmi les héros de cette première révolte occidentale : John Wyclif, précurseur du protestantisme, Wat Tyler, grand chef de guerre, John Ball, prêtre vagabond qui prône l’égalité des hommes en s’inspirant de la Bible. Mais on trouve aussi des femmes, dont Joanna, une Jeanne d’Arc athée, qui n’a pas sa langue dans la poche et rejoint cette aventure en se disant que, puisque l’on parle d’égalité, il serait bon de parler d’égalité homme-femme…

Ma chronique :

« Et j’abattrai l’arrogance  des tyrans » est un titre qui nous indique clairement de quel côté de la barrière va se trouver notre héroïne.  Johanna une femme au moyen âge en Angleterre va se retrouver emportée par sa conscience dans cette révolte des paysans, serfs. La révolte et la soif de justice est déjà en elle.

La narration va de Johanna, donc de l’individu à la collectivité, ce va et vient de particulier au général fait écho au mouvement social et physique. On va suivre cette femme qui se lance dans l’aventure où nul ne se rend vraiment compte de ce qui va advenir, ils vont se laisser déborder par les événements. Cela part d’une injustice qui concerne la liberté d’aller travailler où l’on veut. Au temps du servage c’est inconcevable. Il y a toute une hiérarchie féodale qui gère la vie des hommes et des bêtes. La grogne va toucher aussi les impôts trop importants.

En chemin elle va rencontrer des hommes dont le nom va passer à la postérité comme John Ball. A ce sujet je vous conseille de voir un autre point de vue complémentaire sur cette période dans « John Ball » de William Morris publié aussi aux Forges de Vulcain.

Johanna est un personnage fictif, mais de toute façon aucune femme n’a laissé de trace de cette période là.

Marie-Fleur Albecker ni va pas avec le dos de la cuillère, elle est plutôt du genre incisif, la fourche  est plus appropriée pour symboliser la paysannerie et la révolte. Le langage est plutôt actuel, elle nous plonge dans ces années là avec la langue d’aujourd’hui pour rendre plus parlant les questionnements des ses hommes et femmes. Elle utilise des images très significatives et des expressions très fleuries. Elle emploi une langue acérée mais très travaillée.

C’est un roman dans la lignée de certains romans de la maison d’édition « Aux Forges de Vulcain ». Des gens à la croisée des chemins qui revendiquent leur façon de voir la société en employant les grands moyens.  L’humour provocateur et satyrique renforce le côté iconoclaste.

Je me suis régalée, ce mélange  de provocation par la langue et de travail documentaire qui crée les fondations de cette histoire. Elle donne le droit à une femme du « peuple »  de penser,  sans en faire une copie de Jeanne d’Arc bien  au contraire.

Johanna s’inquiète de cette petite voix intérieure qui la pousse à vouloir une meilleure vie. Une femme qui exprime les pensées est vite taxée de sorcière. Ce roman met l’accent sur les barrières mentales qui cloisonnaient les gens.

Il y a le village puis le chemin,  l’immobilisme et le mouvement, dans tous les sens physique et moral. On passe de l’isolement et la population maintenue dans l’ignorance et dans un lieu retreint vers la sortie de sa « zone de confort  autorisée» pour aller vers l’autre, et vers d’autres façons de penser l’avenir.

Dans la structure de la narration on retrouve ce crescendo  de quelque chose de spontané vers quelque chose de plus structuré. J’ai trouvé intéressant que Johanna fasse le distingo entre la révolte et la révolution.

On découvre aussi la géographie de l’Angleterre de l’époque, c’est très visuel, Marie-Fleur Albecker nous remet dans le contexte avec la place de Londres, de la Tamise et des difficultés pour atteindre le but physiquement. Elle sous resitue aussi le contexte politique et la place de chaque personnage politique de l’époque. Où aller et à qui s’adresser…

Ce que j’ai beaucoup aimé ce sont ces digressions qui donnent un plus à la narration .

Je vous laisse découvrir ce roman passionnant et dynamique qui donne  envie de bouger et de s’exprimer.

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain pour leur confiance. Elles viennent de fêter leurs  8 ans d’existence et sont toujours aussi remarquables.

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john ball

Article publié précédemment sur Canalblog