Jugan

Jérôme Leroy

Gallimard, Folio, 2017, 217 p., 6,60 €

Mes Lectures Folio/ Table Ronde

A79335

4e de couv. :

Enseignant au collège Barbey-d’Aurevilly de Noirbourg, «en plein Cotentin, au carrefour de trois routes à quatre voies», le narrateur y voit débarquer Joël Jugan, ancien leader du groupe d’extrême gauche Action Rouge. Ce dernier vient de purger une peine de dix-huit ans. En prison, il est «devenu un monstre, au physique comme au moral». Son ancienne complice Clotilde le recrute au sein d’une équipe d’aide aux devoirs pour les élèves de la Zone. Il y croise Assia, une étudiante en comptabilité. Très vite, Assia est envoûtée par l’homme au visage ravagé. Ensorcelée aussi, peut-être, par la Gitane en robe rouge, qui, surprise à voler dans les rayons de la supérette de son père, lui a craché au visage d’étranges imprécations.

Mon billet :

Je termine mon cycle des dernières parutions de Jérôme Leroy. Lire un écrivain engagé en cette année d’élection présidentielle cela donne une drôle d’impression. Pour chaque nouvelle ou roman le lecteur s’interroge sur ces positions politiques.

D’entrée de jeu on sait que ça finira mal …

Dans « Jugan »,  on revient en partie sur des périodes clés 82-84 / 2002 /2012.  Je me rends compte qu’à chaque fois qu’on aborde la violence de la fin des années 70 début 80, j’ai des lacunes car j’étais gamine. Je sais que je vois à travers le prisme de l’auteur mais après j’essaie de faire la part des choses entre réalité et fiction, entre opinion publique et privée.

Ce roman joue avec trois présents ou deux passés selon les moments. La narration débute avec les troubles du narrateur dont l’origine remonte à 2002, moment où il a vécu une expérience traumatisante. Quand on se trouve en 2002 il découvre le passé de Jugan et de Clotilde. Mais cela ne suffit pas à éviter le drame.

Jugan sort de prison après 18 ans, il est en liberté conditionnelle pour actes terroristes. Il sort le visage complètement  défiguré. Il revient avec un côté encore plus sombre et trouve que la société  va encore plus mal. On a avant, après et maintenant qui s’entremêlent, mais ce n’est pas gênant pour le lecteur. Il y a l’idée de boucle d’éternel recommencement.

****

Citation  qui résume l’état d’esprit du narrateur au temps présent :

 «  Je suis certain que le Palais d’Asie est agrandi par mon activité onirique, que certaines perspectives qui subissent d’étranges distorsions sont le signe d’un réveil imminent. Alors je me concentre, je veux rester en arrière, je veux en apprendre davantage. J’ai la certitude que le jour où mes rêves récurrents m’auront tout appris, je pourrai enfin me libérer de Jugan, d’Assia, des Gitans, de Clotilde, de Noirbourg. A supposer que je le veuille vraiment. » p.104

****

Le décor : Noirbourg qui tisse une toile entre Caen, Rouen (300 km) et Rennes. Milieu industriel  en friche, HLM, campement de gitans, terrain vagues, les Forges  en ruine. Entourée de lande, on est dans les tons gris avec le ciel en écho. Le nom de la ville est symboliquement très fort.

J’ai trouvé très pertinent d’utiliser l’activité onirique du narrateur ce qui permets l’introduction des superstitions (Djinn des maghrébins, mauvais œil des gitans, la possession pour les intégristes musulman) pour donner une dimension du « Mal » au personnage de Jugan. Il sali tout ce qu’il touche, il pervertie tous ceux qui s’approchent de lui. Le fait de passer par le rêve permet  aussi d’avoir plusieurs points de vue (une grande part d’interprétations), on évite l’écueil de la mémoire qui modifie le passé.

Il y est question de perversion et de dérives alors que « la cause » c’est sortir de la corruption (je ne parle pas des moyens employés !)

On retrouve dans ce roman tout l’univers de Jérôme Leroy, l’éducation nationale avec ses profs qui sont usés et ceux qui sont encore des battants qui veulent défendre les milieux défavoriser.  On retrouve le côté bourgeois vs laissés pour compte. Détention des pouvoirs et victimes du système.

Quand au sexe, il a comme souvent une grande importance puisque c’est la perversion et les dérives dans la sphère privée.

La femme tient comme d’habitude dans les écrits de Jérôme Leroy une place très importante, elle plie mais ne romps pas !

Le narrateur raconte cette histoire pour exorciser ses vieux démons et ne plus se sentir coupable d’avoir laissé faire. On fini par un regard tourné vers l’avenir.

Je remercie les Éditions Folio pour m’avoir permis de continuer mon cycle Jérôme Leroy, mais je ne suis toujours pas prête à lire « Le Bloc » et vous ?

folio bleu
jugan chro

Macha

Jérôme Leroy

Éditions Syros,  25 Août 2016, 341 p., 12,99 €

Mes lectures Syros

macha

4e de couv. :

Le monde de la Douceur vient d’entrer dans sa quatrième génération. Dans la Douceur, il n’y a plus de téléphones portables, plus de pollution, plus de cadences effrénées, l’idée même de profit a disparu. Macha-des-Oyats, qui a cent sept ans, est née au tout début du 21e siècle. Elle est l’une des dernières personnes à avoir connu l’époque ultraviolente et morose du monde de la Fin. Alors, pour les jeunes qui le lui demandent, Macha accepte de raconter sa jeunesse, son amour perdu, sa fuite vers un idéal…

Mon Billet :

Quel plaisir de retrouver la plume de Jérôme Leroy. C’est un auteur engagé que j’ai découvert au moment de la sortie de « le bloc » un roman adulte à partir duquel il va écrire d’autres histoires qui y fond plus ou moins référence. Aux éditions Syros vous avez « La grande môme » et  « Norlande » qui sont dans la même mouvance. Aujourd’hui « Macha » est une autre branche qui fait référence aux personnages des deux romans jeunesses que je viens de citer.  C’est un fil rouge, mais si vous ne les avez pas lu, cela ne gêne pas du tout la lecture de « Macha ».  Ce sont des romans engagés qui ne laissent pas indifférents qui appellent au questionnement sur ce que nous voulons et ce que nous sommes prêts à croire.

Jérôme Leroy mets en garde contre les dérives extrémistes. Il parle de la violence, des manipulations politiques. Du monde de l’argent qui dénature les relations humaines. Il nous parle de la société consumériste qui détruit la nature pour plus de profit et plus de besoins. Il nous parle de l’adolescence et de la prise de conscience citoyenne.

L’histoire débute en 2100. La France a bien changé. Adieu la convoitise et la guerre, qui a détruit une grande partie de la population,  place à la Douceur, aux cabanes dans les arbres. C’est  une génération qui n’a pas connu la violence de la révolte.  Ces petits jeunes veulent collecter les souvenirs des anciens pour essayer de comprendre ce qui pouvait motiver les gens à cette époque là pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Tiens voilà quelque chose qui me parle « plus jamais ça »  et pourtant on le vit ! Fin du petit aparté.

On vient chercher une vienne dame fatiguée, elle a 107 ans, elle veut oublier pour ne pas souffrir. Elle va accepter d’ouvrir les portes de sa mémoire et de partager son vécu du temps du monde de la Fin. Ce travail de mémoire va nous renvoyer  à notre époque. Macha, s’appelait Marie à l’époque. Elle vivait dans une famille bourgeoise d’une grande ville de Province. Elle vivait dans les non-dits dans un monde où les apparences étaient tout.

Petit à petit elle remonte jusqu’à l’adolescence de cette jeune fille. Elle avait accumulé de la haine et de la rage, elle va découvrir le véritable amour et une autre façon de penser.

L’adolescence et sa recherche de référence, une période de révolte et d’absolu. C’est le moment où l’amitié et l’amour vont se lier pour rejeter la famille et les institutions. Tous les carcans qui essaient d’étouffer sa véritable nature.

Marie va devenir Macha la fille d’immigrée libre qui refuse les violences policières et la politique d’exclusion. Elle va s’émanciper. Elle va faire ses propre choix. Revendiquer sa vraie nature.

Elle va connaître la souffrance de la perte des êtres chers. On va la suivre dans son voyage initiatique qui va la faire sortir assez violemment de l’enfance.

On va la suivre en cavale dans une France violente où il vaut mieux être clair de peau.

Jérôme Leroy noirci le trait de notre société pour mieux nous faire comprendre les dangers qui nous guettent si nous baissons la garde.

Les personnages qu’il nous décrit soit on les aime soient on les déteste.  Il n’y a qu’un personnage qui va nous surprendre.

Connaître la France de 2100 atténue le côté pessimiste du monde tel que nous le décrit Jérôme Leroy.

Je remercie les Editions Syros qui mon permis de lire ce roman en avant–première.

NB : j’ai récemment lu « la fête est finie d’Olivier Maulin qui traite aussi de ses dérives immobilières qui veulent dénaturer la campagne.

J’ai aussi retrouvé une idée ou deux croisées  dans « Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous » de Nathalie Stragier.

syros
Capturer% rentrée 2016