« Ce conte est une fable sociale. Il parle de la peur qui nous saisit devant l’inconnu, devant un inconnu, fut-il un simple chat. Il dit comment cette peur peut grandir jusqu’à paralyser tout un royaume… »* Un conte persan illustré, dans le respect de la tradition, par les patchworks d’un illustrateur iranien majeur de ce début de siècle. *d’après Jihad Darwiche
Mes impressions de lecture :
J’avais lu l’album, ce conte persan m’avait plu et les illustrations sortent de l’ordinaire puisqu’il s’agit de photos d’illustrations cousues. Le conte m’a plu.
Puis j’ai écouté le conte en suivant les images et je me suis rendu compte que le conteur a ses propres mots, ce n’est pas une lecture littérale. Cela donne une autre dimension à l’histoire. J’ai même écouté à la suite le conteur le dire en « arabe » et bien que n’y comprenant rien j’ai aimé écouter la voix du conteur, sauf erreur de ma part il s’agit de Jihad Darwiche.
La touche musicale c’est aussi un petit plus…
J’ai beaucoup rit au dépend des pauvres ignorants.
Pour l’anecdote la maison d’édition Lirabelle est à quelques kilomètres de chez moi et ils font aussi des Kamishibaï, pour les amateurs…
Après la mort prématurée de sa grande sœur, Kamleh, onze ans, est promise à son beau-frère. Dans le Beyrouth des années 1940 où elle s’installe avec la famille de son futur mari, elle est placée comme apprentie chez une couturière et tombe amoureuse du cousin de cette dernière, un jeune lettré féru de poésie. Forcée à quatorze ans de se marier avec son fiancé, Kamleh devient mère mais reste follement éprise du beau Mohamed. Elle échange avec lui grâce à l’aide de ses amies des lettres enflammées, s’identifie aux héroïnes du cinéma égyptien, se grise des paroles ardentes des chansons à la mode. Elle va surtout, bravant tous les usages, tenter d’obtenir le divorce, au risque d’être séparée de ses deux filles… Portrait de la propre mère de l’auteur, femme du peuple analphabète, espiègle et fine, qui eut l’audace de transgresser les interdits de son milieu, ce récit donne également à lire plus subtilement l’histoire d’une fille qui, ayant grandi, peut enfin comprendre sa mère et lui dire combien elle l’aime.
Mes impressions de lecture :
Je ne connaissais ni le nom ni l’écriture de Hanan El-Cheikh avant débuter ce mois de la littérature libanaise. Ce roman est un hymne à l’Amour et à la vie.
C’est un roman qui se divise en trois parties. Dans la première partie relativement courte l’autre parle au lecteur et parle à sa mère, puis dans un deuxième temps elle donne la parole à sa mère et c’est un récit magnifique et touchant qui nous transporte des années 30 à nos jours, le roman s’achève sur le présent (2001). La fin d’un temps, la fin d’un monde, la vie de vies…
A travers la vie de cette fillette devenue femme on va découvrir des changements dans la société libanaise. Comme beaucoup de gens elle est tellement dans le quotidien et ces problèmes à elle, que Kamleh ne réalise pas ce qui se déroule autour d’elle. La politique, la guerre tout cela est en arrière plan.
C’est une femme d’un grand entêtement, elle aura mis le temps mais elle est arrivée à convaincre sa fille d’écouter son histoire et de la coucher sur le papier. On se rendra vite compte que cette ténacité lui vient de l’enfance et de son parcours de vie.
C’est une femme qui ne sait pas lire et écrire et son moyen d’expression c’est l’oralité avec les chansons et le pouvoir des mots, elle est très visuelle, la place du cinéma dans sa vie lui permet d’avancer et de rêver. On a tout un panorama artistique avec des titres de films et les répercutions sur sa vie, ainsi que la musique (jusqu’à la fin du roman). Elle est complémentaire avec Mohamed qui lui est un homme de l’écrit avec des poèmes et des lettres plein les poches.
Sa propre mère avait déjà un sacré tempérament mais son parcours de vie l’a brisée mais elle avait insufflé l’envie de vivre à sa fille. Kamleh es devenue femme trop jeune, elle est restée enfantine et fantasque. Elle fait bouger les choses à sa manière. On a ainsi une « chaîne de femmes » qui a permis à l’autre de devenir qui elle est… et cette envie d’aller plus loin. De l’oralité à l’écriture.
On note combien la religion est importante dans sa famille mais elle n’est pas vécue de la même façon que ce soit les hommes ou les femmes.
C’était touchant de voir que cette gamine qui venait du sud du Liban et qui n’avait pas d’instruction ne comprenait pas « l’arabe égyptien » du film qui a marqué sa vie. On est dans les années 30 et il y a une fracture sociale qui passe par la langue. La langue qui pour elle est d’un autre pays. En France ou en Espagne il devait y avoir les mêmes problèmes entre les « patois » et la langue de la capitale mais y avait –il cette impression « d’un autre pays » ?
Le récit est parfois poignant car il retrace des parcours de vie pas faciles, cependant on rit beaucoup car Kamleh est un petit lutin espiègle.
Dans la première partie de se roman l’écrivaine parle de ces précédents romans et après avoir lu celui-ci elle m’a donné envie d’en découvrir d’autres. Je ne sais pas quand mais c’est un nom que je garderai.
Le livre « Les Belles Étrangères » 2007 seront consacrées à la littérature libanaise, de langue arabe et française. Le Centre national du livre, organisateur de l’événement, invitera ainsi douze écrivains libanais, huit auteurs arabophones et quatre auteurs francophones, représentatifs de la diversité et de la richesse de la création littéraire libanaise d’aujourd’hui : Zeina Abirached, Mohammed Abi Samra, Abbas Beydoun, Rachid El-Daïf, Hassan Daoud, Tamirace Fakhoury, Joumana Haddad, Imane Humaydane-Younes, Elias Khoury, Charif Majdalani, Alawiya Sobh et Yasmina Traboulsi.
Mes impressions :
Je vous disais au début de ce mois de la littérature libanaise, organisé par « Les mille (et une ) lectures de Maeve, que mes connaissances étaient pratiquement inexistantes en ce qui concernait le Liban et sa littérature, alors j’ai commencé par regarder le DVD. J’ai donc découvert ces écrivains de langue arabe ou française. Chacun a parlé de son pays, d’éléments fondateurs de leur besoin d’écrire et de raconter. Chacun/chacune avec son histoire, sa langue et son domaine d’expression. Mettre un visage et une voix sur une écriture c’est déjà entrer dans leur univers.
Ce recueil débute par un avant propos. Viens ensuite une photo et une mini présentation de l’écrivain. Puis le texte choisi.
J’ai souri en lisant la petite bande dessinée de Zeina Abirached… elle fait bien revivre les gens de son quartier. C’est en noir et blanc, ça m’a fait un peu penser à Marjane Satrapi. Entre chez ses parents et chez sa tante 3 rues, mais en chemin il faut qu’elle salue tout le monde et qu’elle refuse leur hospitalité sans les offenser… elle doit faire semblant de ne pas entendre les commentaires de certaines… on voit aussi les pensées d’autres.
Mahamed Abi Samba, traduit de l’arabe par Franck Mermier, a choisi quand à lui de faire parler plusieurs voix qui font penser à des formes antiques tout en parlant d’aujourd’hui. Dès le titre ont y est : « ruines païennes ».
Abbas Beydoun, traduit de l’arabe par Antoine Jockey, la famille est la thématique principale de ce texte.
Rachid El-Daïf, traduit de l’arabe par Yves Gonzalez-Quijano. Les femmes, la sexualité et les relations humaines. Choc des cultures…
Hassan Daoud, traduit de l’arabe par Edwige Lambert. J’ai beaucoup aimé le fait qu’il parte d’une photo pour nous raconter la famille, les non-dits et les arrangements fait par la mémoire. Là encore la sexualité et relations homme/femme dans cette société libanaise des années 60.
Timirace Fakhoury. C’est de la poésie, ce n’est pas un genre dont je sais parler.
Joumana Haddad, traduit par l’auteur, donc je suppose que les textes étaient à la base écris en arabe, ce n’est pas indiqué. C’est une femme qui parle de poétesses. A chaque fois elles parlaient à leur miroir. Des textes courts.
Imane Humaydane-Younes, traduit par Valérie Creusot. Chaque écrivain vient d’une communauté ou d’un lieu différent. Imane Humaydane-Younes est issu d’une famille Druze, elle vient des montagnes Druze, sa communauté ne s’arrête pas à la frontière du Liban. Lorsque j’ai regardé le DVD cela m’a marqué car c’est un nom que je connaissais mais je n’ai pas souvenir de l’avoir entendu souvent. On a dans ce texte l’idée du départ, de l’exil et de rapport au pays absent et du retour. La nostalgie prend ici une autre forme.
Elias Khoury, traduit par Rania Samana. Chaque histoire de cet ouvrage est de la main d’un écrivain et chaque première phrase a son importance. Ici, comme dans plusieurs autres c’est la voix du conteur « L’histoire débuta ainsi. / En ce temps là », c’est le témoin qui parle. Le poids du passé est important.
Charif Majdalani. La nature et la technologie cohabitent dans cette histoire. On est ici dans les montagnes. Gardien, veilleur, guetteur, observateur, le narrateur nous raconte son quotidien.
Alawiya Sobh, traduit par Rachida Damabi Haidoux et Batoul Jalabi Wellnitz. Les souvenirs, songes, le passé et le pouvoir d’évocation. L’oralité et la famille (la filiation). L’oncle conteur. « […]quand tu seras grande tu sauras que la vie n’est rien d’autre qu’une longue histoire. Heureux sont les êtres dont la mémoire survit, ceux-là auront vaincu la mort. Seule la mémoire est plus forte que la mort.» Le pouvoir des mots et la volonté de ne montrer qu’une partie de la vie. Ne pas mettre en avant les vengeances et les querelles entre les clans. La tradition ici c’est celle du conteur qui recrée les mille et une nuits à sa façon.
Yasmina Traboulsi. Elle va nous faire voyager en Egypte en 1967 en la personne de Souma une chanteuse, une diva. La voix, la tradition et la magie ou pouvoir de séduction.
J’ai beaucoup aimé cet ouvrage qui m’a permis de découvrir douze écritures, cela m’a donné envie d’aller plus loin.
Chaque texte met en lumière un aspect du Liban. Les décors sont variés et contrastés de la ville à la montagne, on a un aperçu de la diversité géographique entre le Sud et le nord.
A travers les histoires de famille et les relations Homme/femme on se rend compte que c’est un pays fait de contrastes, certainement dus au passage de tous les peuples de se pays de passage. C’est le mot creuset qui me vient à l’esprit.
On ne peut évidemment pas faire l’impasse sur la guerre et les ravages tant au niveau des infrastructures qu’au sein des communautés voire des familles.
Cet ouvrage date de 2007 et presque quatorze ans après on voit les ravages des conflits successifs, le Liban a du mal à se relever qu’une nouvelles catastrophe s’abat sur lui, comme l’explosion sur le port de Beyrouth. Aujourd’hui encore le Liban fait encore parler de lui pour sa souffrance, puisqu’il est durement touché par la COVID.
C’est un ouvrage que je conseille pour l’éventail de voix différentes
Fruit d’un voyage à Stockholm et à Göteborg, ce récit nous livre les premières impressions d’un écrivain libanais parachuté dans un monde situé aux antipodes du sien. Avec érudition et humour, l’auteur nous décrit la Suède dans tous ses états, nous parle des Suédois et de leurs coutumes surprenantes, et met en exergue les différences qui séparent le Liban et la France de cette planète étrange. Plus d’une fois, le narrateur rencontre des anges. Comment s’en étonner dans un pays considéré comme un paradis?
Mes impressions de Lecture :
Jusqu’à il y a peu je ne connaissais pas le nom d’Alexandre Najjar. Et depuis que j’ai choisi ce livre pour « le mois de la littérature libanaise » je vois son nom partout, il a notamment publié chez la Petite Vermillon que je suis pourtant depuis quelques années ! Il vient de recevoir « le Grand prix de la Francophonie 2020 ». Il y a des chemins étranges qui conduisent un lecteur vers une œuvre…
J’ai choisi cet ouvrage car c’est « un récit d’un voyage en Suède », depuis quelques années je me suis mise à lire et apprécier la littérature scandinave alors j’étais curieuse d’avoir le regard d’un écrivain libanais.
Ce n’est pas un carnet de voyage, ni un journal mais on suit l’auteur dans ses déplacements, ses rencontres et ses réflexions. Nous avons dans ce récit de l’histoire, de la géographie, de la littérature, un point de vue « social » et différents points de vue politiques.
J’aime beaucoup ce récit car Alexandre Najjar glisse des références littéraires dans ses réflexions. C’est un voyageur curieux et à l’écoute de l’autre. Il est là pour des conférences et il passe son temps avec des étudiants/professeurs de plusieurs nationalités, donc différents points de vue. Le sujet du racisme et de la place de l’étranger font parties des interrogations de l’auteur visiteur, mais aussi le rapport des habitant face à la ville de Stockholm et la Suède.
Il sait faire parler les gens et on fait un tour du monde sans bouger. Chaque « étranger » à une histoire et un lien fort avec son pays d’origine. Alexandre Najjar met en évidence l’influence du modèle suédois sur ces habitants.
Lors de ses discussions avec les étudiants (ou autre personne croisées) de toutes origines, il aborde des sujets qui vont des considérations sur la météo, écologie, ou la vie quotidienne à des sujets très actuels comme a religion, la politique (notamment le printemps arabe), l’intégration… Le côté international c’est aussi la cuisine.. musique…
Par exemple après le visionnage d’un court métrage espagnol sur le voile, il développe sa pensée sur le sujet et petit à petit l’élargit.
Les arts sont très présents. A commencer par Millegarden sur l’Île de Lindingo qui donne le nom au titre de cet ouvrage où l’artiste Mille a installé de nombres sculptures. On y découvre un français jardiner et photographe que l’auteur avait connu au Liban. Des Arts du jardin à la photographie d’écrivains, Laurent élargie encore un peu plus le nombre de sujets abordés par Alexandre Najjar.
Le Liban se dessine en contrepoint. Il ne compare parfois ce qu’il voit avec ce qui se passerait dans son pays. Évocation de souvenirs personnels et familiaux. On découvre le vaste réseau qu’Alexandre Najjar a su tisser par ses déplacements, ses différentes activités et sa curiosité. De manière sous-jacente cela fait penser à l’idée de diaspora.
J’ai bien aimé la partie la façon d’introduire l’histoire de la Suède, petit rappel pour certaines choses et découverte pour d’autres. Cela m’a rappelé des entre autre « la divine géométrie » qui se déroulaient sous Gustave III…
J’ai aimé les différents tons employés et l’humour avec lequel il se moque gentiment des petits travers des uns et des autres.
Ce récit est un beau panorama culturel.
Sur le blog de Maeve, l’organisatrice du mois de la littérature libanaise, vous trouverez d’autres chroniques sur Alexandre Najjar et la littérature libanaise.