Silence radio

Thierry Dancourt

Éditions de la Table Ronde, Vermillon, 8 avril 2021, 230 p., 18,50 €

Mes lectures de la Table Ronde

4e de cou. :

1960. Cécile vit à Paris, mais son amant vit en Suisse. C’est là-bas qu’elle l’a rencontré, quand tous deux travaillaient pour Radio Lausanne, et là-bas qu’elle continue de le retrouver. De chambres d’hôtel en gares de province, elle fume ses Du Maurier, avale de l’Alka-Seltzer comme de l’eau en écoutant les silences de Franck, qui se ferme comme une huître dès que l’on évoque le passé. Leur séjour dans une station thermale désaffectée avec Richard, un vieil ami, n’échappe pas à la règle : au bout de quelques jours, Franck s’absente, laissant un mot des plus vague. Richard ne sait pas plus que Cécile quand il reviendra, ni pourquoi il est parti. Malgré tout, il croit pouvoir éclairer Cécile sur l’histoire de Franck. Il faut remonter au temps de la guerre, traverser de nouveau la frontière, vers le Paris occupé. Dans la station déserte, guidée par la voix de Richard, Cécile entreprend ce voyage à rebours, du silence enneigé des montagnes suisses à celui, plus inquiétant,
d’une radio qui n’émet plus . ..

Mes impressions de lecture :

C’est le premier roman de Thierry Dancourt que je lis. Je découvre donc sa plume et peut-être son univers. Il faudra que je lise d’autres romans pour m’en rendre compte.

Il se dégage de ce roman une ambiance très étrange, un peu à la Modiano. Le rythme suit celui des pensées et des souvenirs qui remontent à la surface. Ces ombres du passé, ses noms qui surgissent tout à cou

Il y a quelque chose d’envoûtant dans cette solitude  au milieu des montagnes.

L’histoire débute en 1960 mais après avoir lu un article dans un hebdomadaire que Cécile a mis dans son sac de voyage tout va basculer. Le passé que l’on croyait révolu pour ne pas dire enterré va ressurgir après la découverte d’un corps au pied d’un glacier.

Le couple ne se voit pas régulièrement, il n’y a donc pas de discussions quotidiennes, ils se croisent dans des lieux neutres, des instants volés.  Jusqu’à présent il y avait donc des non-dits et des ombres du passé qu’on ne cherche pas à dévoiler. La thématique du couple est très importante notamment pour parler de ces époques, des relations qui en découlent etc.

J’ai adoré la mise en scène du début. On est dans un complexe fermé où vivent un régisseur et un gardien tout deux des être singuliers qui vient dans ses lieux fermés avec la neige qui couvre les sons et les traces. Ce couple illégitime, Cécile et Franck,  que Richard le régisseur a invité, se retrouve dans un bâtiment vide avec un ascenseur qui fait des bruits étranges. Ils aperçoivent de loin ce gardien qui rode. Franck est ami de Richard mais Cécile ne le connait pas. Elle  va découvrir cet être secret qui a peur du noir et dort la lumière allumé.

Franck la laisse là seule… et c’est là que le passé va faire son apparition…

On déroule te fils du passé, 1951 rencontre de Franck et Cécile, et puis on déroule encore plus et c’est la seconde guerre mondiale qui s’invite… Et c’est là que le lecteur d’aujourd’hui réalise que ces deux époques sont si proches l’une de l’autre.

Cet espace temporel est lié aussi à l’espace géographique entre Paris et Genève. Choc des cultures parfois mais aussi des positions différentes en temps de conflits.

Et entre les deux, la radio. Ils y ont travaillé notamment autour d’une mission « Tous témoins ! ». Mais on va aussi se rendre compte de l’importance de la transmission des informations en temps de guerre. Et tout est lié.

C’est un roman où l’atmosphère est très importante. Les silences sont très révélateurs. Le positionnement du corps et des points de vue qu’ils impliquent. La beauté de la nature. La puissance de la montagne qui peut devenir un tombeau ouvert pour des alpinistes et des hommes égarés.

Je vous laisse découvrir les subtilités de cette narration ainsi que la finesse des discussions et de mots. Je remercie les Éditions de la Table Ronde de m’avoir permis de découvrir cet écrivain.

Dans les eaux du lac interdit

Hamid Ismaïlov

Traduit de l’anglais par Héloïse Esquié

Éditions Denoël, coll Y, 20 Août 2015, 128 p., 12€

Mes lectures Denoël

4e de couv. :

Un voyageur anonyme a pris place à bord d’un train pour un interminable voyage à travers les steppes kazakhes. Le train s’arrête dans une toute petite gare et un garçon monte à bord pour vendre des boulettes de lait caillé. Il joue Brahms au violon de manière prodigieuse, sortant les passagers de leur torpeur. Le voyageur découvre que celui qu’il avait pris pour un enfant est en fait un homme de vingt-sept ans. L’histoire de Yerzhan peut alors commencer… 

À travers ce conte envoûtant, l’auteur nous livre une parabole glaçante sur la folie destructrice des hommes et la résistance acharnée d’un jeune garçon qui voulait croire en ses rêves.

Auteur :

Né en 1954, Hamid Ismailov est un journaliste et écrivain ouzbek. Il a vécu en Russie, en France et en Allemagne avant de s’installer à Londres avec sa famille, où il dirige le service Asie centrale de la BBC.

Ma chronique :

J’ai choisi aussi ce livre pour son titre qui laisse présager bien des choses…

La couverture du livre, avec ces fleurs étranges, prend tout son sens dès que l’on ouvre le livre… un lieux exposé aux tests nucléaires…

« Cette histoire commença d’une manière on ne peut plus prosaïque. Je traversais les steppes immenses du Kazakstan en train. Le voyage durait depuis quatre nuits. » Dès les premières lignes le décor est posé. Le narrateur ne fait que traverser, il n’est pas un habitant du lieu. On a un regard externe, ce regard va aller vers l’autre et vers ses terres hostiles. On est au rythme d’un train, de façon à ce que le lecteur s’imprègne de l’atmosphère du lieu et nous préparer à cette rencontre improbable comme seul les voyages peuvent en procurer.

Les trains les rails comme fil conducteur, une belle façon de parler du temps et de la mémoire. Tantôt on regarde vers l’avant et tantôt vers l’arrière, le présent ne dure que quelques instants puisque l’on ai en mouvement. Le narrateur d’aujourd’hui se rappelle une rencontre qui elle nous renverra plus de vingt ans avant. Avec des va et vient de façon a garder les pieds sur terre.

Le décor est assez spectaculaire et je crois que le plus loin où je suis allé dans mes voyages littéraires c’est en Sibérie avec Michel Strogoff, c’est certainement le train qui m’y fait aussi penser pour le reste ça n’a rien à voir puisqu’on est surtout dans les années 1950-1989 (rien de très précis).

Nous allons suivre l’histoire de deux familles coincées dans une gare perdue. On a un huis clos parfois ouvert sur les autres, les liens entre les habitants sont très entremêlés et complexes, des non-dits vont être mis à jour. La musique est très présente, des instruments à corde, des notes sur des portées encore des lignes.

Ce court roman est assez sombre, parfois violent mais c’est présenté sans pathos. Les loups (à deux pattes ou à quatre) rodent encore sur les chemins, ces peurs ancestrales (dévoration et enlèvements) viennent se rajouter à des peurs actuelles et réelles (pollution nucléaire et mutation). On est dans une autre culture, une autre époque, certaines images peuvent nous heurter.

La culture des autres est assimilée sans chercher à comprendre, notamment en musique.

Pour ceux qui explorent l’idée de la mémoire dans la littérature ce roman. Comme je le disais plus haut nous avons plusieurs strates de passé, mais le regard aussi change. Le narrateur qui raconte son enfant se remet dans le regard de l’époque, on a donc un changement de focale.

C’est un roman très littéraire dans la construction, il y a un travail de construction avec un peu l’idée des portes qui s’ouvrent et qui se ferment dans les wagons du train ou de la mémoire.

On peut aussi simplement y lire la vie de cette population dans un milieu contaminé avec tout le travail de propagande qui a permis d’exploiter des gens au nom de la modernité.

Mais pourquoi pas juste s’arrêter l’observation du mécanisme qui met en place des relations entre gens de plusieurs générations dans un milieu coupé du monde.

C’est un livre riche puisqu’il permet d’avoir plusieurs niveaux de lecture.

Je remercie les Éditions Denoël pour m’avoir permis de découvrir cet auteur ouzbek en avant-première.

1% rentrée 2015

NB : un coïncidence littéraire… je venais de terminer la lecture de « La revanche de l’écrivaine fantôme » qui débute aussi dans un train !