Paris-Berry

Frédéric Berthet

Éditions de la Table Ronde, Coll. Vermillon, avril 2023, 110 p., 6,60 €

Mes lectures de la Table Ronde

4e de couv. : Pourquoi s’installe-t-on à la campagne en hiver, dans une maison d’emprunt? «Pour écrire un roman, évidemment.» Hélas, le narrateur de Paris-Berry voit son attention sans cesse détournée de son objet. Chaque fois qu’il va se frotter à sa machine à écrire, un souvenir l’en éloigne – la vue sur le rocher de Vincennes depuis son balcon parisien –, ou une visite inopinée – la jeune héritière en route vers le Sud –, voire un accident domestique – la chambre bleue sous un torrent d’eau.
Puisque la voie du roman se dérobe devant lui, Frédéric Berthet se lance sur les chemins de traverse. Ses chroniques, d’une gravité enjouée ou d’une drôlerie éperdue, semblent en suspension.

Mes impressions de lecture :

Tout d’abord, je tiens à dire que j’adore cette couverture avec ses feuilles qui s’envolent au milieu des arbres dénudés.

J’avais déjà été sous le charme de « Simple journée d’été » de Frédéric Berthet et cet ouvrage confirme ce que j’ai ressenti à l’époque.

Cet ouvrage est une parenthèse dans nos vies à mille à l’heure, il change notre rythme de lecture. Cent pages c’est sensé être vite lu, si vous voulez vraiment vous laisser bercer par ces histoires du quotidien il faut le savourer, s’en délecter.

Ce n’est pas un journal, ce ne sont pas des nouvelles, c’est un entre deux ou tout autre chose. Cela m’a fait penser à des micro-nouvelles qui se dérouleraient dans un temps précis et un lieu précis dans la vie de Frédéric Berthet. On est parfois dans l’anecdotique, dans la réflexion et puis se dessine le portrait d’un homme avec toutes ses facettes. On aussi de belles description de personnes/personnages en quelques traits. il y a un côté croquis de paysage, d’instantanés de scènes de la vie quotidienne…

Des textes assez brefs qui peuvent parfois vous laissez songeur, vous amuser…. L’aspect nostalgique renvoie à vos propres souvenirs, ou sensations de déjà vu/ressenti mais dit avec des mots qui donnent un charme supplémentaire.

Certaines évocations sont plus touchantes comme le rêve de Michel Déon.

Le rêve tient une place importante. Et on a parfois l’impression que le narrateur-auteur est dans un état de rêve éveillé.

J’ai souri avec la scène de Barthes dans le restaurant. Cela m’a d’autant plus amusé que j’ai lu récemment une BD qui parlait de la mort de Roland Barthes et de la théorie du complot.

J’ai aussi beaucoup aimé la place du « mot » dans ses réflexions d’auteur. On sent que les mots et leurs significations ont une grande importance.

C’est un auteur qui doute de tout, alors il tâtonne, cherche la précision qui parfois semble lui échapper. Je n’ai pas eu la sensation qu’il affirme et impose bien au contraire il nous convainc par ses petites quêtes intimes.

Ces textes ont été écrits entre décembre 1991 et avril 1992 et nous renvoient parfois à des préoccupations de l’époque, mais il reste intemporel sur le fond.

Je remercie les Éditions de la Table ronde, La petite Vermillon de leur confiance.

qui en parle ?

Jérome

Silhouettes de mort sous la lune blanche

Kââ

Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, 21 janv. 2021, 296 p., 8,90 €

Mes lectures de la Table Ronde

Silhouettes de mort sous la lune blanche

4e de couv. :
«Silhouettes de mort sous la lune blanche est le premier roman de Kââ mettant en scène son narrateur sans nom, truand dandy, mercenaire sans scrupule et tueur sans pitié. Ce héros négatif apparu au mitan des années 80 est finalement le parfait reflet de l’époque dans laquelle il évolue, à cette différence qu’il n’a pas l’hypocrisie de masquer son cynisme et son hédonisme derrière les apparences de la respectabilité.
Cette histoire de cavale commence par un hold-up qui tourne mal où le narrateur est obligé d’abattre un de ses jeunes complices qui a tendance à tirer trop facilement dans le tas. Manque de chance, le gamin a deux frères pas commodes… Alors on peut commencer à fuir, à abattre d’autres copains et à s’enfuir avec leurs veuves aux mœurs plus que légères et à la gâchette facile. Autant dire qu’il règne dans ce roman, pour reprendre les mots de l’homme sans nom, « un froid exemplaire ».»
Jérôme Leroy.

Mes impressions de lectures :

On me demande parfois de définir mon genre de lectures et ce que mon Blog reflète. Je suis bien en peine de répondre car je peux passer du feel good au cosy mystery aux thrillers, par la littérature blanche à celle de l’imaginaire, et je ne parle pas de la jeunesse… Et puis de temps en temps je prend des chemins de traverse ceux qu’on dit « mauvais genre » comme les romans de Kââ.

Des morts que tu en veuilles ou pas tu vas les avoir à la pelle et on ne fait pas de la dentelle (même pas en sous-vêtements), cependant contrairement aux thrillers il y a une différence. Je n’ai pas compté les massacres et autres fusillades et pourtant ça ne rentre pas dans la catégorie serial killer, vous voyez la nuance ? en tout cas pour moi je la ressens. Ce qui ne signifie pas que j’en lirais souvent.

La couverture de ce roman ne laisse pas trop entrevoir l’époque où a lieu cette histoire, mais rappelle l’idée du règlement de compte (comme dans les westerns) et cela fait penser au héros seul face au monde… bon l’illustration nous indique qu’on est dans la campagne française. On va la voir en long, en large et en travers la campagne française !

Nous avons ici un roman qui se déroule début des années quatre-vingt et qui fut publié la première fois en 1985. Cette réédition est présentée par Jérôme Leroy. Il a passé le filtre des dernières décennies.

Lire ce roman en 2021,  cela fait un choc culturel. Non seulement ils vont manger au restaurant à point d’heure, mais ils fument à table et boivent comme des trous et prennent la route pour rouler à tombeau ouvert. Quant au sexe point de protection, ni de délicatesse. Quand aux gestes barrière vu qu’ils ne savent pas s’ils vont finir la journée, ce n’est à l’ordre du jour !

On parle de protection, vous avez là tout un arsenal phénoménal, à croire qu’il joue à celui qui aura le plu gros calibre. Les femmes elles sont plus fidèles à un type d’arme et je ne parle pas de séduction fatale.

La technologie faire ce retour en arrière c’est vraiment changer de millénaire, j’imagine les jeunes lecteurs s’interroger sur certains comportements. Par exemple on est encore avec les téléphones fixes  (dans tous les sens du terme) cabines et téléphones à fil. C’est aussi cartes routières. Et rendez-vous à heure fixe. Pas d’internet on cherche le numéro dans le bottin, on a son réseau d’information perso. Quand aux nouvelles nationales, il y a surtout la radio et les journaux…

Et je ne vous parle pas des  voitures, c’est comme pour les armes on est dans les gros moteurs thermiques et grosses caisses. C’est cependant important pour qui s’y connais car c’est le reflet du milieu social dans lequel ils évoluent. L’empreinte carbone on ne connaissait pas.

Il y a aussi un autre détail qui nous ramène à une autre époque. Les frontières entre France/Espagne et France/Italie. A un moment donné il va faire tamponner son faux passeport et cela va avoir des conséquences plus tard. Ce roman joue beaucoup sur la thématique de la frontière, que ce soit physique (entre deux pays) ou morale. On joue entre le bien et le mal, il faut choisir son camps, franchir des sortes de frontières. Cela va de pair avec les verbes basculer, passer et trépasser…

Et les femmes me direz-vous ? On va en rencontrer trois avec chaque sa part de misère et de caractère bien trempé. Mais je vous laisse les découvrir.

J’ai failli oublier de vous parler de la thématique de l’identité, pas seulement métaphysique, notre héros a des passeports avec plusieurs noms et différentes nationalités. Je suis incapable de dire le nom de notre narrateur. Il se défini par un lieu ou un acte, voir une période, mais point de nom….

L’histoire est presque anecdotique. Un braquage qui tourne mal  entre braqueurs. Le personnage principal a engendré par son acte une suite d’incidents. Effet dominos. Bien que tuant à tour de bras, il représente le gentil parmi la kyrielle de gangsters, truands et hommes de mains. On veut qu’il s’en sorte qu’il arrive à tuer le braqueur sadique. Il est très lucide sur la nature des relations dans le gangstérisme, il ne cesse de dire qu’il n’y a rien de romantique et pourtant… il va mettre à l’épreuve l’amitié et les renvois d’ascenseurs dans le milieu des truands français. Il y a aussi l’aspect politique avec la place des anars et des indépendantistes.

Ce roman est une vraie tragédie, avec des guerres de pouvoir, des affrontements de bandes rivales, « d’amours » impossibles, où la trahison et la loyauté vont jouer un rôle important. Quand aux dialogues ils tiennent une place importante entre deux scènes d’actions.

Mais que fait la police me demanderez-vous, et bien elle compte les morts dans le milieu du grand banditisme. Ils essaient bien de créer des barrages qui sont évidemment contournés. J’ai admiré le travail topographique de l’auteur, il devait avoir une sacrée collection de cartes Michelin. A oui point de gps et de google maps.

Je terminerai en disant que j’ai souri en voyant passer ces bandits en cabale autour de chez moi (virtuellement heureusement), c’était drôle de mettre des images sur les lieux cités.

Je vous laisse découvrir ce roman ou apparaît pour première fois ce personnage que j’avais  découvert avec « Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales ». Quels titres ! c’est un sujet que j’affectionne mais je ne vais pas développer ici, ma chronique est assez longue, merci d’être arrivé jusqu’ici.

Je vous souhaite une bonne lecture pleine de testostérone, d’alcool et de mets régionaux. Toute une époque.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance.

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Une saison à Hydra

 Elisabeth Jane Howard

Trad . Cécile Arnaud

Intro : Sybille Bedford

Editions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, 2020, 544 p., 8,90 €

Existe aussi au Quai Voltaire pour ce qui aime le grand Format.

Mes lectures de la Table Ronde

saison hydra vermillon

4e de couv. :

À soixante et un ans, Emmanuel Joyce est un dramaturge à succès. Accompagné de sa femme Lillian et de son manager dévoué Jimmy Sullivan, qui partage leur vie nomade, il s’apprête à quitter Londres le temps de repérer une comédienne pour la production de sa dernière pièce à Broadway. Alors qu’aucune candidate ne fait l’affaire, surgit l’idée de confier le rôle à Alberta, sa secrétaire de dix-neuf ans, tout droit sortie du presbytère de son père dans le Dorset. Seulement, il faudra lui apprendre le métier. Ils embarquent pour l’île grecque d’Hydra où Jimmy aura six semaines pour faire répéter l’ingénue, tandis qu’Emmanuel tâchera de renouer avec l’écriture. Lillian, fragilisée par sa maladie de cœur et dévastée par la mort de leur fille survenue plusieurs années auparavant, profitera de cette parenthèse loin des mondanités du théâtre pour tenter d’exorciser ses démons. Pourtant, elle ne sait se défaire de certains tourments : et si Emmanuel s’éprenait de la délicieuse Alberta? Le temps d’un été brûlant, la dynamique qui lie les quatre exilés prend une tournure inattendue, et la vie de chacun change de cap.

MES IMPRESSIONS DE LECTURE :

 Ce roman est une belle surprise pour moi. Je vous avais parlé de la saga des Cazalet lors de la sortie du premier tome, je vais bientôt vous parler du deuxième tome et du plaisir que j’avais eu. Mon expérience est différente ici, comme le roman aussi me direz-vous.

J’avais lu les deux premiers chapitres il y a un an… je suis contente de ma découverte aujourd’hui. Il faut savoir que c’est un roman qui se déroule en 1958 et surtout qu’il a été publié en anglais en 1959. C’est un roman qui a passé la barrière des années, peut-être est-ce dû à la traduction de 2019 de Cécile Arnaud. Je vous laisse découvrir aussi l’introduction de Sybille Bedford.

Nous avons quatre personnages d’âge différents un couple  Emmanuel (61 ans) et Lillian (44 ans) puis Jimmy la trentaine et Alberta 19 ans qui gravitent autour de ses deux planètes.

Chacun a son passé assez chargé, il y est beaucoup question de perte de repères parentaux. Ils ont tous au moins perdu un de leur parent jeune et cela a eu des conséquences dans leur développement.

L’histoire débute sur la dernière frasque d’ Emmanuel, il aime sa femme mais ne peut s’empêcher de se laisser tenter par les starlettes et les jeunes secrétaires… Lillian s’inflige ses souffrances car elle l’aime… et comme pour enfoncer un peu plus le clou, Lillian a le cœur fragile au sens premier du terme.

On sent dès le début du roman qu’on est sur un point de bascule. Il ne manque qu’une goutte pour faire déborder le vase, on imagine alors toutes les conséquences dramatiques. D’autant qu’on est dans le milieu du théâtre, de la représentation…

Arrive alors dans leur vie un être pur « Alberta », Lillian lui propose de devenir la secrétaire de son mari. Est-ce que Emmanuel va la séduire, la pervertir ou est-ce elle qui va le faire succomber ? L’arroseur arrosé ?

Emmanuel incarne un rôle du génie à qui ont passe tout les excès. On le trouve presque antipathique, on l’étiquèterait presque de « salop » de l’histoire. L’ogre dévoreur. D’ailleurs certains des chapitres qui lui sont dédiés sont à la troisième personne, alors que les chapitres avec le point de vue des autres personnes sont à la première personne.

On va découvrir les personnages en profondeur au fur et à mesure que l’intrigue progresse. On va mieux les comprendre, les cerner.

Alberta va servir de déclencheur de par son honnêteté, son bon sens et sa fraîcheur elle va provoquer des bouleversements profonds. Elle va réaligner les planètes…

Le séjour à Hydra, est une parenthèse qui va se révéler décisive…

J’ai beaucoup aimé la thématique du masque (rien à voir avec ce que l’on vit). Les conventions sociales et le personnage qu’on attend que vous incarniez, du masque que vous portez dans la sphère plus intime pour vous protéger et aussi pour répondre à une attente… Ceci est encore plus « naturel » qu’on est dans le milieu de la comédie et du drame.

La thématique de la fuite en avant, ne jamais se poser, rester nomade, ne pas avoir d’attache pour rester libre etc. Le choix d’une vie de Saltimbanque pour sans cesse se renouveler, rebondir ne vous en dirais plus pour vous laisser profiter des émotions de la découverte. Le mouvement et la vitesse se retrouve aussi dans les moyens de locomotion Train, avion, bateau, voiture, âne et marche… la vie qui va avec change de rythme en même temps.

On passe de l’Angleterre et les racines familiales, à la légèreté de New-York pour finir avec la Grèce berceau des tragédies antiques…

J’ai retrouvé des thématiques que j’affectionne celle de la famille et des éléments naturels…

Je vous laisse découvrir vos propres centres d’intérêt et votre émotion face à l’écriture.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon de leur confiance.

Bonne lecture.

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Simple journée d’été

Frédéric Berthet

Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, mai 2019, 224 p., 8,10 €

Mes lectures de la Table Ronde

4e de couv. :

«J’étais assis à l’ombre d’un pin et la propriétaire des chevilles que je regardais regardait les gens dormir au bord de la piscine, sous les parasols, et souriait vaguement de temps en temps en pensant qu’elle s’endormirait bientôt. Les gens qui dormaient remuaient un peu dans leur sommeil et se demandaient en rêve comment Goethe avait eu la force de prendre tant de dispositions. La journée d’été, elle, devait déjà réfléchir à la façon dont elle s’y prendrait, le lendemain, pour devenir encore un peu plus chaude.»

Ma chronique :

Il s’agit d’une réédition de nouvelles publiées en 1986. Elle ont passé le temps en prenant un peu de patine.

Je n’ai jamais rien lu de Frédéric Berthet (1954-2003), je découvre donc son écriture à travers ce recueil de nouvelles.

Ces nouvelles nous parlent d’un autre temps et d’un certain milieu. A l’époque de leur première publication ce « milieu bourgeois »  avait déjà le poids des ans. Il y a un côté intemporel. Plusieurs histoires parlent de jeunes gens qui se rencontrent dans des rallyes et on des préoccupations très spécifique. Ces jeunes  qui se rencontrent pour jouer au tennis, ski nautique, yachting, cocktails, parler de leurs études et  futures carrières, famille…  certains questionnements peuvent paraître futiles (comme les tenues etc)  mais on se rend compte qu’ils sont importants pour eux.

Ma nouvelle préférée et celle intitulée « éducation française », avec un personnage un peu hors du temps. J’aurais aimé que ce soit un roman pour le voir évoluer, trouver sa voie… Cette nouvelle m’a fait penser à certains romans (par exemple à « sous le charme de Lilian Dawes » de Katherine Mosby).

Je ne vais pas parler de toutes les nouvelles, lues tout au long de ce mois de juillet, elles ont toute leur thématique propre. Je vous laisse les découvrir. Il y est question d’élégance. D’un monde qui se perd tout en essayant de continuer à exister. Je lis  depuis quelques temps des romans qui se déroulent dans les années trente (côté aristocratie), j’ai donc l’esprit conditionné ou préparé pour cette idée fin d’époque mais pas vraiment.

Le recueil se termine avec « Regarde » une nouvelle courte où on a assez peu d’éléments sur les personnages, on sent surtout qu’ils ne sont plus très jeunes. On ressent très rapidement l’inquiétude chez le personnage masculin. La chute et un retournement de situation. L’interprétation des « signes » par le protagoniste nous met sur une voie erronée.

Ce qui fait le charme de ces nouvelles c’est la langue, le vocabulaire qui nous situe dans un certain milieu social. Le ton plutôt nostalgique. Le choix des prénoms n’est pas anodin. Frédéric Berthet par sa façon de raconter, de mettre en scène ses protagonistes font que le lecteur se laisse bercer.

Je remercie les éditions de la Table Ronde, la Petite Vermillon de leur confiance.

Article précédemment publié sur Canalblog

Le cimetière des plaisirs

Jérôme Leroy

Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, mars 2019, 136 p., 7,30€

Mes lectures de la Table Ronde

cimetière

4e de couv. :

«Ce livre, qui est sans doute un roman, a été écrit il y a un quart de siècle. Le narrateur se retrouve au tout début des années 90 dans une grande ville en crise du nord de la France. Il a peut-être un peu trop tendance à confondre la fin de sa jeunesse et la fin du monde. Il semblerait néanmoins, avec le temps, que quelques-unes de ses intuitions sur les désastres en cours sous nos yeux se soient révélées justes ou tout au moins assez proches de la réalité.
Si le lecteur veut bien trouver ici, tant d’années après, un témoignage d’époque sur une certaine qualité de tristesse et de silence, alors l’auteur sera comblé.»
Jérôme Leroy.

Ma chronique :

Je ne vais pas trop insister sur le plaisir que j’ai à lire l’œuvre de Jérôme Leroy, je dis œuvre car il y a une certaine unité dans ce qu’il écrit même s’il explore plusieurs genres littéraires. Je mettrais les liens vers mes autres chroniques. Je dirais juste que le mois prochain sort le premier tome d’une trilogie jeunesse chez Syros que je vais lire « avant l’effondrement »…

« Le cimetière des plaisirs » est une réédition d’un roman de 1992-1994. C’est important de le dire car l’histoire se déroule dans un certain contexte socio-culturel qui a évolué depuis. Au détour d’une phrase vous aurez même un minitel qui joue un rôle ! J’ai à peu près l’âge de l’auteur alors il y a des éléments qui me sont familiers.

« Le cimetière des plaisirs » est un roman très particulier. Par certains aspects, je le trouve très poétique. Des paragraphes très travaillés qui nous parlent des femmes, de l’alcool et de la littérature entre autre choses. C’est comme si le narrateur cherchait l’étourdissement pour oublier le temps qui s’écoule inexorablement. On retrouve la mélancolie qui caractérise certains écrits de Jérôme Leroy.

Il cite des écrivains et des poètes qui sont le reflet de son état d’esprit du moment. Il cherche dans leurs écrits un réconfort ou une confirmation de ce qu’il ressent. Il complète ses lectures en lisant l’Équipe, toute une époque.

Les auteurs cités font parti du panorama de l’époque dans un certain milieu. Le narrateur est prof de français et il écrit… En voici quelques uns.

Georges Perros (1923-1978)

Emil Cioran (1911-1995)

Dominique De Roux (1935-1977)

Chamfort (1741-1794)

La Rochefoucauld (1613-1680)

Il nous parle de la puissance des formes brèves, de leur impact sur le lecteur. J’ai beaucoup aimé les passages qui traitent de l’écriture, des romans courts et des réflexions littéraires.

Le narrateur nous parle de la fin d’une époque, personnelle et sociale.

On a une certaine tendance à  voir dans le personnage du narrateur le double de Jérôme Leroy.

Le narrateur est professeur de Français dans le nord de la France, il nous parle de la forte population issue de l’immigration, c’est comme s’il faisait un voyage immobile en faisant l’appel ou en observant les visages. C’est aussi une de ses thématiques de prédilection. L’identité et la mixité à une époque où l’on cherche l’intégration à tout crin pour rendre tout uniforme.

On retrouve les thèmes récurrents dans l’œuvre de Jérôme Leroy qui touchent à l’authenticité, l’originalité, l’identité singulière.

La solitude, autre sujet de réflexion. Le narrateur est pourtant entouré, cependant il nous fait ressentir la solitude qui nous submerge. Un certain mal-être comme s’il était dans un autre espace temps émotionnel. Avec son cœur brisé tout le conduit au désenchantement.

« Le chagrin d’amour ne guérit pas avec le temps ».

Je ne lis pas la poésie, mais si c’est votre cas il y a plusieurs recueils publiés chez les Éditions de La Table Ronde, je suppose que vous retrouverez les mêmes impressions.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde pour leur confiance.

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fauteuil voltaire
minute prescrite
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tard dans la saison
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macha

Phalène Fantôme

Michèle Forbes

Tad.  Anouk Neuhoff

Editions de la Table Ronde, La Petite Vermillon,  2019, 363 p., 8,90 €

Mes Lectures de la Table Ronde

phalène fantôme

4e de couv. :

Belfast, 1969 : tension dans les rues, trouble dans les âmes. De loin, Katherine a tout d’une femme comblée. Trois petites filles, un bébé adorable, un mari valeureux, George, ingénieur et pompier volontaire. Seulement, Katherine a un passé… En 1949, chanteuse lyrique amateur, passionnée par son rôle de Carmen, elle fait la connaissance de Tom, jeune tailleur chargé de lui confectionner son costume de scène. Le coup de foudre est immédiat, mais elle est déjà fiancée à George et la double vie a un prix. Vingt ans après le drame qui a décidé de son destin, Katherine ne parvient plus à garder ses émotions sous cloche. Au moment où sa ville se déchire, elle doit affronter les zones d’ombre de son passé.
Exploration de la mémoire, de l’enfance, de l’amour illicite et de la perte, Phalène fantôme dépeint des morceaux de vie ordinaire qui ouvrent sur de riches paysages intérieurs.

Ma chronique :

C’est le premier roman de Michèle Forbes, publié une première fois en français en 2016. Je vous ai  parlé de son deuxième roman il y a un mois ou deux, « Edith & Oliver », un roman de la rentrée 2019 qui m’a marqué.

Dans « Edith & Oliver » Michèle Forbes nous parlait de Music-Hall en Irlande début XXe S (1905-1922), dans  « Phalène Fantôme » elle nous parle de théâtre et opéra amateur en Irlande (1949,1969), on sent que c’est un monde qui la touche de près.

Sans chercher à  comparer les deux romans, on commence à entrevoir les thèmes forts dans son début d’œuvre littéraire, L’Irlande politique et sociale, les femmes  et les folles passions, la famille et la famille du théâtre… Il y a une force dramatique dans sa façon d’aborder ces sujets.

Je ne m’attendais pas à la dernière partie et pourtant tous les signes étaient pourtant là depuis le titre et la première scène.

L’histoire est l’histoire de nombreuses femmes de sa génération qui on choisi la raison et la sécurité, la famille et une vie de couple classique. (Contrairement à Edith dans l’autre roman).

Dès la première scène n se rend compte que le couple a de lourds secrets, que le passé n’est pas révolu. Une telle passion laisse des traces… et tout va tendre à ce qu’elle refasse surface.

On va don suivre les histoires au présent Août 1969-mars 1970 et le passé août 1949. Le choix d’une jeune femme va sceller le destin de plusieurs personnes.

Pourquoi ouvrir la boîte de Pandore vingt ans après ? c’est lié à ce qu’on découvrir à partir de novembre 1969… à vous de le découvrir.

Une fois ouvertes les vannes du cœur de Katherine, le passé va venir perturber le présent. Les digues sont brisées et c’est une déferlante d’émotions longtemps refoulées, il n’y a plus moyen de faire marche arrière. Tout part à vau l’eau  comme sur la couverture.

L’alternance entre les deux époques nous permet de sentir la souffrance de Katherine et Georges, bien que celle de Georges soit moins mise en avant. Georges n’a qu’une raison de vivre c’est d’avoir Katherine à ses côtés.

On découvre un couple où tout est sous contrôle, tout est réglé comme du papier à musique, ils n’ont pas droit à une fausse note…

C’est un roman qui parle d’amours inconditionnels, de jardins secrets qui permettent d’avoir une raison de vivre et avoir un semblant de bonheur.

Le choix des dates n’est pas anodin. Après-guerre et début d’une autre. Plus on découvre les drames d’ordre privé, plus on voit ceux qui bouleversent l’Irlande. On sent monter les tensions, notamment grâce aux enfants qui posent des questions et qui vivent entre leur quartier et leur école. Elsa et sa copine Isabelle son un reflet de l’Irlande qui se déchire.

J’ai trouvé Katherine bouleversante et l’effet miroir avec sa fille Elsa est très touchant. Elles ont des connexions, des affinités de caractère. Elsa ressent le trouble qui envahi sa mère sans savoir de quoi il s’agit.

On verra Katherine avec chacun de ses quatre enfants avoir des moments privilégiés, des instants émouvant où elle prend conscience qu’elle n’est pas en accord avec son moi profond et que cela ne peut durer.

C’est un roman où l’eau se marie avec la lumière et la terre avec le feu. Les quatre éléments sont omniprésents que ce soit dans les scènes ou les états esprits et les rêves. Le monde onirique et l’imagination ont leur importance. Je ne m’étendrais pas sur le sujet pour ne pas dévoiler l’intrigue.

Cette deuxième lecture confirme mes premières impressions très positives. Michèle Forbes écrit des romans qui me touchent et j’attends avec impatience son prochain roman.

Je remercie les Editions de la Table Ronde pour leur confiance.

Autrice :

Née à Belfast, Michèle Forbes est une actrice de théâtre, de cinéma et de télévision maintes fois récompensée. Elle a notamment joué dans Omagh (nommé meilleur film au British Academy Television Award et aux festivals internationaux de Saint-Sébastien et de Toronto) et a accompagné sur des tournées mondiales plusieurs pièces de renom. Parallèlement à sa carrière artistique, Michèle Forbes a étudié la littérature au Trinity College de Dublin, puis travaillé comme critique littéraire pour le Irish Times. Ses nouvelles ont été couronnées par plusieurs prix nationaux.

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Qui en Parle ?

Maeve

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Article précédemment publié sur Canalblog

Carnets d’Amérique du Sud (1972-1973)

Un amour imparfait

John Hopkins

Trad. : Claude Nathalie Thomas et Hélène Nunez

Editions de La Table Ronde (2005), coll. La petite vermeille, 2018, 362 p., 8,90 €

Mes lectures de La Table Ronde

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4e de couv. :

«J’éprouve la nécessité de repartir en Amérique du Sud, afin de renouer avec les planches», notait John Hopkins dans son journal en 1971. Ce retour sur «scène», il l’accomplira dès l’année suivante, et tout au long de 1973, avec Madeleine van Breugel, en descendant du Mexique vers le sud du continent.
Exilé volontaire, voyageur, nomade, Hopkins ne s’en montre que plus écrivain, faisant œuvre de tout ce qui advient au cours du périple. Qu’il s’agisse des êtres, des lieux, des événements de hasard et de rencontre, ou de la lancinante imperfection de son amour pour sa compagne, c’est son regard unique, doux et mordant, qui fait la puissance de ces carnets, habités d’une irrésistible poésie.

Mon Billet :

Auteur né en 1938, à Orange aux États Unis. Je découvre John Hopkins, dont le nom ne m’est pas inconnu sans toute fois l’avoir encore lu.

Si vous me  suivez, vous savez que j’aime lire les journaux intimes ou carnets d’écrivains. Alors que je suis lectrice de fiction j’aime aussi découvrir les origines des textes. Je suis gâtée avec les éditions de la Table Ronde et La Petite Vermillon pour la réédition en version poche. Même si je me doute que les textes sont retravaillés avant de paraître il y a un côté authentique de l’instant, à la différence de la biographie qui est un regard en arrière de l’auteur (quand c’est lui qui l’écrit).

Dans ces « Carnets d’Amérique », on est aussi dans l’intime qui peut influencer l’écriture et un témoignage d’un temps à l’instant T.

John Hopkins (34 ans) et sa compagne (31 ans) on quitté Marrakech où ils ont vécu les derniers 18 mois. Lorsque débute ce voyage en Amérique centrale, on sent l’influence de ce temps passé au Maroc. Il nous explique aussi dans quelle situation se trouve sa compagne avec le sentiment que « tout peut basculer » d’un moment à l’autre. Alors qu’il était dans ses intentions de se poser et retravailler un roman, le voilà parti pour se déplacer. Il est beaucoup question de  mouvement et d’observations. Son nomadisme n’est pas un besoin d’aventure,  c’est comme s’il était un éternel insatisfait.

p.29 « les émotions deviennent dangereuses lorsqu’on  cherche à y échapper »

C’est un écrivain au regard aiguisé. D’entrée il détaille les pélicans ce qui n’est pas anodin car il va l’intégrer à l’un de ses romans, et ce n’est qu’un premier élément. Il y a une grande présence d’oiseaux dans ces carnet. Comme eux il est resté sur le qui-vive tout le long de ce voyage.

Ce que j’ai trouvé intéressant c’est que l’on suive jour après jour grâce aux dates et lieux indiqués mais aussi le prix des transports, des hôtels et des restaurants.

La question que je me suis posée en commençant cette lecture était « A qui s’adresse t-il ? », en effet il explique des choses sur ses différentes observations, il y a des références historiques, des méditations. Ce sont bien plus que des notes pour d’éventuels autres écrits. On a bien l’impression qu’il a toujours été dans son intention de le publier. Il dévoile des choses qui concerne sa compagne, je suppose qu’elle était consciente en vivant avec lui qu’elle allait perdre un peu de son intimité, je pense en particulier à sa fille dont elle a perdu la garde pour vivre avec  John Hopkins… Il est respectueux, c’est vrai que c’est particulier ce côté « personnage publique ».  L’épilogue répond un peu à mes interrogations.

p. 208 « Ce qui m’intéresse à présent, c’est la logique, la logique des événements qui aboutit à une conclusion inévitable. La logique du personnage qui le mène de façon inéluctable… l’influence logique implacable du paysage et des autres forces sur le déroulement de l’intrigue. Cette logique ne sautera peut-être pas aux yeux au premier abord mais à la fin du livre, lorsqu’il y réfléchira, le lecteur devra conclure le livre dans lequel toutes les forces convergent pour aller dans le sens d’une destinée tracée dès la toute première page. »

Je ne vais pas avoir l’outrecuidance de dire que j’aurais écrit cela mais ce que je ressens parfois lorsque je réfléchis sur un livre que je dois chroniquer. J’ai ressenti tout au long de ces carnets des correspondances avec mes propres pensées. A d’autres moments il m’a agacé en tant qu’homme écrivant en 1972-73.

Dans ce genre de récit c’est aussi un témoignage sur une époque, même si bien sûr il est subjectif. Il est conscient aussi de l’impact que produit le fait qu’il soit un touriste américain.  Il vit avec son temps même s’il prend des chemins de traverse.

Ces écrits sont la somme de réflexions sur sa vie et celle de sa compagne mais aussi sur les pays qu’ils traversent, leurs rencontres et découvertes… 

Le sous titre donné à cette version française donne à ces carnets un sens supplémentaires car en effet John et Madeleine vivent un amour imparfait.

Il y a des choses qui sont toujours d’actualité et d’autres qui sont propres à ces années là.  Il parle du rôle de la CIA , des événements comme au Chili, ceux du Brésil, Nicaragua, il n’est pas forcément dans le pays en question mais il est à l’écoute des informations qui circulent.

p. 209 « 24 décembre, 10 heure du matin. / Abasourdi par les nouvelles à la radio qui annoncent qu’un tremblement de terre a dévasté le Nicaragua. Managua est détruite, en ruine.  Le Gran Hôtel, où nous avons séjourné il y a deux mois presque jour pour jour, n’est  plus qu’un tas de gravats. Les oiseaux perchés en attente sur la façade du teatro étaient donc au courant. Ils savaient qu’une catastrophe allait arriver Ils étaient prêts à déguerpir à tout moment. »

Ces carnets sont composés d’anecdotes, d’extraits d’articles, de certains passages de correspondance, des avis sur des films et des lectures en cours. Il y a des notes sur l’avancement de son travail et aussi pour garder des idées, des descriptions de personnages, de situations et de lieux.

Petite Digression avez-vous des livres que vous voulez lire et qui attendent leur tour qui se rappelle à votre bon souvenir ? Moi j’ai par exemple «Au dessous du Volcan » de Malcom Lowry !!!

Le texte est émaillé de mots locaux et leur traduction ou en espagnol, ce qui ancre encore plus le lecteur en Amérique Latine.

J’ai beaucoup aimé les parties du voyage où il est au contact de la nature et des hommes. Même si l’alcool est toujours présent il est moins dans la représentation et les mondanités. Il est plus authentique, il observe et absorbe les paysages et les traces laissées par l’histoire. On voit la diversité des modes de vie d’un pays à l’autre. Par exemple au Surinam on est aux antipodes de Veracruz. C’est incroyable comme certaines choses ont peu évolué.

J’ai noté quelques références à ces carnets … il y revient très souvent, en voici juste 3 qui sont assez proche. Je pense qu’en tant qu’écrivain il s’interroge beaucoup sur l’acte d’écrire… jusque dans l’épilogue. J’ai trouvé très significatif le fait de trimbaler le manuscrit d’un livre dans tout ce périple.

p. 64 «  Ce journal m’aide, mais j’ai les nerfs en boule lorsque je ne travaille pas à un projet de grande envergure »

p.65 «  Pour l’instant, ce journal est un tant soit peu banal »

p.66 « elle appelle ce journal « mon livre de mots ».

Ces carnets intimes dégagent un certain mal être, au sein de son couple, au niveau de sa santé, sa quête du lieu idéal pour écrire et se poser. Il a un côté « je brûle la chandelle par les deux bouts », ce qui mets en évidence un part d’autodestruction, autopunition.

C’est un écrivain que j’ai envie de découvrir dans son œuvre de fiction.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde et la Petite Vermillon pour cette découverte.

Article précédemment publié sur canalblog

Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales

Kââ

Éditions de la Table Ronde, La petite Vermillon, mars 2018, 286 p., 8,90 €

Mes lectures de la Table Ronde

il ne faut pas

4e de couv. :
«Kââ est de retour ! Et aussi, bien entendu, le héros qu’il avait mis en scène dans La Princesse de Crève. Rappelons que ce personnage des années 80, sans nom, sans attache sinon dans le milieu mortifère des voyous de tout acabit, traverse son époque dans une traînée sulfureuse et violente.
Dans Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales, ce cow-boy solitaire en Jaguar XJ6 Sovereign se rend en province à l’enterrement d’un truand et tombe sur un ami d’enfance devenu flic. Ce n’est pas de chance parce que le héros voit son bienheureux anonymat menacé…»
Jérôme Leroy.

Ma chronique :

La première éditions date de 1985.

Je vous parlais l’autre jour (cliquez) de mes motivations à lire les rééditions de certains titres des années 80. Je ne vais pas recommencer, je vous laisse aller voir.

Kââ est un auteur que je ne connaissais pas, je découvre son écriture et son univers, est-ce que le reste de son œuvre est à l’avenant, mystère…

Ce que je peux dire,  c’est que je me suis régalée avec ce roman. C’est très bizarre d’écrire cela quand l’histoire est truffée d’horreurs en tout genre… les amateurs de polars et autres livres policiers comprendrons. Ne connaissant pas l’auteur j’ai pris un risque…

Le narrateur est un gangster (braqueur) très recherché. Il a un côté touchant avec son code de l’honneur et une bonne dose d’autodérision. Il va à l’enterrement d’un vieux truand et tombe nez à nez avec un ancien copain d’école devenu flic et qui est d’humeur collante. D’autre part un autre bandit à assisté à cette rencontre. Pas bon pour sa réputation tout cela. De là vont découler une tonne d’em***** . On se dit immédiatement qu’il a la poisse et qu’il va se faire prendre dans les mailles du filet…

Après cet instant on va avoir un effet domino avec une escalade dans les degrés des catastrophes. Plus ça va et plus le narrateur va descendre en enfer. Comment tout cela va se terminer pour lui et les autres ? C’est tout l’intérêt de ce livre, savoir comment l’auteur va conclure…

Tout le long, il s’interroge sur ses motivations. Le truand devient enquêteur, c’est un comble ! et le chasseur devient le chassé… Mais que diable allait-il faire sur cette galère !

On va avoir droit à une galerie de portraits très pittoresques des gens du milieu, bandits, flic etc… sans parler des noms qu’ils portent.

Le narrateur n’a pas de nom, il joue avec des identités toutes plus fausses les unes que les autres, une seule fois son prénom apparaîtra. On devine un peu son pedigree, une aura de mystère l’entoure, ce qui augmente son charme…

Les rôles masculins ne sont pas très reluisants, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Quand aux femmes qui entourent ce n’est guère mieux…, la rivalité, la cruauté, la trahison,  l’honneur et l’amitié, peut de place pour l’amour…

Tout ce petit monde a plus ou moins des cadavres cachés dans les placards. Un personnage m’a étonné  quant à ses motivations, j’ai eu des doutes tout le long… une ambigüité plane… je n’en dis pas plus.

Il y a un côté film avec Belmondo, des courses poursuites sans cascadeurs, charmeur et grand seigneur les poches pleine de billets…

On est dans les années 80 pas de doute. Il écoute des cassettes de Renault, Léonard Cohen et quelques autres…

Dans les restaurants c’est fruits de mer, tournedos Rossini, crêpes flambées etc…  Vins, champagnes, Cognacs et bourbon pas de loi Evin. Quand au tabac c’est partout et part tous temps.

Le sexe, le sida n’a pas encore fait les ravages…

Quand à l’argent, on y retrouve les devises principales (Francs, francs suisses et dollars) et le vocabulaire inhérent.

Au niveau des véhicules, c’était très amusant de revoir toutes ses modèles et leur connotation. Sans parler des excès de vitesse point de radars fixes…

Pour les amateurs d’armes à feu, vous avez toute la panoplie  avec leurs caractéristiques et celles de leurs munitions.

J’ai eu du mal à lâcher cette histoire car je voulais  découvrir les tenants et les aboutissants de toutes ces situations rocambolesques. Il y a un suspens qui tiens le lecteur en haleine. On attend le feu d’artifice final avec curiosité. Ça canarde à tout va. L’intrigue est bien ficelé même si parfois cela frôle la caricature, c’est aussi le charme de ce genre littéraire.

La presse écrite et la radio se faisait l’écho de ces faits divers sanglants. La tv n’est pas présente.

Ce qui m’a marqué, c’est la présence de la beauté qui est mise en évidence par le narrateur. Cela fait face à toute la noirceur d’univers. Il confronte la beauté physique et la corruption de l’âme.

Paris et ses beaux quartiers avec derrière les façades des êtres abjects.

Le narrateur déteste Paris et il nous montre la déshumanisation de l’urbanisation.

La pureté côtoie la souillure. Cela concerne les décors, les situations ou les personnes.

Le narrateur est conscient de ce qu’il est de ce qu’est sa vie etc. mais ont sent au fur et à mesure qu’il perd des illusions.

L’idée de paradis perdu, de fin d’une époque m’a accompagné.

Nous sommes dans un polar des années 80, il y a donc des idées politiques, des attitudes qui marquent bien l’époque. Il y a aussi quelques références à la guerre d’Algérie et les horreurs qui y sont liées. Il y est question d’écoutes téléphoniques, de RG, de portraits-robots etc. On sent aussi dans les techniques policières ne sont pas aussi poussées qu’aujourd’hui. La technologie ne permet pas de recouper les renseignements.

Je vous disais en début de chronique que je prenais un risque, par exemple  celui de trouver le roman vieilli et daté. En fait tout le côté année 80 c’est plutôt un certain portrait (imaginé ?!) d’une époque. Est-ce dû à mon âge ? peut-être…

Je vous souhaite une bonne lecture.

Je remercie les Editions de la Table Ronde et La Petite Vermillon pour leur confiance.

table ronde

Le sang dans la tête

Gérard Guégan

Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, mars 2018, 205 p., 7,30 €

Mes lectures de la Table Ronde

4e de couv. :

«En racontant une semaine de la vie de l’inspecteur principal Ruggieri, chaque chapitre correspondant à une journée, Gérard Guégan superpose une enquête et un portrait. L’enquête, qui se déroule en 1980, c’est celle autour de l’assassinat d’un jeune boxeur noir dans les toilettes d’un bistrot, bientôt prolongée par la découverte de cadavres d’enfants vietnamiens dans la cuve de colle d’un atelier d’ameublement. Le portrait, c’est celui de son flic, veuf et joueur d’échecs, qui a des manières bien à lui de se consoler dans l’intimité de la mort de sa femme. Le Sang dans la tête est un roman de l’amour monstre et du racisme qui commence alors à devenir une donnée immédiate de la société française.»
Jérôme Leroy.

Anecdote de lectrice :

Au détour de certains romans, je découvre la France de mon enfance. Au temps de notre insouciance nous ne regardions pas la société dans son enfance. Le journal télévisé c’était pour les grands » et nous avions tôt fait de partir dans notre univers d’enfant. Alors parfois je tombe des nues comme si j’avais vécu ailleurs. Pour la lecture,  c’est pareil il y a des pans complet de la littérature que je n’ai découvert qu’à travers des émissions comme « mauvais genre » sur France culture et parce que je suis curieuse.

Lorsque « La Petite Vermillon » m’a annoncé et proposé de découvrir des rééditions de polars des années 80, je me suis dit que c’était une belle occasion  d’approfondir le sujet. Sans parler que c’est une sélection de Jérôme Leroy, je savais déjà que ce n’était pas de l’eau tiède qu’on allait boire !

Je ne sais pas si le fait de voir autant publication à chaque rentrée ou même mensuellement ne vous fait pas réfléchir sur le devenir de tous ses textes. Quel roman passera le cap des 5, 10 ? Qui sera là pour les défendre encore dans 20 ans et plus ?

Je trouve très intéressant que des livre soient republiés, re-traduits, remis en avant par des passionnés.

J’aime chiner et je pourrais retrouver des titres des années 70-80 mais qui choisir ?

Alors j’ai décidé de faire confiance aux éditeurs qui font le travail de fond avec une certaine cohérence ou ligne éditoriale.

Je me demande comment ceux qui n’ont pas connu ses années voient les choses.

Prochainement je vous parlerai de « il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales » de Kââ… tout un programme !

Après ces généralités passons au texte qui nous occupe …

Mon billet :

En débutant « le sang dans la tête » on fait un plongeon direct dans le passé. Du côté du sang, de la peur, du racisme, de la violence. Depuis des années l’immigration des anciennes colonies, l’immigration après guerre, l’immigration économique, la clandestinité tout cela avait créé des communautés. Et attisé la haine de certains.

On se dit que certaines choses ne disparaissent pas, sauf qu’aujourd’hui il est de bon ton de lisser tout cela avec le politiquement correct.

Les faits divers sont encore une source d’inspiration comme ici.

Gérard Guégan (que je découvre) n’y va pas avec le dos de la cuillère tout le monde en prend pour son grade. La police n’est pas épargnée bien au contraire.

Ça fume, ça boit, ça dégaine facilement, ça n’y va pas mollo avec les témoins ou pendant l’interrogatoire des suspects.

On est dans un polar alors les travers de la société sont exacerbés et le trait légèrement noircie (enfin j’espère).

Le proxénétisme « familial » et la pédophilie fond partie de la toile de fond. Cela se savait mais personne ne cherchait à enquêter à enrailler le problème.

Le monde du travail n’était guère plus tendre.

Le personnage de l’inspecteur divisionnaire Ruggieri, ne respire pas la joie de vivre, il vit mal son veuvage. Son franc parler ne plaît pas à tout le monde.

Les personnages que nous croisons en suivant Ruggieri sont hauts en couleur. On découvre des intérieurs à l’image de leurs habitants avec leurs manies, leurs obsessions, leur monde clos. Chacun cache ses démons derrière la porte de sa maison.

Ce qui est drôle aussi, c’est que l’informatique, le téléphone portable n’étaient pas là pour informer. C’était d’humain à humain. Chacun son mode de classement.  Alors il fallait savoir les bonnes questions aux bonnes personnes pour essayer de recouper toutes les informations. On tapait les rapports à la machine avec toutes les erreurs de frappe que cela impliquait…

Ce roman comporte deux (vois trois) enquêtes. On découvre la frustration de connaître les coupables et de ne pouvoir les appréhender ou remonter la filière plus que les hommes de main.

La deuxième enquête on suit plus les étapes. L’enquête de terrain, enquête de voisinage, la pêche aux infos, les indics, l’attente…

Et puis il y a les femmes… mais ça c’est un autre programme.

Le seul petit bémol c’est le dernier jour … c’était en trop pour moi… un dernier barouf d’honneur. Une autre facette de la criminalité.

J’ai aimé retrouver certaines expressions ou références qui passeront inaperçues aux plus jeunes. Ainsi que les références culinaires, bœuf carotte, blanquette, sole meunière, et terrine de poisson…

Un roman ou on n’a pas le temps de s’ennuyer et qui se lit d’un trait.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde pour leur confiance.

Article précédemment publié sur Canalblog

Un peu tard dans la saison

Jérôme Leroy

Éditions de la table Ronde, janv. 2017, 254 p., 18 €

Mes lectures Éditions de La Table Ronde

tard dans la saison

4e de couv. :

C’est aux alentours de 2015 qu’un phénomène inexpliqué et encore tenu caché s’empare de la société et affole le pouvoir. On l’appelle, faute de mieux, l’Éclipse. Des milliers de personnes, du ministre à l’infirmière, de la mère de famille au grand patron, décident du jour au lendemain de tout abandonner, de lâcher prise, de laisser tomber, de disparaître. Guillaume Trimbert, la cinquantaine fatiguée, écrivain en bout de course, est-il lui aussi sans le savoir candidat à l’Éclipse alors que la France et l’Europe, entre terrorisme et révolte sociale, sombrent dans le chaos? C’est ce que pense Agnès Delvaux, jeune capitaine des services secrets. Mais est-ce seulement pour cette raison qu’elle espionne ainsi Trimbert, jusqu’au cœur de son intimité, en désobéissant à ses propres chefs?
Dix-sept ans plus tard, dans un recoin du Gers où règne une nouvelle civilisation, la Douceur, Agnès observe sa fille Ada et revient sur son histoire avec Trimbert qui a changé sa vie au moment où changeait le monde.

Mon billet :

Lorsque j’ai commencé à lire ce roman, j’ai eu des flashs de «Macha, ou l’évasion», un roman jeunesse de Jérôme Leroy et une de ses nouvelles «Comme un fauteuils dans une bibliothèque en ruine», d’un recueil précédemment commenté sur ce blog. Jérôme Leroy a des thématiques qu’il développe à chaque fois d’une façon différente. Jérôme Leroy semble vouloir développer un univers très particulier qui répond aux préoccupations actuelles.

Ce roman se compose de deux parties.

Dans un premier temps on a nous avons une alternance entre deux narrateurs.

Agnès qui surveille Guillaume Trimbert et qui nous parle un peu d’elle et de ses sentiments en particulier en ce qui concerne son travail d’espionne et ce qu’elle récent pour Guillaume Trimbert. On a parfois l’impression qu’elle lui parle de manière indirecte, elle finit par employer le « tu » dans son récit. Il y a un non-dit sur la « haine-pitié » qu’elle lui porte. Elle ne veut pas être admirative de ce qu’il est.

L’autre narrateur, c’est Guillaume qui se raconte, son parcours, ses choix et ses idéaux, il parle de politique, d’histoire et de littérature. C’est une sorte de monologue intérieur, comme s’il cherchait à comprendre ses positions actuelles.

Ces récits tiennent du journal, intime, de la confession ou de  la séance de psychanalyse. Le lecteur entre dans leurs intimités à tous les deux.

Certains chapitres semblent chacun suivre une idée des narrateurs. A d’autres moments, ils se répondent alors que les personnages ne se connaissaient pas. Chacun à une vision différente de la vie.

Il y a l’idée de bourreau et victime, mais c’est Agnès qui joue à ce jeu puisque Guillaume ne se sait pas surveillé. Parfois Agnès se fait piéger à son propre piège, car il y a une part d’ombre en elle.

Une grande partie du texte traite des éclipsés. Agnès est chargée d’empêcher cet acte, alors on suit le cheminement de Guillaume qui veut s’éclipser. Il nous raconte ce qui imperceptiblement le pousse dans cette voie.

Pour faire court, s’éclipser c’est sortir de tous les réseaux qu’ils soient mondains ou virtuels. Sortir de l’ultra-connexion se retrouver  dans un lieu qui vous est inconnu et que vous y soyez inconnu, vous fondre incognito. Sortir de la société de consommation à outrance, aller à l’essentiel et vous recentrer. La façon dont Guillaume et Agnès en parle c’est un acte politique et subversif, ce n’est pas la même approche que ceux qui prônent les théories de développement personnel  (vie plus saine, écologie, recherche de spiritualité, introspection, écoute de son corps et de la nature). Ils ont côté désabusé, Guillaume ne croit plus  que l’homme puisse se révolter pour changer les choses et Agnès est chargée de désamorcer ceux qui ont se genre d’idée.

Guillaume joue à l’épicurien, il boit, mange, fait l’amour à l’excès. Il perd le goût des mondanités et de toutes les exigences induites par une vie sociale. Il a quitté l’enseignement pour se dédier) l’écriture mais là aussi, il veut aller vers ce qui lui semble essentiel, la poésie.  Il ne chercher plus à refaire le monde autour d’un verre.

Agnès, elle est dans la maîtrise, la violence prend petit à petit le dessus. Plus, elle est troublée, plus elle découvre l’intime de Guillaume et plus elle se révolte dans l’autre sens. Elle est sur le fil du  rasoir, prête à basculer.

La deuxième partie, point de bascule vers autre chose, c’est une autre étape que je ne voudrais pas vous dévoiler… surtout si vous n’avez pas lu les livres que j’ai cité au début de cette chronique.

Ce roman a quelque chose de troublant car il y a des références à l’actualité (attentats et massacres) Il y a aussi des échos de questionnements qui me préoccupent. Ce qui est troublant c’est que le personnage masculin est un écrivain qui fait penser à Jérôme Leroy.

Les personnages ne sont pas franchement attachants car tous les deux sont tournés sur eux même. Quoique…

Ce que j’ai beaucoup aimé dans ces récits c’est la thématique du chemin : suivre son chemin ou changer son chemin, chercher son chemin et créer son  chemin, etc.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde pour cette lecture très intéressante sur  la révolte et la douceur.

table ronde