Comme il pleut sur la ville

Mon Combat 5

Karl Ove Knausgård

Trad. Du Norvégien Marie-Pierre Fiquet

Éditions Denoël, 2019, 836 p., 26,90 €

Mes lectures Denoël

4e de couv. :

À vingt ans, Karl Ove s’installe à Bergen. Il est le plus jeune étudiant jamais accepté à la prestigieuse Académie d’écriture et arrive débordant d’enthousiasme et d’ambition littéraire.
Mais rapidement ses illusions volent en éclats. Son écriture se révèle puérile et pleine de clichés, et ses efforts de socialisation se soldent par des échecs cuisants. Maladroit avec les femmes et très timide en société, il noie son humiliation dans l’alcool et le rock.
Puis, petit à petit, l’horizon commence à s’éclaircir. Il tombe amoureux, renonce à l’écriture pour se consacrer à la critique littéraire, plus immédiatement gratifiante, et les premières pierres de sa vie d’adulte sont posées.

Ma chronique :

Je ne veux pas lire de livre de plus 500 pages, mais comment résister au dernier opus de Karl Ove Knausgård 837 pages ? J’ai bien fait de ne pas suivre une règle aussi absurde ! Je crois que je me transforme en fan de cet auteur. Je suis en train de voir pour m’acheter les trois premiers tomes de cette série.

L’autofiction est un genre littéraire particulier, chaque auteur l’aborde avec sa personnalité et un but plus ou avoué. Côté lectrice, j’ai toujours peur qu’on nous fasse jouer le rôle de voyeur. Le lecteur navigue entre la sensation d’être dans de la fiction, puisqu’il s’agit d’une vie recrée (l’auteur nous montre ce qu’il veut) et les points d’ancrage dans la réalité. Comme je ne connais Karl Ove Knausgård qu’à travers  ce type d’écrit  et de plus il est norvégien je ne cherche pas à savoir si c’est véridique. Par contre l’auteur à mon âge alors il y a des aspects de la vie en général qui me rappelle cette époque.

Ce que j’aime dans ce roman (et le précédent) c’est son écriture, l’impression d’écouter l’auteur se raconter, dérouler sa pensée avec une grande fluidité. C’est très structuré, il y a important travail d’écriture qui enrichi le contenu. Il dit lui-même qu’il a choisi un roman foisonnant, c’est tout à fait ça ! car c’est ce qui me plait aussi dans ce roman, c’est qu’il fait des commentaires sur son écriture sur les livres qu’il écrit.

Je ne vais pas vous faire des commentaires sur tout le roman… on y retrouve les questions liées à la culpabilité qu’engendrent par exemple : la peur, la colère, l’alcool (dépendance et destruction) et au sexe (pulsions et couple, fidélité)…

Ce qui m’a marqué c’est l’image d’une boucle qui se fermait. Karl Ove revient sur sa terre natale après un voyage en Europe et lorsqu’il va voir son père il n’est pas le bienvenu, vers la fin du roman c’est Karl Ove qui accompagne son père vers son dernier voyage, qui le met en terre. On laisse donc un jeune homme à un tournant de sa vie et on n’a qu’une envie c’est de lire la suite.

La famille avec ses liens complexes qui forgent un caractère et influence la vie est une thématique que Karl Ove développe à travers ses écrits, c’est intemporel…

Ce que j’aime chez cet écrivain, du moins de ce qu’il nous en dit dans ces romans, c’est qu’il avait cette conviction profonde qu’il voulait vivre de son écriture (dans le tome IV on le voyait écrire des poèmes et des nouvelles). On va donc le voir continuer à faire ses armes. Il a un côté jeune prétentieux au début et à la fin il a évolué.

Dans ce tome V, on retrouve certains personnages qu’on avait croisé dans le tome IV, mais ce n’est qu’au bout de quelques phrases qu’on les re-situe ou pas. J’ai toujours autant de mal entre les prénoms masculins et féminins nordiques. J’ai alors remarqué qu’après un an il me restait beaucoup d’images et de souvenirs du tome précédent. C’est donc comme si je continuais une conversation avec un « ami » de longue date qu’on n’a pas revu depuis longtemps. Le temps est une autre des thématiques importante. Étrange sensation, j’ai vraiment accroché à son univers.

A la question doit-on avoir lu les tomes précédents avant d’aborder cette phase de la vie de Karl Ove. Je ne crois pas, cela ne m’a pas manqué pour le précédent. Cependant le tome IV et V sont assez proche dans le temps. Ce sont tout de même des expériences de vies qui peuvent se découvrir de manière indépendante. Projet 2019 m’acheter les trois premiers tomes en édition Denoël  et les lire !

C’est un roman dont le sujet est l’écriture, entre fantasme d’un jeune homme qui se rêve d’écrivain, illusions et désillusions, quand la vie va le confronté à la réalité. Il a un regard sur le jeune auteur qu’il était, il n’hésite pas à parler de ses défauts. On va le voir passer du rôle de critique littéraire à l’écrivain interviewé, ce n’est pas pour autant que sa vie sera plus facile.

Si vous me suivez un peu vous savez que je suis très attachée aux thématiques liées aux éléments, je peux vous dire que ce roman est un régal, suivre ses images qui en découlent, les éléments combinés aux couleurs et à la lumière donne une force supplémentaire aux émotions. Il y a notamment un texte qui vient s’insérer dans la narration qui s’intitule « le feu ». Je pense que ce roman a un fort potentiel pour de la recherche. C’est un texte très travaillé qui donne l’impression qu’il s’agit d’un roman de formation qui aborde des sujets de réflexion autour de l’éducation, l’existence, la famille et la construction de sa vie, le tout avec un travail d’introspection sur ces réactions et les conséquences.

Dans ce roman le temps et la mémoire n’ont rien d’innocent, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le Proust Norvégien et qu’il fait référence « à la Recherche ». On découvre ici la fin de la vie d’étudiant. Entrée dans la vie d’adulte qui s’accompagne de la perte du père, une certaine dualité s’arrête. J’ai beaucoup aimé comment il a traité  le passage autour de la préparation de l’enterrement, et le début du deuil. Il reste cependant des choses en suspend comme dans tout décès.

Je remercie les Éditions Denoël de m’avoir laissé le temps de lire ce roman… 

kokeshi coup de coeur

Sur ce Blog :

aux confins du monde

Article précédemment publié sur Canalblog

Aux confins du monde

Mon Combat 4

Karl Ove Knausgaard

Trad. Marie-Pierre Fiquet

Éditions Denoël, août 2017, 648 p., 24,50 €

Mes lectures Denoël

Challenge rentrée Littéraire 2017

4e de couv. :

À dix-huit ans, fraîchement sorti du lycée, Karl Ove Knausgaard part vivre dans un petit village de pêcheurs au nord du cercle arctique, où il sera enseignant. Il n’a aucune passion pour ce métier, ni d’ailleurs pour aucun autre : ce qu’il veut, c’est mettre de côté assez d’argent pour voyager et se consacrer à l’écriture. Tout se passe bien dans un premier temps : il écrit quelques nouvelles, s’intègre à la communauté locale et attire même l’attention de plusieurs jolies jeunes femmes du village. S’installe peu à peu la nuit polaire, plongeant dans l’obscurité les somptueux paysages de la région et jetant un voile noir sur la vie de Karl Ove. L’inspiration vient à manquer, sa consommation d’alcool de plus en plus excessive lui vaut des trous de mémoire préoccupants, ses nombreuses tentatives pour perdre sa virginité se soldent par des échecs humiliants, et pour son plus grand malheur il commence à éprouver des sentiments pour l’une de ses élèves.

Mon billet :

Une nouvelle fois mon choix c’est porté sur ce roman grâce à sa couverture avec le regard acéré et le visage buriné de l’auteur, il se dégage un certain charisme. Je pense aussi avoir été influencé par le fait que j’ai le même âge que l’auteur.

Ce roman est le cinquième opus, il se lit aisément sans avoir lu les précédents. Je suppose que d’avoir lu ce qu’il nous dit de son enfance et de ses relations familiales cela peux donner certaines indications.  

Ce roman traite de plusieurs thèmes mais celui de l’autofiction est celui qui m’a le plus intéressée.  C’est raconté au présent comme une narration en train de se vivre, il y a bien des flashs back et des réflexions actuelles mais elles ne sont pas majoritaires. Cette conviction qu’a le narrateur/auteur d’être né pour être écrivain c’est ce qui va le guider. On va le suivre pendant une année scolaire. Il a 18 ans et veut écrire.

Cette certitude dans ses capacités à écrire, le rend presque prétentieux, comme peuvent l’être les gens de cet âge. En même temps il ne cache pas au lecteur ses faiblesses et ses petites lâchetés ainsi que les coups bas qu’il va subir et autres mésaventures.

J’ai beaucoup aimé comment au fil des souvenirs viennent se mêler des réflexions sur la mémoire et les petits arrangements dans la réécriture des faits.

Je ne connais pas la littérature norvégienne alors je n’ai pas été sensible à tous les titres cités, ainsi que pour bon nombre de références musicales. Toutes ses références doivent donner une touche supplémentaire pour bien cerner le personnage.

Pour la petite anecdote je lisais un autre roman où un personnage était passionné par la musique avec un regard pointu sur la musique. « Un funambule sur le sable ». Revoir ici aussi un personnage avec des milliers de vinyles qu’il cherche à lier les uns avec les autres, cela m’a fait sourire.

Ce fut un dépaysement lire ce roman, voir Karl Ove vivre dans cette partie nord de la Norvège, ainsi que ses brefs déplacements. Mais comme la plus grande partie du récit se déroule dans le nord, on apprend beaucoup de choses sur cette petite communauté de pêcheurs.

Nous sommes fins des années 80 et cela m’évoque beaucoup de choses.

L’autre grande préoccupation de Karl Ove, c’est son éducation sexuelle. Il a 18 ans, il est puceau et évidemment il est obsédé par se qui se passe sous la ceinture. Il évoque aussi le peu de différence d’âge qu’il a avec certaines de ses élèves. A nouveau le fait d’être dans une petite communauté va devenir un poids pour lui et les autres.

On se demande quand il va dépasser la ligne rouge et avec qui. L’isolement dans cette partie de la Norvège est accompagné par l’ennui. Il n’y a rien à faire, il n’y a pas d’avenir. Il n’y a rien à faire, il n’y a pas d’avenir florissant. L’alcool est un dérivatif mais un mauvais conseilleur. Le narrateur semble avoir cédé à certains penchants. L’alcool engendre des situations équivoques, humiliations et la violence est plus ou moins omniprésence.

Ce qui m’a aussi intéressé dans un premier temps c’est tout ce qu’il expose sur la culture et les perspectives d’avenir de cette communauté. Ces jeunes adolescents qui ne  prennent  pas au sérieux leur scolarité par défaitisme, ça sous-entend à quoi bon pour finir chômeur, pêcheur et alcoolique… C’es jeunes qui d’office s’opposent à l’autorité des jeunes du sud du pays inexpérimentés qui  ne font que passer le temps d’une année scolaire. Dans les conversations on réalise qu’il y a un manque de suivi qui ne donne pas envie de s’investir à ses laissés pour compte de la société norvégienne. Il y a un cercle vicieux qui s’est installé.

Il n’ay aucun discours politique, juste un constat.  Il suffit pourtant de savoir les prendre et leur donner confiance. Ce qui est dommage, c’est ce manque de suivi. L’année d’après une autre méthode, une autre approche sera mise en place par un autre jeune bachelier.

Ce roman d’autofiction traite des relations à l’autre. Désirs, jalousie, solitude, violence, amitié… on est à l’âge de tous les possibles et de tous les extrêmes.

La narration est très fluide et j’ai pris grand plaisir à suivre les aventures de ce jeune homme qui cherche à être indépendant et à vivre ses passions.

La famille est aussi un thème très intéressant, c’est un sujet à creuser.

C’est ce qu’on appelle un roman de formation, on va le voir grandir un peu, en presque un an il va devoir apprendre de ses erreurs ou pas.

Cette région du monde joue un rôle dans la notion de temps avec la lumière. Jour sans fin ou nuit sans fin, conjugué à cette notion de bout du monde « Aux confins du monde » cela donne un cocktail assez explosif pour l’esprit surtout combiné à l’alcool.

J’ai tellement pris plaisir à lire sa prose que j’ai bien envie de lire les romans précédents lorsque l’occasion s’en présentera.

Je remercie les Éditions Denoël pour leur confiance.

RL 2017

Article précédemment publié sur Canalblog