Silhouettes de mort sous la lune blanche

Kââ

Éditions de la Table Ronde, La Petite Vermillon, 21 janv. 2021, 296 p., 8,90 €

Mes lectures de la Table Ronde

Silhouettes de mort sous la lune blanche

4e de couv. :
«Silhouettes de mort sous la lune blanche est le premier roman de Kââ mettant en scène son narrateur sans nom, truand dandy, mercenaire sans scrupule et tueur sans pitié. Ce héros négatif apparu au mitan des années 80 est finalement le parfait reflet de l’époque dans laquelle il évolue, à cette différence qu’il n’a pas l’hypocrisie de masquer son cynisme et son hédonisme derrière les apparences de la respectabilité.
Cette histoire de cavale commence par un hold-up qui tourne mal où le narrateur est obligé d’abattre un de ses jeunes complices qui a tendance à tirer trop facilement dans le tas. Manque de chance, le gamin a deux frères pas commodes… Alors on peut commencer à fuir, à abattre d’autres copains et à s’enfuir avec leurs veuves aux mœurs plus que légères et à la gâchette facile. Autant dire qu’il règne dans ce roman, pour reprendre les mots de l’homme sans nom, « un froid exemplaire ».»
Jérôme Leroy.

Mes impressions de lectures :

On me demande parfois de définir mon genre de lectures et ce que mon Blog reflète. Je suis bien en peine de répondre car je peux passer du feel good au cosy mystery aux thrillers, par la littérature blanche à celle de l’imaginaire, et je ne parle pas de la jeunesse… Et puis de temps en temps je prend des chemins de traverse ceux qu’on dit « mauvais genre » comme les romans de Kââ.

Des morts que tu en veuilles ou pas tu vas les avoir à la pelle et on ne fait pas de la dentelle (même pas en sous-vêtements), cependant contrairement aux thrillers il y a une différence. Je n’ai pas compté les massacres et autres fusillades et pourtant ça ne rentre pas dans la catégorie serial killer, vous voyez la nuance ? en tout cas pour moi je la ressens. Ce qui ne signifie pas que j’en lirais souvent.

La couverture de ce roman ne laisse pas trop entrevoir l’époque où a lieu cette histoire, mais rappelle l’idée du règlement de compte (comme dans les westerns) et cela fait penser au héros seul face au monde… bon l’illustration nous indique qu’on est dans la campagne française. On va la voir en long, en large et en travers la campagne française !

Nous avons ici un roman qui se déroule début des années quatre-vingt et qui fut publié la première fois en 1985. Cette réédition est présentée par Jérôme Leroy. Il a passé le filtre des dernières décennies.

Lire ce roman en 2021,  cela fait un choc culturel. Non seulement ils vont manger au restaurant à point d’heure, mais ils fument à table et boivent comme des trous et prennent la route pour rouler à tombeau ouvert. Quant au sexe point de protection, ni de délicatesse. Quand aux gestes barrière vu qu’ils ne savent pas s’ils vont finir la journée, ce n’est à l’ordre du jour !

On parle de protection, vous avez là tout un arsenal phénoménal, à croire qu’il joue à celui qui aura le plu gros calibre. Les femmes elles sont plus fidèles à un type d’arme et je ne parle pas de séduction fatale.

La technologie faire ce retour en arrière c’est vraiment changer de millénaire, j’imagine les jeunes lecteurs s’interroger sur certains comportements. Par exemple on est encore avec les téléphones fixes  (dans tous les sens du terme) cabines et téléphones à fil. C’est aussi cartes routières. Et rendez-vous à heure fixe. Pas d’internet on cherche le numéro dans le bottin, on a son réseau d’information perso. Quand aux nouvelles nationales, il y a surtout la radio et les journaux…

Et je ne vous parle pas des  voitures, c’est comme pour les armes on est dans les gros moteurs thermiques et grosses caisses. C’est cependant important pour qui s’y connais car c’est le reflet du milieu social dans lequel ils évoluent. L’empreinte carbone on ne connaissait pas.

Il y a aussi un autre détail qui nous ramène à une autre époque. Les frontières entre France/Espagne et France/Italie. A un moment donné il va faire tamponner son faux passeport et cela va avoir des conséquences plus tard. Ce roman joue beaucoup sur la thématique de la frontière, que ce soit physique (entre deux pays) ou morale. On joue entre le bien et le mal, il faut choisir son camps, franchir des sortes de frontières. Cela va de pair avec les verbes basculer, passer et trépasser…

Et les femmes me direz-vous ? On va en rencontrer trois avec chaque sa part de misère et de caractère bien trempé. Mais je vous laisse les découvrir.

J’ai failli oublier de vous parler de la thématique de l’identité, pas seulement métaphysique, notre héros a des passeports avec plusieurs noms et différentes nationalités. Je suis incapable de dire le nom de notre narrateur. Il se défini par un lieu ou un acte, voir une période, mais point de nom….

L’histoire est presque anecdotique. Un braquage qui tourne mal  entre braqueurs. Le personnage principal a engendré par son acte une suite d’incidents. Effet dominos. Bien que tuant à tour de bras, il représente le gentil parmi la kyrielle de gangsters, truands et hommes de mains. On veut qu’il s’en sorte qu’il arrive à tuer le braqueur sadique. Il est très lucide sur la nature des relations dans le gangstérisme, il ne cesse de dire qu’il n’y a rien de romantique et pourtant… il va mettre à l’épreuve l’amitié et les renvois d’ascenseurs dans le milieu des truands français. Il y a aussi l’aspect politique avec la place des anars et des indépendantistes.

Ce roman est une vraie tragédie, avec des guerres de pouvoir, des affrontements de bandes rivales, « d’amours » impossibles, où la trahison et la loyauté vont jouer un rôle important. Quand aux dialogues ils tiennent une place importante entre deux scènes d’actions.

Mais que fait la police me demanderez-vous, et bien elle compte les morts dans le milieu du grand banditisme. Ils essaient bien de créer des barrages qui sont évidemment contournés. J’ai admiré le travail topographique de l’auteur, il devait avoir une sacrée collection de cartes Michelin. A oui point de gps et de google maps.

Je terminerai en disant que j’ai souri en voyant passer ces bandits en cabale autour de chez moi (virtuellement heureusement), c’était drôle de mettre des images sur les lieux cités.

Je vous laisse découvrir ce roman ou apparaît pour première fois ce personnage que j’avais  découvert avec « Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales ». Quels titres ! c’est un sujet que j’affectionne mais je ne vais pas développer ici, ma chronique est assez longue, merci d’être arrivé jusqu’ici.

Je vous souhaite une bonne lecture pleine de testostérone, d’alcool et de mets régionaux. Toute une époque.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance.

table ronde

Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales

Kââ

Éditions de la Table Ronde, La petite Vermillon, mars 2018, 286 p., 8,90 €

Mes lectures de la Table Ronde

il ne faut pas

4e de couv. :
«Kââ est de retour ! Et aussi, bien entendu, le héros qu’il avait mis en scène dans La Princesse de Crève. Rappelons que ce personnage des années 80, sans nom, sans attache sinon dans le milieu mortifère des voyous de tout acabit, traverse son époque dans une traînée sulfureuse et violente.
Dans Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales, ce cow-boy solitaire en Jaguar XJ6 Sovereign se rend en province à l’enterrement d’un truand et tombe sur un ami d’enfance devenu flic. Ce n’est pas de chance parce que le héros voit son bienheureux anonymat menacé…»
Jérôme Leroy.

Ma chronique :

La première éditions date de 1985.

Je vous parlais l’autre jour (cliquez) de mes motivations à lire les rééditions de certains titres des années 80. Je ne vais pas recommencer, je vous laisse aller voir.

Kââ est un auteur que je ne connaissais pas, je découvre son écriture et son univers, est-ce que le reste de son œuvre est à l’avenant, mystère…

Ce que je peux dire,  c’est que je me suis régalée avec ce roman. C’est très bizarre d’écrire cela quand l’histoire est truffée d’horreurs en tout genre… les amateurs de polars et autres livres policiers comprendrons. Ne connaissant pas l’auteur j’ai pris un risque…

Le narrateur est un gangster (braqueur) très recherché. Il a un côté touchant avec son code de l’honneur et une bonne dose d’autodérision. Il va à l’enterrement d’un vieux truand et tombe nez à nez avec un ancien copain d’école devenu flic et qui est d’humeur collante. D’autre part un autre bandit à assisté à cette rencontre. Pas bon pour sa réputation tout cela. De là vont découler une tonne d’em***** . On se dit immédiatement qu’il a la poisse et qu’il va se faire prendre dans les mailles du filet…

Après cet instant on va avoir un effet domino avec une escalade dans les degrés des catastrophes. Plus ça va et plus le narrateur va descendre en enfer. Comment tout cela va se terminer pour lui et les autres ? C’est tout l’intérêt de ce livre, savoir comment l’auteur va conclure…

Tout le long, il s’interroge sur ses motivations. Le truand devient enquêteur, c’est un comble ! et le chasseur devient le chassé… Mais que diable allait-il faire sur cette galère !

On va avoir droit à une galerie de portraits très pittoresques des gens du milieu, bandits, flic etc… sans parler des noms qu’ils portent.

Le narrateur n’a pas de nom, il joue avec des identités toutes plus fausses les unes que les autres, une seule fois son prénom apparaîtra. On devine un peu son pedigree, une aura de mystère l’entoure, ce qui augmente son charme…

Les rôles masculins ne sont pas très reluisants, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Quand aux femmes qui entourent ce n’est guère mieux…, la rivalité, la cruauté, la trahison,  l’honneur et l’amitié, peut de place pour l’amour…

Tout ce petit monde a plus ou moins des cadavres cachés dans les placards. Un personnage m’a étonné  quant à ses motivations, j’ai eu des doutes tout le long… une ambigüité plane… je n’en dis pas plus.

Il y a un côté film avec Belmondo, des courses poursuites sans cascadeurs, charmeur et grand seigneur les poches pleine de billets…

On est dans les années 80 pas de doute. Il écoute des cassettes de Renault, Léonard Cohen et quelques autres…

Dans les restaurants c’est fruits de mer, tournedos Rossini, crêpes flambées etc…  Vins, champagnes, Cognacs et bourbon pas de loi Evin. Quand au tabac c’est partout et part tous temps.

Le sexe, le sida n’a pas encore fait les ravages…

Quand à l’argent, on y retrouve les devises principales (Francs, francs suisses et dollars) et le vocabulaire inhérent.

Au niveau des véhicules, c’était très amusant de revoir toutes ses modèles et leur connotation. Sans parler des excès de vitesse point de radars fixes…

Pour les amateurs d’armes à feu, vous avez toute la panoplie  avec leurs caractéristiques et celles de leurs munitions.

J’ai eu du mal à lâcher cette histoire car je voulais  découvrir les tenants et les aboutissants de toutes ces situations rocambolesques. Il y a un suspens qui tiens le lecteur en haleine. On attend le feu d’artifice final avec curiosité. Ça canarde à tout va. L’intrigue est bien ficelé même si parfois cela frôle la caricature, c’est aussi le charme de ce genre littéraire.

La presse écrite et la radio se faisait l’écho de ces faits divers sanglants. La tv n’est pas présente.

Ce qui m’a marqué, c’est la présence de la beauté qui est mise en évidence par le narrateur. Cela fait face à toute la noirceur d’univers. Il confronte la beauté physique et la corruption de l’âme.

Paris et ses beaux quartiers avec derrière les façades des êtres abjects.

Le narrateur déteste Paris et il nous montre la déshumanisation de l’urbanisation.

La pureté côtoie la souillure. Cela concerne les décors, les situations ou les personnes.

Le narrateur est conscient de ce qu’il est de ce qu’est sa vie etc. mais ont sent au fur et à mesure qu’il perd des illusions.

L’idée de paradis perdu, de fin d’une époque m’a accompagné.

Nous sommes dans un polar des années 80, il y a donc des idées politiques, des attitudes qui marquent bien l’époque. Il y a aussi quelques références à la guerre d’Algérie et les horreurs qui y sont liées. Il y est question d’écoutes téléphoniques, de RG, de portraits-robots etc. On sent aussi dans les techniques policières ne sont pas aussi poussées qu’aujourd’hui. La technologie ne permet pas de recouper les renseignements.

Je vous disais en début de chronique que je prenais un risque, par exemple  celui de trouver le roman vieilli et daté. En fait tout le côté année 80 c’est plutôt un certain portrait (imaginé ?!) d’une époque. Est-ce dû à mon âge ? peut-être…

Je vous souhaite une bonne lecture.

Je remercie les Editions de la Table Ronde et La Petite Vermillon pour leur confiance.

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