Celle qui s’aime enfin

Dominique Lagrou Sampere

Éditions  Flammarion, mars 2023, 222 p, 20 €

Mes lectures Flammarion

4e de couv. :

Toscane, la quarantaine, est une violoniste virtuose. Elle est brillante, lumineuse. Mais elle ne le sait pas et doute en permanence. C’est l’histoire de sa vie. Toscane a toujours eu le sentiment d’avancer comme une imposture. Et puis un jour, il y a Victor. L’ami qui traverse son existence depuis vingt ans va devenir, après le décès accidentel de son mari, l’amant bouleversant. Chacun traîne son lourd baluchon à ses pieds. Chacun va permettre à l’autre de retrouver le chemin de soi et le transformer en aventure prodigieuse.Celle qui s’aime enfin est l’histoire d’une femme qui comprend que pour embrasser la vie, parfaitement imparfaite, il faut d’abord apprendre à s’aimer. Elle chemine de rencontres en révélations, transforme les maux en mots pour enfin dépasser ses souffrances et se libérer de ses fantômes. Bouleversante et contemporaine, elle est à la fois soumise et rebelle, sensible et forte, insupportable et merveilleuse, désordonnée et déterminée à vivre, celle qui s’aime enfin.

Mes impressions de lecture :

Je ne connaissais cette journaliste, ou alors sans le savoir, mais j’étais curieuse de lire son premier roman, j’aimais l’idée changement de type d’écriture. Le titre est très explicite et on les retrouvera dans la narration. La femme est au cœur de cette histoire.

J’ai eu envie de lire ce roman car il parle de mots.  Il se trouve qu’il y a quelques semaines on m’a fait connaître le travail de Jacques Perry-Salkow et qu’elle surprise de le voir jouer son propre rôle dans cette fiction. Tout le long on a la présence des mots, des jeux avec les sonorités, les définitions les anagrammes. Derrière ses jeux de l’esprit, on découvre les failles de la protagoniste et une sorte de pensée magique. On a parfois tendance ( je généralise un peut-être trop) à chercher des signes autour de nous. Selon notre humeur on va les interpréter de façon positive ou au contraire négative. Toscane va jouer avec les mots pour trouver un sens à ce qu’elle vit. Alors qu’il faut qu’elle aille chercher plus profondément.

Ce livre aborde des sujets qui touchent à la famille et à la transmission de traumatismes. Les ruptures, les abandons et les décès mal expliqués peuvent conduire à des drames. Il n’y a pas que toscane qui a un parcours de vie émotionnellement compliqué.

On va donc découvrir cette jeune femme à un moment critique de sa vie. La scène inaugurale est forte. Va-t-elle passer à l’acte ? Comment va-t-elle s’en sortir ?

Ce roman raconte une histoire de femme qui sa se réaliser et s’affranchir du passé. Il y est question de frontières et d’identité. Cette histoire montre comment le travail de deuil et résilience sont importants pour pouvoir avancer dans la vie.

J’ai bien aimé la place de la musique dans cette narration cela entre en résonance avec tout le travail de la langue.

À la fin du volume Dominique Lagrou Sempere nous parle de son travail d’écriture, c’est toujours intéressant de découvrir l’expérience de l’auteur de la conception d’un projet au résultat final et toutes les interrogations qui ont fait leur chemin à travers le travail d’écriture. Je suis curieuse de lire les prochains romans et l’évolution de cette autrice en fiction.

Je remercie l’attachée de presse de Flammarion qui m’a fait découvrir ce roman.

Pour celles qui participeraient à un challenge en mars sur le thème de la femme c’est une lecture qui aborde plusieurs sujets lié à la féminité dans la société.

Encabanée

Gabrielle Filteau-Chiba

Folio, 6 janv 2022, 128 p., 7 €

Mes Lectures Folio

Rentrée Hiver 2022

En librairie le 6 janvier 2022

4e de couv. :

Lassée par un quotidien aliénant, Anouk quitte son appartement de Montréal pour une cabane abandonnée dans la région du Kamouraska, là où naissent les bélugas. « Encabanée » au milieu de l’hiver, elle apprend peu à peu les gestes pour subsister en pleine nature. La vie en autarcie à -40 °C est une aventure de tous les instants, un pari fou, un voyage intérieur aussi. Anouk se redécouvre. Mais sa solitude sera bientôt troublée par une rencontre inattendue…

Mes impressions de lecture :

L’histoire débute le 2 janvier alors j’ai eu envie de publier mon avis le 2 janvier… il sera en librairie le 6 janvier.

Ce roman m’a fait penser à certaines publications des Éditions de la Peuplade. Je ne connaissais pas cette autrice, ni la maison d’éditions « le mot et le reste » où le texte était publié auparavant, d’où l’intérêt de la réédition dans un petit format, folio permet une diffusion plus large.

La couverture de l’édition Folio nous mets tout de suite dans l’ambiance. C’est dépaysant !

Le froid ce n’est pas pour moi et j’étais bien contente de le lire au chaud par une belle journée ensoleillée de décembre. La narration débute le 2 janvier par -40 °c au nord du Canada.

Ce roman est un mélange de récit fictif entrecoupé  d’extraits de journal intime. On a l’impression que c’est Gabriel Filteau-Chiba qui a vécu cette expérience tellement on est dans l’ordre de l’intime.

On suit au plus près l’aventure d’ Anouk. Il n’y a pas de filtre. Cette jeune femme dit ce qu’elle fait et ce qu’elle ressent au quotidien. Petit à petit on découvre pourquoi elle est venue s’encabaner et vivre en ermite.

Il y a un paradoxe entre cet élan vital qui l’a mené  à quitter la grande ville et son travail et cette expérience où elle flirte avec la mort. On pourrait parler d’épreuve. Dans cette vie qu’elle a choisie la frontière entre la vie et la mort est ténue.

Elle est passée d’un extrême à l’autre, du bruit au silence, de la vie sociale à la solitude. Mais dans les deux cas elle était en danger.

La narratrice aborde des sujets actuels qui touchent le nord Canada mais aussi la planète. Des sables bitumeux au réchauffement climatique, de la surconsommation à l’activisme.

J’ai beaucoup aimé la progression dans ce qu’elle ressent au jour le jour, ses doutes, ses craintes, ses faiblesses et sa volonté.

Dans la narration il y a beaucoup de références culturelles, c’est le substrat qui lui permet de vivre, se rappeler de poèmes, de chansons, de textes etc.

J’ai aimé vivre les émotions fortes de cette narratrice, on se demande si on n’est pas dans la chronique d’une mort annoncée. Va-t-elle survivre ? S’en sortir indemne ?

Les derniers rebondissements relancent l’histoire…

Je remercie Folio pour cette découverte.

Parle tout bas

Elsa Fottorino

Mercure de France, 19 août 2021, 155 p., 15 €

Mes Lectures Mercure de France

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2021

4e de couv. :

En 2005, la narratrice a dix-neuf ans quand elle est victime d’un viol dans une forêt. Plainte, enquête, dépositions, interrogatoires : faute d’indices probants et de piste tangible, l’affaire est classée sans suite. Douze ans après les faits, à la faveur d’autres enquêtes, un suspect est identifié : cette fois, il y aura bien un procès.
Depuis, la narratrice a continué à vivre et à aimer : elle est mère d’une petite fille et attend un deuxième enfant.
Aujourd’hui, en se penchant sur son passé, elle comprend qu’elle tient enfin la possibilité de dépasser cette histoire et d’être en paix avec elle-même
Elsa Fottorino livre ici un roman sobre et bouleversant, intime et universel, qui dit sans fard le quotidien des victimes et la complexité de leurs sentiments.

Mes impressions de lecture :

Lorsque j’ai reçu ce livre, j’ai fait un pas en arrière. Le sujet est délicat, et je n’aime pas trop les « témoignages » sur ce thème là. Puis j’ai réfléchi qu’il s’agissait d’un roman de Mercure de France. Et effectivement on n’est pas dans le cru et la surenchère.

Il est marqué « roman » sur la couverture du livre, mais on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre la narratrice et l’autrice. Je ne connais pas Elsa Fottorino, alors est-ce de l’auto-fiction ou de la fiction ?

La narratrice parle de « l’évènement » pour parler de ce viol, ce mot violent est utilisé pour parler d’autres victimes. Le sujet est traité avec délicatesse (je ne trouve pas de mot) comme pour les autres victimes  et elle même. Lorsqu’elle fini par évoquer l’acte elle dit juste ce qu’il faut pour qu’on comprenne sans heurter personne.

Ce qui m’a plu dans ce roman c’est qu’il ne suit pas une chronologie linéaire, on ne se perd pas dans les repères temporels. Il y a avant et il y a après… mais dans ces deux espaces il y a tellement de questionnements. Douze ans

Ce qui m’a marqué c’est ce temps qui rattrape la narratrice. Elle avait enfoui ce traumatisme et voilà qu’on lui demande de le faire resurgir. J’ai eu l’image d’un élastique, c’est comme si elle avait avancé en tirant sur cet élastique accroché à cet instant T et que d’un coup d’avoir trouvé le coupable coupait ce point de départ et que tout lui revenait à la fois en faisant des boucles.

On lui a appris depuis toujours à être discrète, se taire et ne pas faire de vague parce que c’est une fille et il y a aussi le milieu dans lequel elle évolue. Elle a continué à se forger la carapace qui la protège. Elle en deviendrait froide et « insensible ». On joue tous un rôle alors pourquoi pas celui-ci si ça lui évite les questions.

J’ai beaucoup aimé la délicatesse avec laquelle elle parle de toutes les victimes d’agression en ayant conscience que chaque une attitude différente en fonction de paramètres personnels, il n’y a pas une bonne ou une mauvaise façon de réagir et de survivre (ou pas).

J’ai aussi remarqué qu’il y a beaucoup de scènes présentes où la lumière est omniprésente, comme si elle voulait tendre vers plus de lumière dans sa vie, sortir de l’obscurité ce secret pour enfin vivre pleinement.

Ma crainte d’être dans la position du lecteur voyeuriste s’est vite évanouie pour mon grand soulagement.

Il me faudra lire d’autres romans d’Elsa Fottorino pour découvrir son univers littéraire.

Je remercie les Éditions Mercure de France de leur confiance.

Et j’abattrai l’arrogance des tyrans

Marie-Fleur  Albecker

Éditions Aux Forges de Vulcain, 2018, 199 p., 18 €

Mes lectures aux Forges de Vulcain

tyrans

4e de couv. :

En 1381, la grande peste et la Guerre de Cent ans ont ruiné le royaume d’Angleterre. Quand le roi décide d’augmenter les impôts, les paysans se rebellent. Parmi les héros de cette première révolte occidentale : John Wyclif, précurseur du protestantisme, Wat Tyler, grand chef de guerre, John Ball, prêtre vagabond qui prône l’égalité des hommes en s’inspirant de la Bible. Mais on trouve aussi des femmes, dont Joanna, une Jeanne d’Arc athée, qui n’a pas sa langue dans la poche et rejoint cette aventure en se disant que, puisque l’on parle d’égalité, il serait bon de parler d’égalité homme-femme…

Ma chronique :

« Et j’abattrai l’arrogance  des tyrans » est un titre qui nous indique clairement de quel côté de la barrière va se trouver notre héroïne.  Johanna une femme au moyen âge en Angleterre va se retrouver emportée par sa conscience dans cette révolte des paysans, serfs. La révolte et la soif de justice est déjà en elle.

La narration va de Johanna, donc de l’individu à la collectivité, ce va et vient de particulier au général fait écho au mouvement social et physique. On va suivre cette femme qui se lance dans l’aventure où nul ne se rend vraiment compte de ce qui va advenir, ils vont se laisser déborder par les événements. Cela part d’une injustice qui concerne la liberté d’aller travailler où l’on veut. Au temps du servage c’est inconcevable. Il y a toute une hiérarchie féodale qui gère la vie des hommes et des bêtes. La grogne va toucher aussi les impôts trop importants.

En chemin elle va rencontrer des hommes dont le nom va passer à la postérité comme John Ball. A ce sujet je vous conseille de voir un autre point de vue complémentaire sur cette période dans « John Ball » de William Morris publié aussi aux Forges de Vulcain.

Johanna est un personnage fictif, mais de toute façon aucune femme n’a laissé de trace de cette période là.

Marie-Fleur Albecker ni va pas avec le dos de la cuillère, elle est plutôt du genre incisif, la fourche  est plus appropriée pour symboliser la paysannerie et la révolte. Le langage est plutôt actuel, elle nous plonge dans ces années là avec la langue d’aujourd’hui pour rendre plus parlant les questionnements des ses hommes et femmes. Elle utilise des images très significatives et des expressions très fleuries. Elle emploi une langue acérée mais très travaillée.

C’est un roman dans la lignée de certains romans de la maison d’édition « Aux Forges de Vulcain ». Des gens à la croisée des chemins qui revendiquent leur façon de voir la société en employant les grands moyens.  L’humour provocateur et satyrique renforce le côté iconoclaste.

Je me suis régalée, ce mélange  de provocation par la langue et de travail documentaire qui crée les fondations de cette histoire. Elle donne le droit à une femme du « peuple »  de penser,  sans en faire une copie de Jeanne d’Arc bien  au contraire.

Johanna s’inquiète de cette petite voix intérieure qui la pousse à vouloir une meilleure vie. Une femme qui exprime les pensées est vite taxée de sorcière. Ce roman met l’accent sur les barrières mentales qui cloisonnaient les gens.

Il y a le village puis le chemin,  l’immobilisme et le mouvement, dans tous les sens physique et moral. On passe de l’isolement et la population maintenue dans l’ignorance et dans un lieu retreint vers la sortie de sa « zone de confort  autorisée» pour aller vers l’autre, et vers d’autres façons de penser l’avenir.

Dans la structure de la narration on retrouve ce crescendo  de quelque chose de spontané vers quelque chose de plus structuré. J’ai trouvé intéressant que Johanna fasse le distingo entre la révolte et la révolution.

On découvre aussi la géographie de l’Angleterre de l’époque, c’est très visuel, Marie-Fleur Albecker nous remet dans le contexte avec la place de Londres, de la Tamise et des difficultés pour atteindre le but physiquement. Elle sous resitue aussi le contexte politique et la place de chaque personnage politique de l’époque. Où aller et à qui s’adresser…

Ce que j’ai beaucoup aimé ce sont ces digressions qui donnent un plus à la narration .

Je vous laisse découvrir ce roman passionnant et dynamique qui donne  envie de bouger et de s’exprimer.

Je remercie les Éditions Aux Forges de Vulcain pour leur confiance. Elles viennent de fêter leurs  8 ans d’existence et sont toujours aussi remarquables.

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Article publié précédemment sur Canalblog

À la lumière du petit matin

Agnès Martin-Lugand

Éditions Michel Lafon, 2018, 332 p., 18,95 €

Mes lectures Michel Lafon

4e de couv. :

À l’approche de la quarantaine, Hortense se partage entre son métier de professeur de danse et sa liaison avec un homme marié. Elle se dit heureuse, pourtant elle est peu à peu gagnée par un indicible vague à l’âme qu’elle refuse d’affronter jusqu’au jour où le destin la fait trébucher. Mais ce coup du sort n’est-il pas l’occasion de raviver la flamme intérieure qu’elle avait laissée s’éteindre ?

Mon billet :

J’aime bien la façon qu’a Agnès Martin-Lugand de montrer les gens et surtout les jeunes femmes d’aujourd’hui. Elles sont loin de mon univers mais vivent avec leurs failles intérieures, leurs doutes. Elles sont face à des choix de vie, vont rencontrer des gens toxiques qui les vampirisent et d’autres qui les tirent vers le haut. Comme tout un chacun.

Ce que j’apprécie dans ses romans, c’est son regard sur les couples. Il y a les couples qui durent malgré les tempêtes et il y a ceux qui partent sur de mauvaises bases et qui ont tendance à détruire les gens.

Les personnages d’Agnès Martin-Lugand sont actifs, ont des projets, indépendants, à la limité son associés en affaire mais généralement il y a de la création à la clé ou de l’entreprenariat… On est dans une certaine catégorie sociale. Je ne sais pas si c’est lié mais du coup les personnages sont plutôt raisonnables avec juste des moments d’égarements. Je crois que c’est aussi ce qui me plait dans les histoires d’Agnès Martin-Lugand

Je me suis rendu compte que ce roman parle aussi du corps, corps qu’on maltraite qu’on pousse jusqu’à ses limites. Outils de travail des danseurs et en même temps il apporte la sensualité. Il y  est question du corps comme « aspect » visuel, les apparences, souffrances que l’on cache …

La narratrice, « je », est une jeune femme qui n’a pas fait le deuil de ses parents et qui essais de construire sa vie amoureuse sur des bases bancales. Elle sait au fond d’elle que sa relation va à l’encontre de ses valeurs et pourtant elle reste accro. On effleure l’idée d’autodestruction, d’autopunition, comme si elle se refusait d’être pleinement heureuse.

Elle a 39 ans, un tournant  important chez une femme, la fameuse horloge biologique qui oblige à se poser certaines questions. Avec les choix qu’elle a fait elle n’a jamais envisagé d’être mère, ce n’était pas au programme dans sa vie trépidante. Mais le doute est quand sa carrière professionnelle est compromise et qu’elle a le temps de réfléchir.

« À la lumière du petit matin » évoque un nouveau jour. Est-ce le moment d’un nouveau départ ?

Elle va s’interroger sur son présent et surtout sur l’avenir qu’elle voudrait radieux. Sa vie semblait au point mort ou en roue libre mais était-elle heureuse ?

Retour aux racines, aux premières envies… Ce ressourcer, se retrouver pour que sa personnalité soit en adéquation avec ses actes.

C’est dans les situations graves que l’on découvre ses vrais amis et les gens sur qui ont peu vraiment compter, c’est une évidence mais on le retrouve ici. Elle a des piliers sur qui compter mais c’est elle qui doit prendre ces décisions.

On va bien sûr avoir l’écorché vif qui va croiser son chemin… que vont-t-ils s’apporter ? Idée de réciprocité.

C’est à partir du moment où elle cherche à retrouver des valeurs positives qu’elle va pouvoir ouvrir les yeux et rencontrer les bonnes personnes. C’est comme si les conjonctions étaient propices à faire avancer tout le monde.

Elle tourne la page de sa vie « adolescente », cela paraît bizarre de dire cela d’une femme de 39 ans avec un amant régulier, une carrière professionnelle, des biens mobiliers, et les responsabilités qui en découlent et dire qu’elle devient adulte. Cependant c’est le sentiment que j’ai ressenti. C’est un peu comme si la vie n’était plus centrée que sur elle-même. Ce qui est contradictoire puisqu’elle va devoir repenser sa vie.

J’ai pris un grand plaisir à le lire car il y a une fluidité dans la narration qui nous fait tourner les pages pour suivre notre héroïne même si on devine certains choix logiques.

Je remercie les Éditions Michel Lafon. Et Agnès Martin-Lugand pour son petit mot de dédicace qui accompagne le service presse.

Article prédécemment publié sur Canalblog

Mémoire de fille

Annie Ernaux

Folio, mars  2018, 168 p., 6,60 €

Mes lectures Folio

4e de couv. :

Annie Ernaux replonge dans l’été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l’Orne. Nuit dont l’onde de choc s’est propagée violemment dans son corps et sur son existence durant deux années. S’appuyant sur des images indélébiles de sa mémoire, des photos et des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu’elle a été dans un va-et-vient entre hier et aujourd’hui.

Mon billet :

« Une femme » d’Annie Ernaux,lu il y a quelques années m’a beaucoup marqué. Je m’étais promis de lire d’autres romans d’elle mais l’occasion ne s’est pas présenté jusqu’à aujourd’hui.

Il y a quelques mois, j’ai écouté une série d’émissions sur France Culture dans « La compagnie des auteurs ». J’ai découvert certaines facettes de cette autrice que je ne connaissais pas. Alors me voilà partie dans « Mémoire de fille »

Ce roman aborde la thématique de la mémoire, cette question sur la reconstruction des souvenirs,  est un sujet qui m’intéresse beaucoup.

Je suis époustouflée de voir tout ce qu’elle arrive à faire ressortir de son passé, ou du moins à donner au lecteur l’impression que c’est vrai. Elle a les supports comme in agenda, une partie de sa correspondance (récupérée ces dernières années), des photos, de mémoire. Elle ne nous le présente  pas  comme des souvenirs nostalgiques. C’est un véritable questionnement sur la personne qu’elle était à l’époque et celle qu’elle est devenue qui porte un regard sur le passé. Elle analyse, décortique chaque élément. C’est aussi une façon de remettre les filles dans une époque un contexte et ses relations aux autres.

Pourquoi choisir, ce moment de sa vie ? Parce que c’est un moment clé dans sa vie de femme. Elle peut dire qu’il y a eu un avant et un après cet été là.

Elle ne cherche pas à embellir la situation ou à se donner le beau rôle. Avec l’autofiction on a une tendance à n’épargner personne.

C’est très étrange et intéressant la manière dont elle revient sans cesse à ces mois d’Août-septembre 1958 et les conséquences de ce qu’elle a vécu.

Elle porte un regard sur ses rapports à la famille, à la religion,  à son milieu social, à sa place de fille/femme,  aux autres jeunes, sans complaisance. Elle vit avec son temps et elle compare avec les filles d’aujourd’hui.

Le contexte politique n’est pas négligeable, mais elle nous précise bien qu’à l’époque cela ne faisait pas partie de ses préoccupations.

On pourrait penser que l’aspect très personnel laisserait le lecteur en marge et bien ce n’est pas le cas certaines préoccupations ou certains raisonnements  rejoignent certaines de mes propres pistes de réflexions.

Ce roman n’est pas un simple récit des évènements qu’elle a vécu. Pour chaque souvenir il y a des interrogations sur son travail d’écriture, sur sa façon d’aborder les problèmes etc. On n’est pas dans pourquoi j’ai dit ça ou j’ai réagi ainsi, non s’est autres chose.

Ce travail de reconstruction du passé m’a fait penser à Patrick Modiano qui a ses propres obsessions, mais c’est très différent dans le rendu.

Je remercie les Éditions Gallimard- Folio pour m’avoir incité à lire ce roman.

Article précédemment publié sur Canalblog

La ferme du bout du monde

Sarah Vaughan

Trad. Alice Delarbre

Éditions Préludes, avril 2017, 445 p., 16,90 €

ferme bout du monde

4e dec ouv. :

Cornouailles, une ferme isolée au sommet d’une falaise. Battus par les vents de la lande et les embruns, ses murs abritent depuis trois générations une famille… et ses secrets.1939. Will et Alice trouvent refuge auprès de Maggie, la fille du fermier. Ils vivent une enfance protégée des ravages de la guerre. Jusqu’à cet été 1943 qui bouleverse leur destin. Été 2014. La jeune Lucy, trompée par son mari, rejoint la ferme de sa grand-mère Maggie. Mais rien ne l’a préparée à ce qu’elle y découvrira. Deux étés, séparés par un drame inavouable. Peut-on tout réparer soixante-dix ans plus tard ?

Mon Billet :

J’hésitais un peu à lire ce roman car les histoires sous fond de seconde guerre mondiale ce n’est pas ma tasse de thé. Mais j’étais curieuse car il y a les deux époques qui sont présentes, hier et aujourd’hui, des femmes et un secret de famille.

Ce roman est bien construit, on passe bien des années quarante à notre époque. Ce n’est pas l’alternance systématique.  Dans un premier temps on à l’histoire d’une jeune fille d’aujourd’hui et celle d’une ferme avec des adolescents, donc on suit de chemins différents puis il va y avoir un personnage du passé et un du présent qui sont les mêmes à soixante-dix ans de distance. On a plusieurs chapitres qui nous racontent le vécu de tous ses personnages. Et parfois il y a un glissement délicat d’une époque à l’autre,  au niveau de l’écriture, donc de la lecture cela donne une autre dimension aux récits.

Le lecteur en sait plus que les personnages qui ne se confient pas les uns aux autres. Cependant l’auteure laisse des prénoms dans le flou pour ménager des surprises et des rebondissements au lecteur. Notre imagination fertile va deviner des choses et partir vers des suppositions. Le fait que le lecteur sache plus de chose que les personnages, cela rend la lecture plus palpitante, car il aura envie de participer ne serait-ce que pour dire « non pas lui, attention ! ».

Ce que Maggie a vécu jeune a eu des répercussions sur toute sa vie et celle de ses proches. Elle a gardé sa souffrance en elle et son comportement en tant que mère en a subit les conséquences. On le voit notamment au niveau du toucher. Elle a un tel blocage qu’elle n’arrive pas à prendre se enfants ou petits enfants dans ses bras jusqu’au moment où elle dévoile son secret. L’auteur a su rendre cohérent le comportement de ses personnages.

Ce n’est pas un roman larmoyant et plein de bons sentiments comme on pourrait le croire. Il y a des sentiments forts qui s’expriment avec virulence,  ce n’est pas évident de pardonner et de tourner la page lorsqu’on enfoui un secret. Il y est question de passion, d’amour et de haine…

La fin est assez intense, car il faut conclure, trancher dans le vif, il n’est plus temps de laisser les choses vivoter. Il y a un grand changement d’attitude entre le début et la fin du roman. On ne glisse pas lentement vers la mort physique et morale.

L’auteure à fait son travail d’écrivain jusqu’au bout. Elle a fait un pied de nez au passé. Aaaahh ! je ne dois pas spoiler… Pour ceux qui l’on lu c’est le lien entre les événements  du passé et du présent qui lient les personnages qui est bien trouvé (métiers des nouvelles générations).

Ce que j’ai aimé, c’est le travail sur les personnages. Elle nous montre chaque personnage dans une situation où ils doivent faire des choix. On suit leur parcours intérieur en période de crise. C’est la façon de réagir de chacun qui permettra à chaque lecteur de s’identifier, d’aimer ou de détester ce personnage. On laisse une deuxième chance  ou pas. Il y a tout un aspect psychologique et physique.

Les histoires personnelles sont aussi une façon de voir deux périodes bien différentes. On a le même lieu à deux époques différentes et les enjeux économiques et familiaux sont différents.

J’ai beaucoup aimé le côté racines terriennes, avec les lieux qui forgent les caractères. Je connais ce besoin de retour aux sources presque viscéral, ce qui rend très crédible certaines choses qui semblent romanesques.

Le thème de la mort est omniprésent. Il y a tous ces ancêtres qui ont construit le domaine bien sûr ainsi que ces nouvelles générations qui vivent sur le fil du rasoir. Il y a la notion de frontière entre l’envie de vivre et celle de mourir, le risque de basculer qui est renforcé par la présence des falaises, de la mer et des marées.

Il y a le premier personnage qui apparait au moment où il apprend qu’il est atteint d’un cancer. Nous avons Maggie qui approche des 90 ans et qui perds un peu de sa ténacité.  Il y a comme un compte à rebours qui se met en place car la vérité doit être dévoilée.

Il ya Lucy qui côtoie la mort dans un service de néo-natalité, la natalité et la mortalité intimement liées.

Il y a les accidents, les suicides et toutes les morts animales qui sont liées au monde de la ferme.

Bien évidement avec la période de guerre nous avons les bombardements, les soldats que partent pour ne pas revenir.

Toutes ses morts vont influencer le cours de l’histoire et le caractère des protagonistes.

Je ne vais pas vous dire que le roman se lit d’une traite car il y a 445 pages, cependant on a vraiment envie de savoir comment  cela va se terminer pour chaque personnages et les conséquences de la révélation de la vérité, du secret de famille. Le dernier quart il y a une nouvelle dynamique qui se met en place, qui moi m’a reboostée  dans ma lecture.

C’est un roman pour ceux qui aiment les sagas familiales, les passions contrariées, les secrets de famille et les deuxièmes vies.

La fin fin est très mignonne car il y a une ouverture vers le futur, contrairement à ce qu’on découvre au début de l’histoire qui allait vers un enfermement.  On sort de l’entonnoir, on enlève ses œillères …

Je remercie les Éditions Préludes qui m’ont présenté ce roman.

Article précédemment publié sur canalblog

J’ai toujours cette musique dans la tête

Agnès Martin-Lugand

Éditions Michel Lafon, mars 2017, 360 p., 18,95 €

Mes lectures Michel Lafon

4e de couv. :

Yanis et Véra ont la petite quarantaine et tout pour être heureux. Ils s’aiment comme au premier jour et sont les parents de trois magnifiques enfants. Seulement voilà, Yanis, talentueux autodidacte dans le bâtiment, vit de plus en plus mal sa collaboration avec Luc, le frère architecte de Véra, qui est aussi pragmatique et prudent que lui est créatif et entreprenant. La rupture est consommée lorsque Luc refuse LE chantier que Yanis attendait. Poussé par sa femme et financé par Tristan, un client providentiel qui ne jure que par lui, Yanis se lance à son compte, enfin.

Mais la vie qui semblait devenir un rêve éveillé va soudain prendre une tournure plus sombre. Yanis saura-t-il échapper à une spirale infernale sans emporter Véra ? Son couple résistera-t-il aux ambitions de leur entourage ?

Mon Billet

C’est le premier roman d’Agnès Martin-Lugand que je lis. J’avais lu une nouvelle dans « 3 à table » et j’avais bien aimé son écriture et ce qui semble son milieu de prédilection (couples trentaine actifs et citadins). J’étais donc curieuse de découvrir un récit plus long. Ce que j’ai bien aimé dans ce roman, c’est  que les faits sont ancrés dans la réalité et le quotidien. Même si on n’est pas dans le même milieu on s’identifie facilement à l’un ou l’autre des personnages. C’est ce qui fait le charme de ses histoires. Nous avons dès la couverture l’image d’une femme « de tous les jours » sans apprêts, elle est représente bien Véra lorsqu’elle se débat  avec ses problèmes et ses doutes. Et cette main… !!!!

Le point fort c’est la place des personnages. Agnès Martin-Lugand cible plutôt leur aspect psychologique. On y voit leur force, leurs failles et faiblesses. Leur fantaisie ou originalité vient animer les discussions.. Ensuite ce que l’on remarque ce sont les relations entre eux. C’est un peu comme s’ils donnaient 100 % d’eux même que lorsqu’ils sont ensemble. Agnès Martin-Lugand emploi à plusieurs reprises le mot « transparent »pour parler d’un personnage isolé.

Au début, j’ai eu peur qu’on parte sur un triangle amoureux : une femme deux hommes, mais heureusement très vite on se rend compte qu’il s’agit d’autre chose.

J’ai bien aimé le fait que les narrateurs soient les trois protagonistes principaux et que l’ordre de prise de parole ne soit pas à tout de rôle, mais juste au moment où la narratrice principale qui est Véra soit au bout de ce qu’elle est sensée savoir et comprendre.

Agnès Martin-Lugand développe la stratégie de la manipulation par petite touches. On a parfois l’impression que cela dure pendant longtemps et puis on se rend compte que c’est bien plus rapide que cela. C’est dû à l’intensité des émotions et des bouleversements vécus par les personnages.

On voit aussi comment l’alcoolisme prend petit à petit de l’ampleur et détruit certaines choses importantes.Le tabagisme n’est pas non plus oublié. Le travail aussi est une drogue qui modifie la vie.

C’est un roman agréable à lire car il y a plusieurs stades dans la mise en place de la déstabilisation émotionnelle, on croit qu’on arrive au bout et puis c’est comme si les personnages faisaient un pas en arrière.

On dirait que les personnages évoluent  en fonction d’une chorégraphie bien organisée.

Contrairement aux thrillers, on n’est pas dans l’exagération entre la lutte du bien contre le mal et c’est ce qui rend la situation si plausible et  angoissante insidieuse. Le titre va prendre une autre dimension à al fin du roman.

Je remercie les Éditions Michal Lafon pour m’avoir envoyé un exemplaire dédicacé par l’auteure !

musique dans la tête chro

Qui en parle ?

Mabiblio1988

Article précédemment publié sur Canalblog

Les mille talents d’ Eurídice Gusmão

Martha Batalha

Trad. du portugais (Brésil) Diniz Galhos

Éditions Denoël,  janv. 2017, 252 p., 19,90 €

Mes lectures Denoël

4e de couv. :

L’histoire d’Eurídice Gusmão, ça pourrait être la vôtre, ou la mienne. Celle de toutes les femmes à qui on explique qu’elles ne doivent pas trop penser. Et qui choisissent de faire autrement…

«Responsable de l’augmentation de 100 % du noyau familial en moins de deux ans, Eurídice décida de se désinvestir de l’aspect physique de ses devoirs matrimoniaux. Comme il était impossible de faire entendre raison à Antenor, elle se fit comprendre par les kilos qu’elle accumula. C’est vrai, les kilos parlent, les kilos crient, et exigent – Ne me touche plus jamais.
Eurídice faisait durer le café du matin jusqu’au petit déjeuner de dix heures, le déjeuner jusqu’au goûter de quatre heures, et le dîner jusqu’au souper de neuf heures. Eurídice gagna trois mentons. Constatant qu’elle avait atteint la ligne, cette ligne à partir de laquelle son mari ne s’approcherait plus d’elle, elle adopta à nouveau un rythme alimentaire sain.»

Mon Billet :

Comment chroniquer un livre qu’on a lu pratiquement d’une traite et qui nous a transporté dans son monde ?  Vous l’avez compris c’est un coup de cœur. C’est un livre dont vous entendrez parler !

J’ai tout de suite été attirée par la couverture et le synopsis.

Il s’en dégage une telle vitalité de ces illustrations aux couleurs flashy. Ajoutez à cela que l’histoire se déroule au Brésil et me voilà en partie conquise.  

Les auteurs brésiliens ont dans leur écriture une certaine lucidité sur la situation « réelle » de la population et on su développer une certaine autodérision par rapport à ce qu’ils vivent. Ils arrivent à trouver une fleur rare au milieu de la plus grande misère.

Le personnage de d’ Eurídice Gusmão m’a plu d’emblée. C’est une belle personne, un cœur pur. Elle ne se rend pas bien compte des répercutions positives de ce qu’elle entreprend. Elle trouve de bonnes raisons à tout ce qui lui arrive de bien ou de mal. C’est un personnage solaire, bien plus complexe qu’on ne l’imagine au début. Elle a un petit quelque chose d’Amélie Poulain mais involontairement. C’est comme si en se faisant du bien elle en faisait aux autres. On a envie qu’elle se révolte quand on lui met des bâtons dans les roues ou qu’on lui coupe l’herbe sous les pieds, mais en fait sa force réside dans le fait de passer à autre chose.

Dans un premier temps, on se dit que son marie est un sale macho, un méchant… Puis l’auteure nous montre son vrai visage sans sa carapace. Il n’est pas un « simple produit » de la société machiste, il est surtout porteur de fêlures. Ses failles au même titre que celles d’ Eurídice, font que Antenor se raccroche à des promesses. Ce sont des gens d’honneur. On se rendra compte qu’ils vont changer imperceptiblement.

Ce que j’aime aussi dans ce roman, ce sont les portraits de personnages qui traversent la vie d’ Eurídice qui sont développés au fur et à mesure qu’ils entrent en scène. Cette façon de placer la personne dans « sa généalogie » pour expliquer sa place actuelle dans ce microcosme. Ces digressions forment des bulles d’histoires dans l’histoire principale et l’enrichissent comme dans la vraie vie. Au fur et à mesure un petit monde se dessine et prend vie. On vibre aux rythmes de leurs aventures ou mésaventures, de leurs rêves ou de leurs désillusions.

La famille est au centre. C’est le noyau qu’il faut préserver à tout prix, quitte à garder des secrets et s’arranger avec la vérité.

Il y a un aspect qui m’a touché, c’est ce qui concerne l’entraide entre les gens dans le besoin et surtout dans le milieu féminin. Ainsi que cette façon de tisser des liens hors du cadre mère-enfant, mais bien de part les affinités électives, celles du cœur et de l’esprit, comme par exemple entre Guida et Filomène, Chico et sa tante.

Citation : « Tous ceux qui pouvaient aider aidaient, et dans un cas pareil, tout le monde pouvait, et tout le monde aida. »

Il y a des éléments que l’on va retrouver du début à la fin par intermittences. Le lecteur reste dans l’attente du prochain dénouement. Les personnages n’auront pas certaines réponses contrairement au lecteur.

On a parfois l’impression que de nouveaux chemins sont possibles, mais se sont de fausses pistes, alors que certains liens inattendus vont se développer. C’est là un beau travail d’écriture.

Les personnages évoluent au fur et à mesure que les années passent et que les événements s’enchaînent. Par contre pour ceux qui s’entêtent dans une vision négative des choses leur vie va rester « petite ».

Il y a de l’humour, même dans des moments graves. Et l’émotion est souvent au rendez-vous. C’est un roman feel good avec une grande richesse de sentiments.

J’ai adoré tous ces prénoms qui nous semblent exotiques : Eurídice, Antenor, Zélia, Filomena, Chico… cela chante dans notre tête.

Le roman débute avec une lettre au lecteur et se termine par une note de l’auteur, cela donne des éléments au lecteur sur la conception des personnages.  J’avoue que ce genre de petite attention me plaît.

Par moment, j’avais l’impression que d’autres auteurs nous accompagnaient tel Gabriel García Márquez, Jô Soares, Romain Gary, Maryse Condé, Jorge Amado, José Mauro de Vasconcelos et bien d’autres…

Je ne sais pas si j’ai répondu à ma question initiale, cependant j’espère vous avoir donné envie de le lire.

Je remercie les Editions Denoël pour cette belle lecture qui m’a émue.

kokeshi coup de coeur

Article précédemment publié sur Canalblog

Personne

Gwenaëlle Aubry

Mercure de France, 2009, 156 p

Prix Femina 2009

Couv :

« Personne » est le portrait, en vingt-six angles et au centre absent, en vingt-six autres et au moi échappé, d’un mélancolique. Lettre après lettre, ce roman-abécédaire recompose la figure d’un disparu qui, de son vivant déjà, était étranger au monde et à lui-même. De  » A  » comme  » Antonin Artaud  » à  » Z  » comme  » Zelig  » en passant par  » B  » comme  » Bond (James Bond)  » ou  » S  » comme  » SDF « , défilent les doubles qu’il abritait, les rôles dans lesquels il se projetait. Personne, comme le nom de l’absence, personne comme l’identité d’un homme qui, pour n’avoir jamais fait bloc avec lui-même, a laissé place à tous les autres en lui, personne comme le masque, aussi, persona, que portent les vivants quand ils prêtent voix aux morts et la littérature quand elle prend le visage de la folie.

Avis :

Ce récit soulève le problème de la construction d’une enfant en femme. A travers les histoires du père, c’est l’histoire de la fille. Quand l’inversion des rôles se produit c’est assez perturbant. On a un père qui reste bloqué dans une enfance alors que sa fille (ses filles) elles grandissent. Comment construire un foyer stable quand on a connu l’instabilité avec un homme de référence : son père. La fille a soutenu les extravagances de son père maniaco-dépressif qui de professeur à la Sorbonne devient SDF, pour ensuite refaire surface etc.

C’est un livre intéressant car il permet de se poser des questions. Comment le comportement de nos parents nous a influencé pour notre vie d’adulte… et comment à notre tour dans le rôle de parents nous engendrons un futur comportement.

Il y a un travail entre ses souvenirs et ses sentiments à elle et les écrits de son père. Écrits qu’elle a retrouvé après sa mort sous le titre : « le mouton noir mélancolique ». Titre qui résumé tout. Mouton noir de sa famille bourgeoise, mélancolique comme son état d’âme.

Il a passé une partie de sa vie à se créer un personnage selon sa phase pour devenir « Personne ». Pour chaque personnage une souffrance l’accompagnait. En devenant personne il voulait retrouver « une grande joie »…

Voilà un « roman » que je n’aurais pas acheté ni lu s’il ne m’avait pas été offert. J’ai voulu à tout prix le lire avant qu’il ne se perde dans mes étagères mais ce n’était pas le moment pour moi de descendre dans les méandres de ses vies de souffrance morale. C’est une lecture qui m’a coûtée mais je ne regrette pas, car il est toujours bon de se poser des questions. Je n’ai pas connu de personne ayant vécu ce genre d’expérience, ce récit reste donc assez théorique.

Par contre j’ai du mal à le conseiller. Le travail d’écriture est très intéressant, une histoire à deux voix. La parole est donnée au sujet. Gwenaëlle Aubry parle de récit romancé. Sa formation de philosophe n’y est pas sans doute pour rien. Elle dit qu’elle n’a pas trouvé la solution ni toutes les réponses à ses interrogations.

Article précédemment publié sur Canalblog