Un fils comme un autre

Eduardo Halfon

Trad David Fauquemberg

Éditions de la Table Ronde, 13octobre 2022, 200 p, 17,50

Mes Lectures de la Table Ronde

Rentrée littéraire 2022

4e de couv :

« Les histoires qui composent ce livre ont été écrites au cours des cinq dernières années, autrement dit les cinq premières années de la vie de mon fils. Comme toujours, elles ont surgi devant moi tels le chat ou le passant qui croisent ma route, mais le fait est que je marche et écris depuis cinq ans en tenant la main d’un petit garçon qui entre et sort de ces histoires, court se cacher dans l’une d’entre elles et va parfois jusqu’à me chuchoter les siennes. Un fils qui m’oblige désormais à écrire en tant que père. »
Eduardo Halfon

Mes impressions de lecture :

Ce recueil de nouvelles est une variation sur le thème de la paternité. Je ne vais pas vous parler de chaque nouvelles. Certains fils rouges parcourent certaines, d’autres semble compléter une autre. J’ai eu l’impression que cela formait un tout que cela tissais un mur d’images. Des fragments d’éclats dans des miroirs qui donnent une image en surimpression, une image augmentée.

La forme brève est une forme qui convient à l’écriture de Eduardo Halfon. Il sait y glisser des histoires et des émotions, des références culturelles et des questionnements.

La couverture de l’ouvra montre cette toute puissance paternelle, avec l’idée de porter son enfant à bout de bras.

C’est toujours un plaisir de retrouver la façon de raconter d’Eduardo Halfon, ce mélange d’autofiction et d’érudition qui nous parle des relations humaines, La famille et ses motivations.

On retrouve ses questionnements sur le pouvoir du père sur son enfant et sur la transmission. Prendre des décisions pour son enfant en réalisant que les conséquences sont irrémédiables comme « circoncision ou pas ? ». Il nous parle du poids des traditions familiales, de sa judéité.

Dans les nouvelles il est question du Guatemala, de son histoire récente. Sa famille qui est d’origine libanaise et qui a émigré dans ce pays. D’où peut-être l’importance des traditions juives qui font partie de son identité.

J’ai beaucoup Les références littéraires qui sont par exemple présentes dans la nouvelle « quelques secondes à Paris » comment des soucis de santé vont changer le cours des choses et modifier les projets de l’auteur. J’ai aimé les réflexions sur l’acte d’écrire et l’écriture.

Dans ces nouvelles parfois mélancoliques et nostalgiques la vie et la mort sont omniprésentes. Des émotions fortes.

Ces nouvelles donnent une impression d’intimité et de sentiments profonds chez le narrateur. Certaines scènes m’ont émue, des questionnements m’ont fait me poser des questions. Une nouvelle fois l’alchimie écrivain-lecteur à fonctionner.

J’ai aimé aussi voyager avec le/les narrateurs, avec cette impression de déracinement et de recherche de sens.

Vous commencez à savoir (ahahah !) combien le thème de l’eau m’est précieux alors imaginez mon intérêt lorsque j’ai retrouvé le l’histoire du fameux lac Guatémaltèque dont il nous avait déjà parlé dans « Deuil ». Ce n’est qu’un exemple sur le thème de l’eau.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance.

Canción

Eduardo Halfon

Trad. (espagnol) : David Fauquemberg

Éditions de la Table Ronde, 14 janv 2021, 170 p.

Mes lectures de la Table Ronde

4e de couv. :
Par un matin glacial de janvier 1967, en pleine guerre civile du Guatemala, un commerçant juif et libanais est enlevé dans une ruelle de la capitale. Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Un narrateur du nom d’Eduardo Halfon devra voyager au Japon, retourner à son enfance dans le Guatemala des années 1970 ainsi qu’au souvenir d’une mystérieuse rencontre dans un bar miteux – situé au coin d’un bâtiment circulaire – pour élucider les énigmes entourant la vie et l’enlèvement de cet homme, qui était aussi son grand-père.

Eduardo Halfon, dans ce nouveau livre, continue d’explorer les rouages de l’identité. En suivant à la trace son grand-père libanais, il entre avec lui dans l’histoire récente, brutale et complexe, de son pays natal, une histoire dans laquelle il s’avère toujours plus difficile de distinguer les victimes des bourreaux.

Mes impressions de lecture :

Je vous ai parlé en 2018 de « Duels », un roman qui m’a ta touché. C’est donc par cette autofiction que j’ai découvert cet auteur. En 2019 j’ai découvert une nouvelle « Halfon Boy ». Ces histoires sont des autofictions qui tournent autour de la famille et de la famille, avec à chaque fois des contours différents.

Dans « Canción », le narrateur va jouer avec différents espaces temporels. On commence dans le présent où il revit un voyage au Japon. Il a été invité à participer à des conférences sur la littérature libanaise. Son seul lien avec le Liban c’est son grand-père paternel. On va le suivre dans le cheminement de ses pensées que cette invitation va déclencher. On va découvrir le passé de son grand-père, puis son passé avec lui, puis le passé sans lui. De la légende familiale aux faits qu’il va découvrir au cours de son enquête et son besoin de retrouver les témoins encore vivants. On a des va et vient dans ces différents espaces.

En ce qui concerne ses différents temps le lecteur n’est pas perdu car ce roman c’est comme une longue conversation. Toutes les digressions de quelque type qu’elles soient ne font qu’enrichir le propos. Ce n’est pas un monologue, des personnages vont partager leur propre vécu. On a de scènes, des conversations qui se rajoutent à la quête.

Ces digressions forment des cassures qui rendent la narration encore plus « vivante ». Cela prête aussi lieu à des décalages qui mettent des touches d’humour.

Il y a un côté « surréaliste » lui un Guatémaltèque qui a vécu une partie de sa vie à New-York et en Europe, invité à parler du Liban. Lui-même se sent obligé de revêtir un vêtement arabe qui a appartenu à son grand-père et qui n’est pas vraiment à sa taille, comme pour se mettre dans la peau de son personnage.

Si l’histoire est émouvante et touchante, elle est racontée avec un ton un peu décalé du conteur. Mise à distance nécessaire pour ne pas tomber dans le pathos ?

Ce roman m’a beaucoup intéressé pour différentes raisons. Il entre dans le cadre de mes lectures sur le thème de la mémoire, mémoire familiale, et transmission de cette mémoire. ! d’autres part ce roman nous retrace à travers des petites histoires la grande Histoire. Cela commence par les changements de frontières. Le grand-père est né dans une ville qui faisait partie de la Syrie quelques années après cette ville se trouve au Liban. On n’imagine pas ce que cela peut avoir comme conséquences personnelles et internationales. Le grand-père a décidé qu’il était Libanais même si sur ses papiers il est né en Syrie donc considéré comme syrien.

Nous avons aussi l’Histoire du Guatemala dans les années 60 à nos jours. Là aussi le changement de régime change la donne pour sa famille.

Ce roman aborde aussi la thématique de l’exile, de la reconstruction, que l’auteur soit issu d’une famille juive nous renvoie à l’image du juif errant. Lui-même est né au Guatemala, est allé vivre à new York  etc avant de revenir au Guatemala.

 Racine et déracinements.

L’auteur est sans cesse en train de se questionner sur son histoire familiale et ici sur son grand-père.

Son voyage au Japon, pays où les ancêtres son honorés et on leur autel cela donne un autre sens.

Choc des cultures.

J’ai beaucoup aimé être dans la tête du narrateur qui est complètement en décalage avec le présent. Il joue e rôle de l’imposteur. Mais que vient-il faire ans cette galère ?

Une conférence sur le Liban et la littérature libanaise, lui qui n’a que son grand-père qui le rattache à cette terre. Il ne peut que parler de lui au grand étonnement de son auditoire qui n’a que ses bribes de son cheminement mental.

Je suis étonnée par tout ce que ce roman recèle en si peu de pages. Cela tient à la façon dont Eduardo Halfon maitrise l’art de l’ellipse.

Je vous laisse découvrir qui est Canción, ce qui va arriver au grand-père d’ Eduardo Halfon.

La thématiques des noms et surnoms joue un rôle.

A vous de suivre l’enquête personnelle de Eduardo Halfon.

Je me demandais comment cette histoire allait se terminer. Eh bien en un feu d’artifice. Plus la conférence va vers sa conclusion plus Eduardo Halfon monte dans les tours… Je ne vous en dis pas plus.

Je vous laisse découvrir la quête et les rencontres d’Eduardo Halfon qui donne lieu à une galerie de portraits hauts en couleur.

Je remercie les Éditions de la Table Ronde de leur confiance.

NB : En ce moment mois de janvier 2021, je participe (pas très activement) au mois de la littérature libanaise sur le blog de Maeve. Ce roman fait écho au sujet, je pense qu’elle va le chroniquer.

Halfon, boy

Edouardo Halfon

Trad. de l’espagnol : David Fauquemberg

Éditions de la Table Ronde, coll. La nonpareille,10 oct. 2019, 48 p., 4,50 €

Mes lectures La Table Ronde

halfon boy

4e de couv. :
Faut-il traduire les coquilles, les erreurs, les incohérences d’un texte? Doit-on être fidèle aux mots de l’auteur ou à ses idées? Sait-on être père ou apprend-on à le devenir? Les allergies et les névroses sont-elles héréditaires? La fin de la littérature est-elle l’utilité ou bien la beauté?
Ces questions taraudent Eduardo Halfon alors qu’il traduit l’œuvre du poète et romancier William Carlos Williams et que la naissance de son fils approche.
À l’image de Williams qui s’adressait à son père lorsqu’il rencontrait un problème littéraire, Halfon se confie à son fils. «Je me demande, Leo, s’il n’y aurait pas un point commun entre le processus par lequel on se transforme en père et celui par lequel on se fait traducteur ; entre le fait d’imaginer comment notre enfant devient peu à peu notre enfant, et celui d’imaginer comment les mots d’un autre deviennent progressivement les nôtres.»
Nouvelle inédite en France, Halfon, boy est le récit infiniment tendre et poétique d’un questionnement que l’écrivain, en parlant à son fils, s’adresse à lui-même.

Ma chronique :

J’avais eu un coup de cœur pour son roman « Deuils » qui était rentré en résonance avec ma vie. Depuis je n’ai pas eu l’occasion de lire (ni en français, ni en espagnol) une autre de ses œuvres. Alors vous pouvez imaginer ma curiosité lorsque j’ai vu paraître cette nouvelle inédite.

Je trouve la couverture de ce livre magnifique, ces deux mains disent tant de choses.

J’ai retrouvé ce qui m’avait dans sa façon de mettre en scène sa vie.  Dans cette autofiction, il nous fait part de son expérience pour devenir père d’un petit être.

On a donc cet enfant imaginé, idéalisé dans le ventre de la maman qui de la taille d’un grain de raisin va se transformer en « Halfon boy » avec tout ce que le narrateur a projeté de lui, son autre lui version bébé.

Pendant ce temps on le suit dans un autre travail de création et de gestation, celui de traducteur d’un poète-médecin. Il va trouver des coïncidences, des signes, des parallèles. On voit le cheminement pour devenir père avec cette part qu’un ne maîtrise pas, qu’il intellectualise et en parallèle la traduction la plus juste possible.

Il est encore question de frontières, d’ailleurs, d’intégration, de langue.

Les références littéraires sont nombreuses, elles font partie de sa façon de raconter le monde

Cette forme brève permet d’une une nouvelle fois de mettre en avant les relations familiales, filiales qui font partie de sa quête personnelle.

On lit souvent des histoires sur le fait de  devenir mère mais plus rarement le fait de devenir père.

J’espère lire d’autres romans de cet auteur, car cette nouvelle confirme que j’ai beaucoup d’affinités avec ce qu’il écrit.

Je remercie les édition de la Table Ronde de leur confiance.

table ronde
RL19

Qui en parle ?

Maeve

Du même auteur : « Deuils »