Parle tout bas

Elsa Fottorino

Mercure de France, 19 août 2021, 155 p., 15 €

Mes Lectures Mercure de France

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2021

4e de couv. :

En 2005, la narratrice a dix-neuf ans quand elle est victime d’un viol dans une forêt. Plainte, enquête, dépositions, interrogatoires : faute d’indices probants et de piste tangible, l’affaire est classée sans suite. Douze ans après les faits, à la faveur d’autres enquêtes, un suspect est identifié : cette fois, il y aura bien un procès.
Depuis, la narratrice a continué à vivre et à aimer : elle est mère d’une petite fille et attend un deuxième enfant.
Aujourd’hui, en se penchant sur son passé, elle comprend qu’elle tient enfin la possibilité de dépasser cette histoire et d’être en paix avec elle-même
Elsa Fottorino livre ici un roman sobre et bouleversant, intime et universel, qui dit sans fard le quotidien des victimes et la complexité de leurs sentiments.

Mes impressions de lecture :

Lorsque j’ai reçu ce livre, j’ai fait un pas en arrière. Le sujet est délicat, et je n’aime pas trop les « témoignages » sur ce thème là. Puis j’ai réfléchi qu’il s’agissait d’un roman de Mercure de France. Et effectivement on n’est pas dans le cru et la surenchère.

Il est marqué « roman » sur la couverture du livre, mais on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre la narratrice et l’autrice. Je ne connais pas Elsa Fottorino, alors est-ce de l’auto-fiction ou de la fiction ?

La narratrice parle de « l’évènement » pour parler de ce viol, ce mot violent est utilisé pour parler d’autres victimes. Le sujet est traité avec délicatesse (je ne trouve pas de mot) comme pour les autres victimes  et elle même. Lorsqu’elle fini par évoquer l’acte elle dit juste ce qu’il faut pour qu’on comprenne sans heurter personne.

Ce qui m’a plu dans ce roman c’est qu’il ne suit pas une chronologie linéaire, on ne se perd pas dans les repères temporels. Il y a avant et il y a après… mais dans ces deux espaces il y a tellement de questionnements. Douze ans

Ce qui m’a marqué c’est ce temps qui rattrape la narratrice. Elle avait enfoui ce traumatisme et voilà qu’on lui demande de le faire resurgir. J’ai eu l’image d’un élastique, c’est comme si elle avait avancé en tirant sur cet élastique accroché à cet instant T et que d’un coup d’avoir trouvé le coupable coupait ce point de départ et que tout lui revenait à la fois en faisant des boucles.

On lui a appris depuis toujours à être discrète, se taire et ne pas faire de vague parce que c’est une fille et il y a aussi le milieu dans lequel elle évolue. Elle a continué à se forger la carapace qui la protège. Elle en deviendrait froide et « insensible ». On joue tous un rôle alors pourquoi pas celui-ci si ça lui évite les questions.

J’ai beaucoup aimé la délicatesse avec laquelle elle parle de toutes les victimes d’agression en ayant conscience que chaque une attitude différente en fonction de paramètres personnels, il n’y a pas une bonne ou une mauvaise façon de réagir et de survivre (ou pas).

J’ai aussi remarqué qu’il y a beaucoup de scènes présentes où la lumière est omniprésente, comme si elle voulait tendre vers plus de lumière dans sa vie, sortir de l’obscurité ce secret pour enfin vivre pleinement.

Ma crainte d’être dans la position du lecteur voyeuriste s’est vite évanouie pour mon grand soulagement.

Il me faudra lire d’autres romans d’Elsa Fottorino pour découvrir son univers littéraire.

Je remercie les Éditions Mercure de France de leur confiance.

Personne

Gwenaëlle Aubry

Mercure de France, 2009, 156 p

Prix Femina 2009

Couv :

« Personne » est le portrait, en vingt-six angles et au centre absent, en vingt-six autres et au moi échappé, d’un mélancolique. Lettre après lettre, ce roman-abécédaire recompose la figure d’un disparu qui, de son vivant déjà, était étranger au monde et à lui-même. De  » A  » comme  » Antonin Artaud  » à  » Z  » comme  » Zelig  » en passant par  » B  » comme  » Bond (James Bond)  » ou  » S  » comme  » SDF « , défilent les doubles qu’il abritait, les rôles dans lesquels il se projetait. Personne, comme le nom de l’absence, personne comme l’identité d’un homme qui, pour n’avoir jamais fait bloc avec lui-même, a laissé place à tous les autres en lui, personne comme le masque, aussi, persona, que portent les vivants quand ils prêtent voix aux morts et la littérature quand elle prend le visage de la folie.

Avis :

Ce récit soulève le problème de la construction d’une enfant en femme. A travers les histoires du père, c’est l’histoire de la fille. Quand l’inversion des rôles se produit c’est assez perturbant. On a un père qui reste bloqué dans une enfance alors que sa fille (ses filles) elles grandissent. Comment construire un foyer stable quand on a connu l’instabilité avec un homme de référence : son père. La fille a soutenu les extravagances de son père maniaco-dépressif qui de professeur à la Sorbonne devient SDF, pour ensuite refaire surface etc.

C’est un livre intéressant car il permet de se poser des questions. Comment le comportement de nos parents nous a influencé pour notre vie d’adulte… et comment à notre tour dans le rôle de parents nous engendrons un futur comportement.

Il y a un travail entre ses souvenirs et ses sentiments à elle et les écrits de son père. Écrits qu’elle a retrouvé après sa mort sous le titre : « le mouton noir mélancolique ». Titre qui résumé tout. Mouton noir de sa famille bourgeoise, mélancolique comme son état d’âme.

Il a passé une partie de sa vie à se créer un personnage selon sa phase pour devenir « Personne ». Pour chaque personnage une souffrance l’accompagnait. En devenant personne il voulait retrouver « une grande joie »…

Voilà un « roman » que je n’aurais pas acheté ni lu s’il ne m’avait pas été offert. J’ai voulu à tout prix le lire avant qu’il ne se perde dans mes étagères mais ce n’était pas le moment pour moi de descendre dans les méandres de ses vies de souffrance morale. C’est une lecture qui m’a coûtée mais je ne regrette pas, car il est toujours bon de se poser des questions. Je n’ai pas connu de personne ayant vécu ce genre d’expérience, ce récit reste donc assez théorique.

Par contre j’ai du mal à le conseiller. Le travail d’écriture est très intéressant, une histoire à deux voix. La parole est donnée au sujet. Gwenaëlle Aubry parle de récit romancé. Sa formation de philosophe n’y est pas sans doute pour rien. Elle dit qu’elle n’a pas trouvé la solution ni toutes les réponses à ses interrogations.

Article précédemment publié sur Canalblog