La cité diaphane

Anouk  Faure

Éditions Argyll, 3 février 2023,

Mes lectures Argyll

4e de couv. :

Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.
Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.
Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.

Mes impressions de lecture :

Le titre et la couverture sont déjà une invitation à découvrir cette cité diaphane. Les illustrations en noir et blanc, d’Anouk Faure, sont comme le prolongement de ce qu’on visualise en lisant le texte.

Dès le début j’ai été captivée par la narration. Je retrouve un personnage d’archiviste, depuis quelques temps des personnages exerçant ce notre métier croisent ma route de lectrice ! D’autre part il est question dès le début du thème de l’eau et si vous me suivez vous savez que c’est un thème que j’affectionne.

Si l’eau est un élément important dans cette histoire, l’aspect minéral (c’est quand même le nom du lieu !) est omniprésent avec ces lignes verticales de cette cité qui jadis jailli de l’eau pour s’élancer vers le ciel. Lorsqu’on relie cela à l’aspect « religieux » de cette histoire on sent la cohérence dans la création de cet univers fantastique.

Anouk Faure a su planter de décor, on est dans un lieu qui est sensé être abandonné à cause d’une malédiction qui a empoisonné l’eau. Il reste un forgeron et le gardien un peu fou de la source qui elle n’est pas encore contaminée. On a un décor gothique et les couleurs de la couverture sont très évocatrices. Cela m’a fait penser aux contes gothiques avec des personnages cachés derrière de mystérieuses portes, des entrées dérobées, un palais en déliquescence. La frontière entre raison et déraison voire de folie est bien mince.

Lorsque notre Archiviste arrive pour écrire les dernières lignes de cette cité, il est précédé par une guerrière religieuse qui veut purifier les lieux. On a deux visions diamétralement opposées ce qui rend le début de cette aventure très intéressante.

J’ai aimé tout ce qui touche au visible et invisible. Des ombres, des lieux sombres, des apparences trompeuses, d’autres qui surgissent furtivement. Chacun est porté par sa mission mais aussi par son passé.

Les scènes de combat révèlent certaines choses enfouies, au-delà de la force et de la volonté. La loyauté est au cœur de cette histoire. Cela peut décupler les forces ou resté figé de peur de détruire et trahir.

Entre la lutte entre le bien et le mal, est rendue plus complexe par ces parts d’obscurité. À un moment j’ai pensé au « monde sans fin » lorsque le palais de l’impératrice se détruit petit à petit parce qu’on ne croit plus à ce monde.

Ce que j’ai aimé dans ce roman c’est qu’on n’est pas dans un univers où arrive des cœurs purs et tout est résolu après quelques épreuves. C’est autre chose. Je ne peux vous en dire plus sans dévoiler certaines choses.

Je vous souhaite de belles découvertes.

Je remercie les éditions Argyll de leur confiance.

Une immense sensation de calme

Laurine Roux

Éditions du sonneur, 2018, 121 p., 15 €

4e de couv. :

Alors qu’elle vient d’enterrer sa grand-mère, une jeune fille rencontre Igor. Cet être sauvage et magnétique, presque animal, livre du poisson séché à de vieilles femmes isolées dans la montagne, ultimes témoins d’une guerre qui, cinquante ans plus tôt, ne laissa aucun homme debout, hormis les « Invisibles », parias d’un monde que traversent les plus curieuses légendes.
Au plus noir du conte, Laurine Roux dit dans ce premier roman le sublime d’une nature souveraine et le merveilleux d’une vie qu’illumine le côtoiement permanent de la mort et de l’amour.

Mes impressions de lecture :

J’ai découvert cette autrice en début d’année avec « Sanctuaire », puis elle fut invitée sur VLEEL et ses interviews en ligne, j’achetais alors « une immense sensation de calme » et enfin je lui ai brièvement parlé à la comédie du livre où m’a dédicacé « Une immense sensation de calme ». Nous avons parlé entre de son roman « l’autre moitié du monde » dont je n’étais pas prête à le lire à cause du sujet.

J’adore la couverture des éditions du sonneur, cette forêt dans la brume. On imagine le silence et l’isolement.

Cette histoire m’a fait penser à Carole Martinez. Cette façon ne mêler les «légendes » locales, la magie qui émane de la nature et l’influence sur l’avenir de ses personnages.

On note encore la forte présence de la nature et des forces qu’elle insuffle. Si les hommes en apparence détiennent la force physique ce sont les femmes qui ont le pouvoir de donner la vie et détiennent le pouvoir de guérison.

Il est question de premier amour qui tourne souvent au drame. Les êtres sont attirés l’un vers l’autre envers et contre tout. Chacun a un rôle à jouer dans la survie.

Il est beaucoup question de terre et d’eau… de cycles dictés par la nature, les saisons et la lune.

Avec la thématique de la vie et de la mort nous avons évidement le sang qui joue un rôle important.

La violence est omniprésente, ne serais-ce que la rudesse de la terre. L’animalité et la vie sauvage sont à fleur de terre, fleur de peau.

Nous sommes dans un pays de l’Est, j’ai pensé à la Sibérie par le froid extrême et tout ce qui touche au Grand oublie après la guerre.

Tout est économisé même les mots et gestes. J’ai eu tendance à appeler ce roman le grand silence. La sensation de calme est toute relative.

On retrouve la faune et la flore, la nature sous toutes ses formes réelles ou mythiques.

Un roman bref et intense.

Challenge VLEEL : Une autrice reçue à VLEEL,

Challenge 15 K #20.Premier baiser : un livre avec un premier amour

Un long voyage

Claire Duvivier

Aux Forges de Vulcain, mai 2020, 314 p., 19 €

Cadeau d’anniversaire

long voyage

4e de couv. :

Issu d’une famille de pêcheurs, Liesse doit quitter son village natal à la mort de son père. Fruste mais malin, il parvient à faire son chemin dans le comptoir commercial où il a été placé. Au point d’être pris comme secrétaire par Malvine Zélina de Félarasie, ambassadrice impériale dans l’Archipel, aristocrate promise aux plus grandes destinées politiques. Dans le sillage de la jeune femme, Liesse va s’embarquer pour un grand voyage loin de ses îles et devenir, au fil des ans, le témoin privilégié de la fin d’un Empire.
Dans ce conte merveilleux, relatant une vie entière avec un art consommé du suspense, et un talent inouï pour mêler humour et lyrisme, naît une nouvelle voix majeure de la fantasy.

Ma chronique : Coup de cœur

Dans un premier temps on va suivre l’ascension de jeunes gens chacun d’un groupe « ethnique » différent et de milieu diamétralement opposé. Le tout dans le milieu des fonctionnaires.
Puis, un grand bouleversement positif aura lieu pour chacun, adultes ils vont repartir pour certains de zéro. Fin d’un temps début d’un autre. Le temps de l’amour.
Ce qu’on pourrait considérer comme la troisième partie correspond à la maturité pour certains.
En même temps que les personnages vivent des expériences, des drames, naissances et morts, la société en vit aussi dans sa structure.
C’est un roman à la première personne Liesse raconte à Gémétous sa hiératique. Je n’ai compris qui elle était qu’à la fin donc je n’en dirais pas plus.
On a des thématiques sociales et politiques tout au long de l’évolution. Selon qui parle les points de vue vont changer. Il y est question de classes ou de castes, de différences,  que l’on soit riche ou pas que l’on soit l’occupant ou l’occupé la vie sera différente… sujets éternels. Exil volontaire ou subit…
Entre le début et la fin on voit réapparaître un statut qui n’est sensé plus exister. Abus de la faiblesse et de la détresse. On se dit qu’on finit un cycle et qu’il des dirigeants vigilants pour ne pas retomber dans de vieux travers. Frontière fragile…
Il y a aussi un fil rouge, celui de la langue, celle du dominé et celle du dominant, celle de l’oral et celle de l’écrit.
L’histoire, les légendes et la mémoire. En parlant de mémoire, j’ai beaucoup aimé que Liesse (le narrateur) rappelle à son interlocutrice qu’il lui racontant les faits en essayant de se mettre dans la position qu’il avait à l’époque, enfant, adolescent, garçon de course, secrétaire, homme amoureux…
On ne peut pas dire que Liesse  ait eu une vie facile et qu’il soit sorti « d’affaire ». Question de Karma ?
Ce roman nous parle du temps, là non plus je ne peux développer sans dévoiler car c’est une des clés de lecture. Ce que je peux dire c’est que ces « variations temporelles » on les retrouve dans la narration et l’écriture. On découvre certaines « histoires » mais pas forcément au moment où on les attend. Liesse joue avec des confidences pour ménager un certain suspens et pour intégrer d’autres réflexions. On a ainsi une impression de chronologie en temps réel.
La thématique de l’eau (ma petite passion) est très présente puisqu’il est question de mers, de fleuves etc… je me suis régalée !
Quand à la place des femmes elle est bien mise en valeur.
J’ai retrouvé dans ce roman des thématiques que j’ai appréciées  récemment dans deux romans fantasy d’Emmanuel Chastellière : « L’empire du Léopard » et « Piste des Cendres », ce qui a accru mon plaisir de lecture.
« Un long voyage » est un roman que j’ai dévoré, un coup de cœur, car on est vite pris dans le tourbillon des différentes destinées. Sous couvert de fantasy il y a beaucoup d’échos avec la réalité.
« Un long Voyage » c’est ce que va faire mon exemplaire entre de bonnes mains.

Il ne me reste plus qu’à attendre le prochain roman de Claire Duvivier… en 2021

kokeshi coup de coeur

empire leopard
piste cendres

Dans les eaux du lac interdit

Hamid Ismaïlov

Traduit de l’anglais par Héloïse Esquié

Éditions Denoël, coll Y, 20 Août 2015, 128 p., 12€

Mes lectures Denoël

4e de couv. :

Un voyageur anonyme a pris place à bord d’un train pour un interminable voyage à travers les steppes kazakhes. Le train s’arrête dans une toute petite gare et un garçon monte à bord pour vendre des boulettes de lait caillé. Il joue Brahms au violon de manière prodigieuse, sortant les passagers de leur torpeur. Le voyageur découvre que celui qu’il avait pris pour un enfant est en fait un homme de vingt-sept ans. L’histoire de Yerzhan peut alors commencer… 

À travers ce conte envoûtant, l’auteur nous livre une parabole glaçante sur la folie destructrice des hommes et la résistance acharnée d’un jeune garçon qui voulait croire en ses rêves.

Auteur :

Né en 1954, Hamid Ismailov est un journaliste et écrivain ouzbek. Il a vécu en Russie, en France et en Allemagne avant de s’installer à Londres avec sa famille, où il dirige le service Asie centrale de la BBC.

Ma chronique :

J’ai choisi aussi ce livre pour son titre qui laisse présager bien des choses…

La couverture du livre, avec ces fleurs étranges, prend tout son sens dès que l’on ouvre le livre… un lieux exposé aux tests nucléaires…

« Cette histoire commença d’une manière on ne peut plus prosaïque. Je traversais les steppes immenses du Kazakstan en train. Le voyage durait depuis quatre nuits. » Dès les premières lignes le décor est posé. Le narrateur ne fait que traverser, il n’est pas un habitant du lieu. On a un regard externe, ce regard va aller vers l’autre et vers ses terres hostiles. On est au rythme d’un train, de façon à ce que le lecteur s’imprègne de l’atmosphère du lieu et nous préparer à cette rencontre improbable comme seul les voyages peuvent en procurer.

Les trains les rails comme fil conducteur, une belle façon de parler du temps et de la mémoire. Tantôt on regarde vers l’avant et tantôt vers l’arrière, le présent ne dure que quelques instants puisque l’on ai en mouvement. Le narrateur d’aujourd’hui se rappelle une rencontre qui elle nous renverra plus de vingt ans avant. Avec des va et vient de façon a garder les pieds sur terre.

Le décor est assez spectaculaire et je crois que le plus loin où je suis allé dans mes voyages littéraires c’est en Sibérie avec Michel Strogoff, c’est certainement le train qui m’y fait aussi penser pour le reste ça n’a rien à voir puisqu’on est surtout dans les années 1950-1989 (rien de très précis).

Nous allons suivre l’histoire de deux familles coincées dans une gare perdue. On a un huis clos parfois ouvert sur les autres, les liens entre les habitants sont très entremêlés et complexes, des non-dits vont être mis à jour. La musique est très présente, des instruments à corde, des notes sur des portées encore des lignes.

Ce court roman est assez sombre, parfois violent mais c’est présenté sans pathos. Les loups (à deux pattes ou à quatre) rodent encore sur les chemins, ces peurs ancestrales (dévoration et enlèvements) viennent se rajouter à des peurs actuelles et réelles (pollution nucléaire et mutation). On est dans une autre culture, une autre époque, certaines images peuvent nous heurter.

La culture des autres est assimilée sans chercher à comprendre, notamment en musique.

Pour ceux qui explorent l’idée de la mémoire dans la littérature ce roman. Comme je le disais plus haut nous avons plusieurs strates de passé, mais le regard aussi change. Le narrateur qui raconte son enfant se remet dans le regard de l’époque, on a donc un changement de focale.

C’est un roman très littéraire dans la construction, il y a un travail de construction avec un peu l’idée des portes qui s’ouvrent et qui se ferment dans les wagons du train ou de la mémoire.

On peut aussi simplement y lire la vie de cette population dans un milieu contaminé avec tout le travail de propagande qui a permis d’exploiter des gens au nom de la modernité.

Mais pourquoi pas juste s’arrêter l’observation du mécanisme qui met en place des relations entre gens de plusieurs générations dans un milieu coupé du monde.

C’est un livre riche puisqu’il permet d’avoir plusieurs niveaux de lecture.

Je remercie les Éditions Denoël pour m’avoir permis de découvrir cet auteur ouzbek en avant-première.

1% rentrée 2015

NB : un coïncidence littéraire… je venais de terminer la lecture de « La revanche de l’écrivaine fantôme » qui débute aussi dans un train !