Confession amoureuse

Chiyo Uno

Trad. : Dominique Palmé et Kyôkô Satô

Éditions Denoël, coll; Empreinte, janv 2019, 260 p., 16€

Nouvelle éditions.

Mes Lectures Denoël

4e de couv. :

Je vous attendrai demain soir, entre six heures et six heures et demie, à la sortie de la gare Sendagaya. J’aurai dans les cheveux une fleur artificielle, une rose rouge…
Joji, un célèbre artiste japonais, reçoit un matin ces quelques mots d’une inconnue. Il n’y prête d’abord pas attention, mais la même lettre insistante revient chaque jour. Vaguement intrigué et certainement flatté, Joji finit par se rendre au rendez-vous.
Il y rencontre Takao, une jeune femme passionnée et déterminée à passer la nuit avec lui. D’abord effrayé par cette attitude, comparable selon lui à celle d’un homme, le peintre cède à Takao, qui finira par disparaître aussi mystérieusement qu’elle est apparue…
Glissée dans la peau d’un homme, la romancière se joue de notre don Juan pour mieux en révéler les faiblesses et les travers. Publié pour la première fois dans les années trente, cette Confession amoureuse est un roman d’une indéniable modernité.

Ma chronique :

Pauvre homme ! Victime de son cœur d’artichaut !

Ce roman à la première personne m’a agréable surprise. Peut-être ai-je été influencée par la couverture ou le fait que ce soit une femme qui ait écrit cette histoire dans les années 30. Je m’attendais à une histoire et c’est une autre, parfois on à des a priori. Peut-être est-ce le fait que ces derniers temps on a une tendance à voir des hommes prédateurs, allez savoir… On pourrait croire qu’on a affaire à un Dom Juan mais pas du tout, il se définit comme un « coureur à l’occidental » cependant le comportement des jeunes japonaises a changé depuis sont départ.

J’ai parfois souri, car ce personnage à l’art de se mettre dans des situations où il joue le rôle du dindon de la farce. Il est plus souvent qu’à son tour agaçant, imbu de sa petite personne et on a envie de le secouer un peu. Il a un petit côté vaniteux, on lui fait facilement croire qu’il est irrésistible. Il n’a pas de chance en amour, on se joue de lui. Tel une allumette il s’enflamme rapidement et se consume d’un coup. Il y a des scènes assez rocambolesques où là j’ai vraiment rit. Le ton  sarcastique donne à la narration un côté léger alors qu’elle aborde des sujets graves (mariages arrangés, honneur, et suicide).

Chiyo Uno s’est amusée à changer les rôles hommes/femmes habituellement employés. Ici ce n’est pas la demoiselle qui tombe en pâmoison. Quand l’intensité émotionnelle est à son paroxysme il perd conscience et laisse au destin ou aux autres régler les problèmes.

Ce qui a attiré aussi mon attention c’est son côté enfant prodigue. C’est un peintre qui revient d’Occident après des années, il est accueilli par la presse, il est reconnu comme artiste, ce qui vous le verrez lui jouera des tours ou le sauvera au choix. On découvre aussi par là que la presse écrite avait un certain poids. Son côté « étranger » va contribuer à son manque de connaissance des lieux, on a plusieurs scènes où on le sent perdu dans son propre pays et pas seulement dans les jeux amoureux.

Nous sommes dans l’entre deux guerre, mais en même temps il y a un côté intemporel. La place des transports nous montrent un pays avec des infrastructures ferroviaires, routière (voitures, bus et taxi) et maritime. C’est un pays en mouvement qui nous est proposé, un pays moderne avec des activités économiques importantes … et à travers ce personnage et ses aventures on est dans le monde de l’amour courtois et de l’honneur, les filles sont soumises aux diktats familiaux tout en ayant une certaine marge de manœuvre pour le faire tourner en rond.

Le thème de la mort est aussi présent que ce soit le suicide par dépit amoureux, l’accident de voiture ou autre, elle ponctue les événements et correspond souvent à la fin d’une histoire.

Je vous laisse donc découvrir les mésaventures de se séducteur du dimanche…

Je remercie les Éditions Denoël pour leur confiance.

Qui en parle ?

Sur la Route de Jostein

Article précédemment publié sur canalblog

Les mille talents d’ Eurídice Gusmão

Martha Batalha

Trad. du portugais (Brésil) Diniz Galhos

Éditions Denoël,  janv. 2017, 252 p., 19,90 €

Mes lectures Denoël

4e de couv. :

L’histoire d’Eurídice Gusmão, ça pourrait être la vôtre, ou la mienne. Celle de toutes les femmes à qui on explique qu’elles ne doivent pas trop penser. Et qui choisissent de faire autrement…

«Responsable de l’augmentation de 100 % du noyau familial en moins de deux ans, Eurídice décida de se désinvestir de l’aspect physique de ses devoirs matrimoniaux. Comme il était impossible de faire entendre raison à Antenor, elle se fit comprendre par les kilos qu’elle accumula. C’est vrai, les kilos parlent, les kilos crient, et exigent – Ne me touche plus jamais.
Eurídice faisait durer le café du matin jusqu’au petit déjeuner de dix heures, le déjeuner jusqu’au goûter de quatre heures, et le dîner jusqu’au souper de neuf heures. Eurídice gagna trois mentons. Constatant qu’elle avait atteint la ligne, cette ligne à partir de laquelle son mari ne s’approcherait plus d’elle, elle adopta à nouveau un rythme alimentaire sain.»

Mon Billet :

Comment chroniquer un livre qu’on a lu pratiquement d’une traite et qui nous a transporté dans son monde ?  Vous l’avez compris c’est un coup de cœur. C’est un livre dont vous entendrez parler !

J’ai tout de suite été attirée par la couverture et le synopsis.

Il s’en dégage une telle vitalité de ces illustrations aux couleurs flashy. Ajoutez à cela que l’histoire se déroule au Brésil et me voilà en partie conquise.  

Les auteurs brésiliens ont dans leur écriture une certaine lucidité sur la situation « réelle » de la population et on su développer une certaine autodérision par rapport à ce qu’ils vivent. Ils arrivent à trouver une fleur rare au milieu de la plus grande misère.

Le personnage de d’ Eurídice Gusmão m’a plu d’emblée. C’est une belle personne, un cœur pur. Elle ne se rend pas bien compte des répercutions positives de ce qu’elle entreprend. Elle trouve de bonnes raisons à tout ce qui lui arrive de bien ou de mal. C’est un personnage solaire, bien plus complexe qu’on ne l’imagine au début. Elle a un petit quelque chose d’Amélie Poulain mais involontairement. C’est comme si en se faisant du bien elle en faisait aux autres. On a envie qu’elle se révolte quand on lui met des bâtons dans les roues ou qu’on lui coupe l’herbe sous les pieds, mais en fait sa force réside dans le fait de passer à autre chose.

Dans un premier temps, on se dit que son marie est un sale macho, un méchant… Puis l’auteure nous montre son vrai visage sans sa carapace. Il n’est pas un « simple produit » de la société machiste, il est surtout porteur de fêlures. Ses failles au même titre que celles d’ Eurídice, font que Antenor se raccroche à des promesses. Ce sont des gens d’honneur. On se rendra compte qu’ils vont changer imperceptiblement.

Ce que j’aime aussi dans ce roman, ce sont les portraits de personnages qui traversent la vie d’ Eurídice qui sont développés au fur et à mesure qu’ils entrent en scène. Cette façon de placer la personne dans « sa généalogie » pour expliquer sa place actuelle dans ce microcosme. Ces digressions forment des bulles d’histoires dans l’histoire principale et l’enrichissent comme dans la vraie vie. Au fur et à mesure un petit monde se dessine et prend vie. On vibre aux rythmes de leurs aventures ou mésaventures, de leurs rêves ou de leurs désillusions.

La famille est au centre. C’est le noyau qu’il faut préserver à tout prix, quitte à garder des secrets et s’arranger avec la vérité.

Il y a un aspect qui m’a touché, c’est ce qui concerne l’entraide entre les gens dans le besoin et surtout dans le milieu féminin. Ainsi que cette façon de tisser des liens hors du cadre mère-enfant, mais bien de part les affinités électives, celles du cœur et de l’esprit, comme par exemple entre Guida et Filomène, Chico et sa tante.

Citation : « Tous ceux qui pouvaient aider aidaient, et dans un cas pareil, tout le monde pouvait, et tout le monde aida. »

Il y a des éléments que l’on va retrouver du début à la fin par intermittences. Le lecteur reste dans l’attente du prochain dénouement. Les personnages n’auront pas certaines réponses contrairement au lecteur.

On a parfois l’impression que de nouveaux chemins sont possibles, mais se sont de fausses pistes, alors que certains liens inattendus vont se développer. C’est là un beau travail d’écriture.

Les personnages évoluent au fur et à mesure que les années passent et que les événements s’enchaînent. Par contre pour ceux qui s’entêtent dans une vision négative des choses leur vie va rester « petite ».

Il y a de l’humour, même dans des moments graves. Et l’émotion est souvent au rendez-vous. C’est un roman feel good avec une grande richesse de sentiments.

J’ai adoré tous ces prénoms qui nous semblent exotiques : Eurídice, Antenor, Zélia, Filomena, Chico… cela chante dans notre tête.

Le roman débute avec une lettre au lecteur et se termine par une note de l’auteur, cela donne des éléments au lecteur sur la conception des personnages.  J’avoue que ce genre de petite attention me plaît.

Par moment, j’avais l’impression que d’autres auteurs nous accompagnaient tel Gabriel García Márquez, Jô Soares, Romain Gary, Maryse Condé, Jorge Amado, José Mauro de Vasconcelos et bien d’autres…

Je ne sais pas si j’ai répondu à ma question initiale, cependant j’espère vous avoir donné envie de le lire.

Je remercie les Editions Denoël pour cette belle lecture qui m’a émue.

kokeshi coup de coeur

Article précédemment publié sur Canalblog