Les gratitudes

Delphine de Vigan

Éditions JC Lattès, 2019 , 173 p., 17 €

Existe en livre de Poche, 2020, 7€20

Dans ma médiathèque il y a…

gratitudes

4e de couv. :
«  Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un mot. Je travaille avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences. 
Et la peur de mourir.  
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m’étonner, ce qui me sidère même, ce qui encore aujourd’hui, après plus de dix ans de pratique, me coupe parfois littéralement le souffle, c’est la pérennité des douleurs d’enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s’efface pas.  »

 
Michka est en train de perdre peu à peu l’usage de la parole. Autour d’elles, deux personnes se retrouvent  : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé  de la suivre.

Ma chronique :

J’ai eu le plaisir de retrouver l’univers de Delphine de Vigan.

Les relations humaines avec le besoin d’aider l’autre. Donner et recevoir.

La maladie cette fois-ci c’est Alzheimer.  Les mots sont au cœur de ce roman ceux qu’on dit et ceux qu’on tait.

Le texte se divise entre plusieurs « je » bien identifié en début de chapitre. Celui de « Marie » l’amie de Michka et « Jérôme » l’orthophoniste de Michka.

Comme le titre l’indique il s’agit de « gratitudes », dire merci aux gens pendant qu’ils sont vivants. Leur dire « je t’aime » et leur dire la place importante dans leur chemin de vie, d’avoir été là au moment crucial.  La mort plane non loin…

On va découvrir à travers les discussions que Marie ou Jérôme ont eux aussi des failles et des blessures.

On retrouve l’idée de la gamine qui voit son enfance volée par ses parents. Heureusement Michka a été là pour l’épauler. Comme elle-même avait été aidée enfant pendant la deuxième guerre mondiale. Il y a l’idée de donner aux autres ce qu’on a reçu.

J’aime beaucoup les personnages comme Michka qui savent se faire aimer et ne pas être aigris par leur passé.

Elle est très touchante avec les mots qui s’échappent, on la voit souffrir de « perdre ses mots ». Delphine de Vigan a su glisser suffisamment de mots à la place d’un autre pour qu’on soit dans le thème sans pour autant rendre la lecture difficile. Delphine de Vigan une nouvelle fois a su jouer avec les mots. Pudique est l’adjectif qui me vient à l’esprit lorsqu’elle nous dévoile ces êtres dans leur intimité.

Un roman bref et intense avec une grande place aux dialogues. J’aime beaucoup la couverture de la jaquette. Le coquelicot signifie dans le langage des fleurs : « D’une part, il est le symbole du repos, de la quiétude et de la consolation. Il calme les chagrins et favorise l’oubli. » mais aussi « la fertilité »

Ce roman confirme que j’aime toujours la façon  dont Delphine de Vigan a de raconter des vies simples en montrant leurs singularités.

Article précédemment publié sur Canalblog

Sur ce blog :

No et moi

Rien ne s’oppose à la nuit (prochainement)

D’après un histoire vraie (prochainement)

Les loyautés

Les Loyautés

Delphine De Vigan

Audiolib, 2018, 4h, 18,50 €

Existe en Livre de Poche, août 2019, 192 p., 7,20 €

Dans ma Médiathèque il y a…

les loyautés

4e de couv. :

« Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d’innommable susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révélerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même ce démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ? »

loyauté poche

 Ma chronique :

Un roman qui donne la parole à deux femmes et deux ados. Les chapitres portent le nom de la personne qui parle. On suit les drames présents et en fonction du personnage. On a des réminiscences du passé. Le substrat qui explique les réactions assez fortes face à ce qui se passe au présent. Les autres personnages n’apparaissent qu’à travers les dialogues et le récit de ceux qui parlent.

Les couples vont mal. Un couple divorcé. Un couple en rupture. Une célibataire. On a le point de vu des femmes. Ce qu’elles interprètent et ce qu’elles ressentent.

Ce roman est très structuré, on sent presque les fils tendus qui lient une histoire à l’autre.

Les points de jonctions sont Théo complètement à la dérive et Mathis qui se laisse entrainer.

Alcoolisme, la violence physique et psychologique, dépression. On voit les conséquences sur les enfants (même ceux devenus adultes).

Le secret, les non-dits, protéger le parent, le copain… les fameuses loyautés qui déclenchent les mécanismes de protection.

Il faut briser les chaînes qui se mettent en place comme la culpabilité,  la honte…

On sent monter les tensions. Ils vont frôler, voir, passer la ligne rouge.

Tous n’ont pas un interlocuteur pour s’exprimer… un prof, un ami, un psy parfois ils se parlent à eux même.

Ce n’est qu’en écrivant cette chronique que je réalise que ce roman joue sur les mêmes thèmes qui caractérisent l’univers littéraire de Delphine de Vigan. Des personnages écorchés vif, des adultes qui ont dû mal à vivre et à protéger leurs enfants.

Le monde des apparences va éclater. Il y aura un avant et un après sans retour possible en arrière.

La fin nous laisse sur des possibles. Comment va terminer la nuit. Pour la suite, c’est le lecteur qui va l’imaginer en fonction de sa propre histoire familiale.

Dans la version audio, j’ai apprécié les trois voix qui permettent de bien passer d’un personnage à l’autre. Les personnages masculins lus par Olivier Martinaud et les personnages féminins par Odile Cohen et Marie Bouvier.

J’ai dû réécouter deux fois le dernier chapitre car on reste dans l’attente. Une fin qui nous laisse pantois. On voudrait savoir ce qui va se passer après.

Article précédemment publié sur Canalblog

D’après une histoire vraie

Delphine de Vigan

Lu par Marianne Epin

Audiolib,  nov. 2016, 8h5, bonus, 21,90 €

4e de couv. : « Tu sais parfois, je me demande s’il n’y a pas quelqu’un qui prend possession de toi. » « Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais croiser. » Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s’aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction.

Ce livre audio a reçu le Prix Audiolib 2016.

Mon avis :

J’ai découvert l’écriture de Delphine de Vigan il y a 5 ans avec « Rien ne s’oppose à la nuit » qui m’avait bouleversé. Puis, j’ai lu « No et moi » et j’ai continué à être chamboulée par les sujets de l’intime qu’elle développe. Et cette impression que ces personnages sont ses doubles. Alors quand est paru « D’après une histoire vraie » j’étais curieuse de voir la tournure que cela prendrait. De fil en aiguille, il aura fallu que je gagne la version audio pour que je replonge dans son univers. Après avoir écouté la version audio, j’ai relu des passages du livre, je n’ai pu m’empêcher de prolonger le moment avec le livre écrit pour relever des citations.

Je devais tricoter alors c’était le moment idéal pour me laisser envelopper par la douce voix de Marianne Epin.  La comédienne avec son ton très posé avec es intonations adéquates a su entrer dans le texte, il y a presque une mise en abîme L. prenant la place de Delphine la narratrice, et Marianne Epin prenant la place de L. et de la narratrice. Elle a notamment su marquer la différence entre « L. »et « elle ». C’était aussi très touchant l’entretien à la fin du CD où Mariane Epin interview Delphine de Vigan. Delphine de Vigan revient sur le sujet de son roman à savoir la fiction et le travail d’écriture.

Je suis surtout lectrice de fiction et je rencontre souvent des  lecteurs qui ont du mal à réaliser que la fiction n’est pas la réalité surtout quand les faits semblent si « vrai » alors imaginez quand la narratrice prend quelques traits de son auteure ! Les gens prennent les choses au pied de la lettre.

Delphine de Vigan joue avec cette ambigüité, notamment en nommant son compagnon qui est médiatiquement connu, François Busnel. L’auteure parle d’une Delphine auteure qui a connu un succès avec son précédent livre qui parle de sa famille…

Cette histoire en trois parties nous plonge de plus en plus dans les méandres de l’esprit. Delphine voulant partir vers la fiction pure et L. la poussant vers une histoire vrai, une mise à nue publique et sans filtre.

On peut écouter, ou lire cette histoire sans avoir lu le roman précédent puisque ce sont deux histoires distinctes mais il y a une certaine continuité. Avec les éléments donnés dans celui-ci on aura qu’une envie aller lire le précédent pour comprendre qu’est-ce qui a pu causer ce burn-out (fictif).

Ce deuxième roman est présenté comme la conséquence du premier roman « Rien ne s’oppose à la nuit » nous laisse avec une narratrice exsangue, fragilisée par la mort de sa mère et tout ce que cela a éveillé en elle  après avoir parlé notamment des problèmes psychologiques de sa mère. Un ombre plane, celle de l’hérédité possible. Lorsqu’elle vit ses événements étranges dans « d’après une histoire vraie » on est enclin à se demander si elle ne va pas basculer dans la folie. Heureusement, Delphine situe son histoire après, elle jette un regard en arrière pour essayer de comprendre l’origine du problème.

Cet être étrange qui petit à petit envahi son espace physique et mental, semble vouloir se substituer à Delphine l’héroïne.

L’histoire est raconté à postériori, alors on présume quelle s’en ai sortie de cette situation cauchemardesque mais à quel prix et dans quel état.

Ce qui m’a plu c’est le travail sur l’écriture, sur les observations de ses propres réactions face à ce qu’elle vit, ce qu’elle ressent et  ce qu’elle subit.

Lorsque L. énumère les livres qui sont dans la bibliothèque, j’avais l’impression d’entre la liste de certains des livres que j’ai, que je veux lire ou que j’ai lu. C’est donc un roman qui laisse une trace des lectures qui ont marqué ces dernières années. Bien entendu, on a envie d’aller se plonger dans tous ces titres pour essayer de voir ce qu’elles ont vu L. et Delphine.

Sans trop dévoiler l’histoire, ces énumérations ont un rôle dans l’intrigue, ce n’est pas juste citer pour citer.

On a donc le sujet de l’écriture qui est développé dans ce roman mais aussi celui des influences de la littérature.

Cela va paraître présomptueux mais parfois j’avais l’impression de m’entendre penser par moment ce personnage de Delphine. Elle a un je ne sais quoi dans ses auto-analyse et se observations qui me correspondent bien. On a certaines interrogations en commun… sauf que c’est beaucoup plus clair et construit que ce que je peux penser.

Les petits jingles musicaux accentuent l’ambiance assez sombre.

Je pense que vous l’aurez compris c’est un coup de cœur.

Je remercie les Editions Audiolib pour ce cadeau.

No et Moi

Delphine de Vigan

LP, 250 p, 2007.

LU DANS LE CADRE D’UNE LECTURE COMMUNE LIVR@DDICT 

ROMAN PROPOSE PAR SPOON

No et moi

4e de couv :

Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d’amour, observe les gens, collectionne les mots, multiplie les expériences domestiques et les théories fantaisistes. Jusqu’au jour où elle rencontre No, une jeune fille à peine plus âgée qu’elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigué, No dont la solitude et l’errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin.
Mais nul n’est à l’abri…

Ma chronique :

Un roman fort. Décidément, l’univers et l’écriture de Delphine sont très marqués.

Le fait d’avoir lu « Rien ne s’oppose à la nuit », je croyais que ça m’avait préparé à ce roman antérieur mais en fait non. Il y a des effets miroirs, mais l’émotion est différente.

On y retrouve les gens en décalage avec la réalité. Je n’ai pu m’empêcher de faire de parallèles entre ses deux romans.

Dans « No et moi » je retrouve  un peu cet oncle qui avait tellement souffert qui n’est jamais arrivé à s’intégrer à sa famille adoptive. Avec une tendance à l’autodestruction. On y retrouve une mère à « l’ouest ». Le monde de l’alcool et des médicaments. Les interrogations sur les  liens familiaux.

« Une mère peut-elle ne pas aimer son enfant ? » Se demande Lou.

On a des enfants  protégés et d’autres livrés à eux même. On a des liens parent/enfants inversés.

Lors des présentations on a « Lou Bertignac » et « No » d’entrée de jeu on a un nom identifié et un diminutif. Deux positions dans la société.

Lou Bertignac a beau avoir un QI de 160 et avoir une certaine maturité dans la conversation elle est quand même une enfant.

Lou Bertignac, la narratrice est aussi en souffrance. Elle a perdu sa petite sœur et une part de sa maman. Cette aventure va la faire grandir et lui faire toucher une autre douleur.

C’est un roman d’apprentissage, un roman initiatique. No a eu un répit … Lou apprend à être une ados comme les autres.

Les personnages sont touchants, fragiles et malheureux.

C’est un tableau « réaliste » assez sombre.

J’ai beaucoup aimé la retranscription de ce qui se passe dans la tête de Lou, la narratrice.

Ce roman m’a vraiment touché.

Article précédemment publié sur canalblog

Rien ne s’oppose à la nuit

Delphine de Vigan

Éditions JC Lattès, 2011, 440 p., 20 €

4 ième de couv :

« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire. 
La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence. 
Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. » 

Dans cette enquête éblouissante au cœur de la mémoire familiale, où les souvenirs les plus lumineux côtoient les secrets les plus enfouis, ce sont toutes nos vies, nos failles et nos propres blessures que Delphine de Vigan déroule avec force.

Chronique : 

On entre dans une écriture de l’intime, où certains aspects sont mis en lumière. La narratrice est bien consciente qu’elle écrit sur des personnes réelles qui deviennent  des personnages recréés.

On y retrouve le thème de la mémoire dans comme dit la narratrice « une construction narrative » (p. 151) avec toute la subjectivité que cela implique.

A travers la vie de Lucille, on a une vision de trois générations de femmes, entre force et fragilité. On assiste à des tableaux familiaux et à travers eux on a une vision de la France.

Ce roman est intéressant pour le travail sur l’écriture. Les questionnements sur les raisons qui poussent à écrire et à sa façon d’écrire.

L’acte de création fait partie intégrante du roman : l’origine du projet, la gestation, la maturation, la concrétisation avec ses qualités et ses défauts.

On a progressivement la narratrice qui entre dans l’histoire en tant que protagoniste. Puis peu à peu, elle s’interroge sur les conséquences sur son avenir. On se construit avec des failles et des fêlures qu’on comble mais qui parfois sont mises à jours par des circonstances inattendues.

La mère disparue  n’a pas résolu les problèmes existants.

A travers l’histoire de la mère, la narratrice voit son propre parcours.

J’ai bien aimé les références à ses lectures qui apportent de l’eau à son moulin, ou encore l’évocation d’un de ses romans dont elle dévoile la genèse.

Quant à la place des autres personnages, c’est-à-dire les autres membres de la famille et amis, la narratrice se préoccupe de ce qu’elle peut dire ou non et comment. Mais, chacun porte en lui sa vérité, sa vision des évènements. Comme il y a un avant et un après la vie de Lucile il y aura je pense pour chacun un avant et un après ce livre. Elle prend parfois des gants et semble prévenir les protestations. Quand est-il aujourd’hui ? il faudra que j’écoute les interviews de l’auteure.

Une question n’a pas été posée : la bipolarité est-elle héréditaire ? Je ne connais pas la réponse, mais deux femmes de la même famille ont été frappées par cette souffrance. A aucun moment Delphine ne se pose la question pour elle ou ses enfants.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui aborde des thèmes que j’affectionne, et qui nous mets face à des questions qu’on se pose tous quand on fait un travail sur soi.

Un roman émouvant qui interpelle le lecteur qui aime s’interroger sur son passé.

Lu grâce au concours du Lycée Arago de Perpignan.

Article précédemment publié sur Canalblog