Juanita

Simone Gélin

Éditions Cairn, Du noir au Sud, février 2023, 471 p.

Mes lectures du Cairn

4e de couv. :
Juanita a vraiment existé. Ce livre retrace son parcours dans une société machiste (mais en pleine mutation, secouée par les mouvements contestataires de 68, et l’émergence d’un élan féministe), et son incroyable ascension dans le milieu de la prostitution de l’époque. Elle grandit aux capucins, quartier espagnol de Bordeaux. Passionnée de football, elle devient l’égérie des Girondins.
Pour échapper à la morosité de son existence, elle fréquente les bars mal famés de Bordeaux, où se rencontrent, la nuit, après les matchs, les joueurs, des prostituées de luxe, la police, et des personnalités du showbiz. Elle y retrouve l’ambiance des films de gangsters qui la passionnent.
Sa beauté, son tempérament, sa générosité, comme en témoignent ceux qui l’ont approchée, sa volonté de s’arracher à la pauvreté, de s’émanciper, sa rébellion contre l’ordre établi et la fatalité, son puissant goût de vivre, et sa quête éperdue de vérité et d’amour en faisaient une personne fascinante, qui ensorcelait tous ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin.

Mes impressions de lecture :

J’aime beaucoup cette collection « du noir au Sud » des éditions Cairn, c’est le premier roman de Simone Gélin que je lis, d’avoir lu les romans d’autres auteurs qui se déroulent à Bordeaux j’avais l’impression de connaître le coin.

Juanita est un personnage très intéressant. C’est un roman qui joue sur deux temps. Tantôt les années 60 et celles qui ont suivi et aujourd’hui, tantôt pendant la guerre en Serbie et aujourd’hui. Le lecteur en sait plus que Léa, la narratrice de la partie actuelle. Le lecteur fait donc le lien entre ses périodes passées avec le présent. On a des faits historiques qui viennent jouer un rôle dans ces histoires.

Avec la découverte d’un corps sous la terrasse en 2022, c’est comme si le passé s’invitait dans le présent. Cela va soulever de nombreuses questions.

On est sur le thème comment sortir de la pauvreté et de sa situation sociale. On va rencontrer des personnes qui ont réellement existé et qui ont choisi le grand banditisme et le proxénétisme. La Corse, Marseille et Bordeaux vont mêler leur route. L’autrice s’est très bien documentée et elle a su nous transmettre toutes ces tranches de vie.

C’était très intéressant les liens entre les chapitres à la troisième personne qui nous parlent du passé et à la première personne avec Léa. Il y avait comme des effets miroir, n’ont pas que ce que Juanita a vécu elle le vit… C’est plus une sorte de thématique. Il y a comme des échos, on par exemple la guerre, chacun choisissant son camps en son âme et conscience, les parents de Juanita et la guerre civile espagnole, Salim et les massacres entre croates et serbes, la seconde guerre mondiale entre maquisards et collabos. Savoir choisir son camp pour mieux s’en sortir ou par conviction personnelle, de cela dépendra votre avenir.

Je parle de faire des choix mais ce n’est pas toujours facile, comment par exemple sortir d’une lignée ? Comment faire lorsque la vie ne vous laisse pas trop de choix ? Comment faire lorsqu’on a mis le doigts dans l’engrenage ?

La famille est aussi une des thématiques de ce roman. De Juanita et sa mère veuve, de Luis et sa famille sans histoire à la famille de Toussaint, l’écart est grand.

Il est aussi question d’amour, tout dépend de quel amour on parle. Les personnages vont faire des choix… jusqu’où va t-on par amour ?

C’était très prenant de lire tous ces différents parcours de vie. L’autrice à su jouer avec les montées en intensités avec les conséquences de certains décisions.

Le jour et la nuit, lumière et obscurité deux univers avec toutes les variations, hommes d’affaire ayant pignon sur rue et belle villa et affaires louches et violence. Attirance et répugnance chacun en fonction de son point de vue va avoir des réactions différentes. Simone Gélin va nous montrer une société est corrompue à tous les niveaux sociaux.

Un roman noir avec une ambiance très polar dans la monde de la nuit et des trafiques en tout genre. Un roman très prenant avec ses différentes histoires et les interrogations de certains personnages.

Je pense que d’avoir lu « Nuit américaine » Pierre Réhov en début d’année cela a aussi fait écho à cette lecture.

Je remercie les Éditions Cairn de leur confiance.

Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales

Kââ

Éditions de la Table Ronde, La petite Vermillon, mars 2018, 286 p., 8,90 €

Mes lectures de la Table Ronde

il ne faut pas

4e de couv. :
«Kââ est de retour ! Et aussi, bien entendu, le héros qu’il avait mis en scène dans La Princesse de Crève. Rappelons que ce personnage des années 80, sans nom, sans attache sinon dans le milieu mortifère des voyous de tout acabit, traverse son époque dans une traînée sulfureuse et violente.
Dans Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et bestiales, ce cow-boy solitaire en Jaguar XJ6 Sovereign se rend en province à l’enterrement d’un truand et tombe sur un ami d’enfance devenu flic. Ce n’est pas de chance parce que le héros voit son bienheureux anonymat menacé…»
Jérôme Leroy.

Ma chronique :

La première éditions date de 1985.

Je vous parlais l’autre jour (cliquez) de mes motivations à lire les rééditions de certains titres des années 80. Je ne vais pas recommencer, je vous laisse aller voir.

Kââ est un auteur que je ne connaissais pas, je découvre son écriture et son univers, est-ce que le reste de son œuvre est à l’avenant, mystère…

Ce que je peux dire,  c’est que je me suis régalée avec ce roman. C’est très bizarre d’écrire cela quand l’histoire est truffée d’horreurs en tout genre… les amateurs de polars et autres livres policiers comprendrons. Ne connaissant pas l’auteur j’ai pris un risque…

Le narrateur est un gangster (braqueur) très recherché. Il a un côté touchant avec son code de l’honneur et une bonne dose d’autodérision. Il va à l’enterrement d’un vieux truand et tombe nez à nez avec un ancien copain d’école devenu flic et qui est d’humeur collante. D’autre part un autre bandit à assisté à cette rencontre. Pas bon pour sa réputation tout cela. De là vont découler une tonne d’em***** . On se dit immédiatement qu’il a la poisse et qu’il va se faire prendre dans les mailles du filet…

Après cet instant on va avoir un effet domino avec une escalade dans les degrés des catastrophes. Plus ça va et plus le narrateur va descendre en enfer. Comment tout cela va se terminer pour lui et les autres ? C’est tout l’intérêt de ce livre, savoir comment l’auteur va conclure…

Tout le long, il s’interroge sur ses motivations. Le truand devient enquêteur, c’est un comble ! et le chasseur devient le chassé… Mais que diable allait-il faire sur cette galère !

On va avoir droit à une galerie de portraits très pittoresques des gens du milieu, bandits, flic etc… sans parler des noms qu’ils portent.

Le narrateur n’a pas de nom, il joue avec des identités toutes plus fausses les unes que les autres, une seule fois son prénom apparaîtra. On devine un peu son pedigree, une aura de mystère l’entoure, ce qui augmente son charme…

Les rôles masculins ne sont pas très reluisants, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Quand aux femmes qui entourent ce n’est guère mieux…, la rivalité, la cruauté, la trahison,  l’honneur et l’amitié, peut de place pour l’amour…

Tout ce petit monde a plus ou moins des cadavres cachés dans les placards. Un personnage m’a étonné  quant à ses motivations, j’ai eu des doutes tout le long… une ambigüité plane… je n’en dis pas plus.

Il y a un côté film avec Belmondo, des courses poursuites sans cascadeurs, charmeur et grand seigneur les poches pleine de billets…

On est dans les années 80 pas de doute. Il écoute des cassettes de Renault, Léonard Cohen et quelques autres…

Dans les restaurants c’est fruits de mer, tournedos Rossini, crêpes flambées etc…  Vins, champagnes, Cognacs et bourbon pas de loi Evin. Quand au tabac c’est partout et part tous temps.

Le sexe, le sida n’a pas encore fait les ravages…

Quand à l’argent, on y retrouve les devises principales (Francs, francs suisses et dollars) et le vocabulaire inhérent.

Au niveau des véhicules, c’était très amusant de revoir toutes ses modèles et leur connotation. Sans parler des excès de vitesse point de radars fixes…

Pour les amateurs d’armes à feu, vous avez toute la panoplie  avec leurs caractéristiques et celles de leurs munitions.

J’ai eu du mal à lâcher cette histoire car je voulais  découvrir les tenants et les aboutissants de toutes ces situations rocambolesques. Il y a un suspens qui tiens le lecteur en haleine. On attend le feu d’artifice final avec curiosité. Ça canarde à tout va. L’intrigue est bien ficelé même si parfois cela frôle la caricature, c’est aussi le charme de ce genre littéraire.

La presse écrite et la radio se faisait l’écho de ces faits divers sanglants. La tv n’est pas présente.

Ce qui m’a marqué, c’est la présence de la beauté qui est mise en évidence par le narrateur. Cela fait face à toute la noirceur d’univers. Il confronte la beauté physique et la corruption de l’âme.

Paris et ses beaux quartiers avec derrière les façades des êtres abjects.

Le narrateur déteste Paris et il nous montre la déshumanisation de l’urbanisation.

La pureté côtoie la souillure. Cela concerne les décors, les situations ou les personnes.

Le narrateur est conscient de ce qu’il est de ce qu’est sa vie etc. mais ont sent au fur et à mesure qu’il perd des illusions.

L’idée de paradis perdu, de fin d’une époque m’a accompagné.

Nous sommes dans un polar des années 80, il y a donc des idées politiques, des attitudes qui marquent bien l’époque. Il y a aussi quelques références à la guerre d’Algérie et les horreurs qui y sont liées. Il y est question d’écoutes téléphoniques, de RG, de portraits-robots etc. On sent aussi dans les techniques policières ne sont pas aussi poussées qu’aujourd’hui. La technologie ne permet pas de recouper les renseignements.

Je vous disais en début de chronique que je prenais un risque, par exemple  celui de trouver le roman vieilli et daté. En fait tout le côté année 80 c’est plutôt un certain portrait (imaginé ?!) d’une époque. Est-ce dû à mon âge ? peut-être…

Je vous souhaite une bonne lecture.

Je remercie les Editions de la Table Ronde et La Petite Vermillon pour leur confiance.

table ronde