Requiem pour une apache

Gilles Marchand
Éditions Aux Forges de Vulcain,  août 2020, 414 p., 20 €

Mes lectures Aux Forges de Vulcain
Rentrée Littéraire automne 2020

requiem

4e de couv.:
Jolene n’est pas la plus belle, ni forcément la plus commode. Mais lorsqu’elle arrive dans cet hôtel, elle est bien accueillie. Un hôtel ? Plutôt une pension qui aurait ouvert ses portes aux rebuts de la société : un couple d’anciens taulards qui n’a de cesse de ruminer ses exploits, un ancien catcheur qui n’a plus toute sa tête, un jeune homme simplet, une VRP qui pense que les encyclopédies sauveront le monde et un chanteur qui a glissé sur la voie savonneuse de la ringardisation.

Mes impressions de lecture :

Lorsqu’on débute une histoire de Gilles Marchand on se demande où il nous entrainera, dans quel confins de la littérature il nous emportera… On sent dans chaque histoire qu’il raconte un brin de nostalgie et de souvenirs, un soupçon de tendresse et de passion, quelques pincées de rêverie et de poésie, quelques notes de musique,  quelques gouttes de malice et d’humour, quelques rasades d’équité et de tolérance… mais d’un roman à l’autre et d’une nouvelle à l’autre le mélange épicé varie et les dosages aussi…

Nous allons faire un bond dans le temps et nous embarquer pour un voyage dans les années 60 jusqu’au début des années 80 à Paris. Bien entendu avec le voile narratif les teintes sont passées par le prisme de l’imagination de l’écrivain.

Des souvenirs d’enfance à ceux de l’âge adulte d’une ribambelle de personnages qui ont traversé ces années-là avec des difficultés émotionnelles.

L’écriture de Gilles Marchand est souvent qualifiée de « musicale » avec de nombreuses références musicales et une play-list qui identifie chaque personnage… A chaque pause lecture j’écoutais le morceau cité. Dans la composition du texte il y a des passages qui ressemblent à des ritournelles grâce à des répétitions, des anaphores (et autres variantes). Il y a aussi des passages qui font penser à des refrains où le narrateur reprend les idées déjà développées. Le fait que le narrateur soit un ancien chanteur et musicien explique aussi c’est jeux avec les sonorités dans la manière de raconter.

Je suis sûre qu’avec une lecture à haute voix on se rendrait encore plus compte de la rythmique. Une étude plus poussée mettrait en évidence d’autres procédés littéraires et rhétorique.

J’ai bien aimé retrouver le style qu’on retrouve dans l’écriture de Gilles Marchand, comme par exemple l’énumération. Par exemple on va passer de la présentation détaillée des personnages principaux à une liste de personnages à peine esquissés. Là aussi j’ai pensé à des chansons.

Les instruments de musique jouent un rôle dans la narration dans le passé ou le présent… de la guitare à l’harmonica… de la musique à la musique de film il n’y a qu’un pas pour les références cinématographiques qui sont très importantes pour la narration.

On comprend d’entrée que cela ne peut que mal finir. Il y a des tournures de phrases qui préparent le lecteur… Un exemple d’entrée le narrateur nous parle de « légende » et de la dimension « d’héroïne ». Il dit aussi « si nous avions su » « si nous avions fait ceci ou pas fait cela »…

Si l’idée d’un lieu qui accueille les éclopés de la vie pourraient faire penser à un roman feel good, oublié cette idée tout de suite. Ici cela va se compliquer dès l’arrivée d’un nouveau personnage qui porte en lui une colère qui n’est pas apaisée. Jolène va créer involontairement un déséquilibre dans cette stabilité précaire. Ils étaient dans le renoncement, la résignation face à la société. Pas dans la résilience juste l’acceptation et le besoin de devenir invisibles.

La vie des personnages principaux est introduite après une sorte de résumé de ce qui se passe au présent. On a ainsi des ruptures entre le passé et le présent.

Plus avant dans la narration, on verra à travers le récit du narrateur que les personnages vont se raconter entre eux. Entre ce que lui dit d’eux et ce qu’eux disent d’eux-même on sent la différence de perspective.

Le réel merveilleux fait aussi partie des histoires de Gilles Marchand, on a ici des « dérives » avec entre autre les personnages d’Alphonse et de Gérard. Cela ajoute à la poésie déjà présente dans la narration.

On retrouve aussi la thématique du handicap physique ou mental, celui qui isole ou met l’humain au ban de la société, c’est une thématique récurrente dans l’œuvre de Gilles Marchand. La « Dignité »  est une des préoccupations importantes dans ces écrits.

Il explore tout ce qui peut mettre l’Homme à part, que ce soit les différences au niveau économique, social ou culturel. Ajoutez à cela le passage par la case « prison ».

La situation «intellectuelle » explique que les personnages n’est pas pris la mesure du drame qui se joue autour d’eux. Ils ne se rendent pas compte de la portée de leurs paroles et de leurs actes. Ils vont être dépassés par les événements puisqu’il n’y a aucune stratégie, ils ont dans l’émotionnel.

Le personnage de Jolène prenant le leadership d’un groupe d’homme m’a fait penser Joanna de « Et j’abattrais l’arrogance des Tyrans » de Marie-Fleur Albeker avec toutes les différences que les deux héroïnes malgré présentent.

Que l’histoire se transforme en drame est compensé par l’idée qu’ils ont repris courage, qu’ils ont repris pendant quelques instant leur vie en main, ou comme dit Gilles Marchand « ils se sont rappelés qui pouvaient être debout».

Ce roman aborde de nombreux sujets comme par exemple celui de l’identité. Que ce soit dans le regard de l’autre que dans le nom que l’on porte.

J’ai aussi noté l’utilisation des sens pour exprimer des sentiments. L’odeur de « Suzanne » le côté tactile avec « Alfonse » l’ouïe avec la musique (entre autre) la vue avec le regard artistique, le regard intérieur et le regard que s’échangent les personnages…. cela donne « corps » à  quelque chose impalpable

Je vous en parlerai encore longtemps car c’est un roman très riche en thématiques mais je préfère vous laisser découvrir avec votre sensibilité.

A chaque fois que je lis un roman de Gilles Marchand je le trouve encore meilleur que le précédent mais ils ne sont pas comparables car ils sont différents chacun à sa singularité et son charme. A chaque fois c’est mon préféré !

Vous l’aurez compris c’est un coup de cœur, maintenant il me reste plus qu’à attendre le prochain roman.

Maintenant que je vous ai parlé du texte sans vous dévoiler les différents rebondissements et l’histoire je vais partager avec vous des histoires de lectrice…

NB : j’ai trouvé des clins d’œil à certains romans des éditions Aux Forges de Vulcain. Le plus évident grâce au poème de Louis Aragon « A crier dans les ruines » … J’ai fait le lien avec le roman d’Alexandra Koszelyk qui porte aussi ce nom.

J’ai aussi remarqué  le titre d’un autre roman que je n’ai pas lu « Incivilités fantômes » de Rivers Solomon.

Je vous souhaite une bonne lecture.

kokeshi coup de coeur
kokeshi rentree

Mes anecdotes de lectrice :

Un jour sur Facebook, je découvre que Gilles Marchand et son éditeur David Meulemans étaient invités à la librairie Torcatis à Perpignan le 25 septembre, à une heure de chez moi. Ni une ni deux je trouve quelqu’un pour me remplacer à la médiathèque. J’entoure la date sur le calendrier… partage l’info… une vrai fan ! une gamine…ce qui amuse mon entourage… J’assume

J’ai filé acheter le roman et le lire avant la rencontre !

Avec ma meilleure amie que j’ai embarquée dans l’aventure nous étions devant la librairie avant l’heure…  Bien sûr le train de Gilles Marchand à eu du retard à cause de perturbations climatiques… Comme pour donner à cette rencontre un côté « réalisme magique » comme pour marquer cette venue. un vent terrible a abîmé les caténaires.

J’avais écris le brouillon de ma chronique avant la rencontre pour ne pas me laisser influencer. Pendant cette rencontre où un médiateur nous a exposé l’histoire et a posé des questions pertinentes notre duo auteur-éditeur nous a livré quelques anecdotes et réflexions autours des sujets abordés dans le roman. Puis les lecteurs se sont aussi exprimés. C’était très intéressant d’entre ce que les autres lecteurs attentifs avaient à dire des romans de Gilles Marchand et les réponses des deux intervenants. Cela m’a paru court car les échanges étaient très agréables et drôles, et intéressants. Ce genre de rencontre permet de se poser des questions sur notre lecture et sur le travail d’écriture. Confronter son regard avec les acteurs du livre est enrichissant.

Il a été question de roman social ou/et politique, et de la place de l’humain au centre de l’histoire. C’est un aspect que je n’ai pas développé dans mes impressions de lecture car je ne suis pas trop calée sur ces sujets là.

Les lecteurs ont aussi fait référence à la musique et de poésie… entre autres sujets. Un autre roman de Gilles Marchand a fait forte impression «Une bouche sans personne ».

Une lectrice a fait mention du fait que les personnages bougent assez peu et restent dans cette pension. Je n’ai pu répondre car une autre lectrice a enchainée avec une autre question. Je voulais dire que pour moi le mouvement se fait entre le passé et le présent à travers leurs souvenirs et leurs déplacements plutôt passé vers l’a venue comme aboutissement. La pension est comme un cocon maternel. Ce qui aurait rejoint mon intervention sur la question d’identité et de renaissance.

Mon humble contribution à la discussion portait sur le fait que les personnages étaient présentés par des surnoms. Ces noms qui vous qualifient plus justement que les prénoms de naissance que nos parents nous donne avant de nous connaître. Comme une deuxième naissance à l’âge adulte. Gilles Marchand m’a fait remarquer que c’est le narrateur et sa subjectivité  qui nous parle des personnages et de leur surnom. «le nom est en rapport avec la sphère familiale et le surnom est en rapport avec la société»  «le surnom apparaît avec le collectif».

J’ai beau suivre Gilles Marchand et David Meulemans sur les réseaux sociaux et lors de  leurs d’interviews retransmises c’est autre chose d’être là, présente et à l’écoute. C’est comme pour ma chronique ci-dessus j’aurai aimé prolonger la discussion ! J’ai un partenariat informel depuis 7 ans avec les Forges de Vulcain cette rencontre est un prolongement de nos échanges.

C’est dans cet échange qu’on se rend compte qu’on ne parle pas tous de la même façon d’un même roman chacun va mettre en avance certaines sujets qui l’on marqué.

J’ai été heureuse de les voir en « vrai », c’était comme continuer une discussion commencée à l’écrit.

Gilles Marchand a même joué le jeu en se faisant photographier avec mon « avatar », ma kokeshi !

Je vous conseille donc si vous en avez la possibilité d’aller les rencontrer.

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Nos chevaliers masqués très attentifs …

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bouche sans personne
funambule
mirages plein les poches

2 réflexions au sujet de « Requiem pour une apache »

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