Michèle Forbes
Trad. Anouk Neuhoff
Editions de la Table Ronde, Quai Voltaire, 2019, 440 p, 23,50 €
Mes lectures de la Table Ronde

Belfast, 1906. Edith tombe follement amoureuse d’Oliver, un illusionniste ambitieux qu’elle croise un soir de fête trop arrosée et retrouve le lendemain sur scène, où elle doit l’accompagner au piano. Mais c’est sur la jetée de Dun Laoghaire, bien des années plus tard, que s ‘ouvre le roman. Edith y attend, avec sa fille, le bateau qui les emmènera en Angleterre et contemple à regret le pays où elle laisse son mari après avoir tout tenté pour le sauver de ses démons et le soutenir à une époque où le music-hall pâtit de l’arrivée du cinéma.
Ma chronique :
Je ne connaissais pas Michèle Forbes mais je me suis laissée tenter par la quatrième de couverture et ma curiosité.
Ce roman me permet de découvrir une écriture certes, mais aussi un univers celui des magiciens, du Music-Hall au début du XXe siècle en Irlande. Ma culture en ce qui concerne ce pays est assez réduite, je l’avoue, autant je visualise les côtes, la pêche, les vertes prairies et autre histoire terriennes et tout le folklore, autant je ne me suis jamais posé la question de l’Irlande Urbaine à cette époque là.
Ce roman débute en 1906, le siècle est jeune, Oliver aussi, il est plein d’énergie avec des rêves plein la tête, le monde de tous les possibles. Ce qu’il ne sait pas c’est que c’est pratiquement la fin d’une époque. Au fur et à mesure que les mois passent on découvre les avancées technologiques qui annoncent la fin de son monde. Ces nouveautés touchent le monde du spectacle avec l’arrivée du cinéma mais aussi d’autres moins ludiques, celles qui vont entourer la guerre de 14-18.
Ce roman qui se déroule dans le monde de l’illusion est non seulement dans la narration des spectacles, avec des descriptions de créations et des mises en œuvre, mais aussi dans l’écriture. Michèle Forbes joue avec cette idée d’illusion, elle détourne l’attention du lecteur sur des problèmes pratiques et quotidien, alors que le fond du sujet est la société. Par petites touches on découvre les changements dans la société qui vont avoir des répercussions sur le climat de tensions dans la société et dans leur microcosme familial. Elle fait des tours de passe-passe entre les scènes, ainsi qu’entre le passé et le présent. En effet les jeux de miroirs nous font voir des scènes qu’on ne devrait pas voir et les traumatismes du passé ressortent. L’alcoolisme et la violence voilent aussi des souffrances…
L’arrivée du cinéma, des syndicats, la précarité de ces métiers artistiques, la concurrence. Le temps de l’entraide entre gens du spectacle qui se délite.
Le regard des gens change, ils demandent de plus en plus de sensationnel, de spectaculaire. Des sujets qui nous touchent aujourd’hui encore et qui nous semble nouveaux. Le côté du pain et des jeux moderne. Mais la colère gronde et les ventres aussi. On sent le malaise social de ce pays divisé par la religion.
Ce qui m’a plu c’est toute la construction mentale autour de la famille. L’aspect psychologique. Comment du couple exubérant et libre, qui nous montre la joie de vivre du monde artistique. L’arrivée des enfants, le bonheur de construire une famille heureuse va coïncider avec la chute dans le milieu du travail. Les failles du passé vont sortir de la zone où elles avaient été refoulées.
On va découvrir le monde des femmes en parallèle du monde masculin. On remarquera que la aussi il y a des libertés qui se perdent et qu’une autre sorte de solidarité se met en place. Edith par exemple, va avoir une éducation pour être autre chose qu’une simple mère de famille. La thématique autour de la mère fait partie de la construction mentale des personnages… mais je vous laisse le découvrir.
Ce que j’ai particulièrement aimé c’est que chaque scène m’a fait penser à des « tableaux » comme au théâtre, dialogues et l’intensité narrative, le lecteur ressent une montée dans les émotions et reprend son souffle après chaque « chute ».
La couverture du roman nous montre ce monde où tout semble sens dessus-dessous, les serpents de la Méduse, et cette bouche qui essai de nous chanter les aventures ou mésaventures de « Edith & Oliver ». Michèle Forbes donne la parole à ces gens un peu à part… pas toujours compris par la société.
Je remercie les Éditions de La Table Ronde pour leur confiance.

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Article précédemment publié sur Canalblog
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